Le statut juridique des réfugiés irakiens dans les pays voisins

Les réfugiés irakiens bénéficient d’un faible niveau de protection et d’assistance dans les pays voisins, d’autant plus que la plupart de ces derniers ne sont pas signataires de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Par conséquent, les réfugiés éprouvent des difficultés à subvenir à leurs besoins, et à assurer leur sécurité.

Selon les estimations de l’UNHCR (l’agence de l’ONU pour les réfugiés), 4,5 millions d’Irakiens, ont été déplacés, soit un sixième de la population irakienne. Près de 4 millions ont été déplacés à l’intérieur du pays tandis que la plupart des autres déplacés vivent dans des pays de la région, tels que le Liban, la Jordanie, la Turquie, l’Iran, la Syrie et l’Égypte. Toutefois, les Irakiens qui entrent dans ces pays et qui y résident sans documentation officielle sont considérés comme clandestins, si bien qu’ils ne bénéficient que d’une protection juridique limitée.

Bien que la Turquie ait signé la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, elle n’accorde pas ce statut aux personnes provenant d’autres pays que les pays européens. En conséquence, les Irakiens ont uniquement le droit de rester en Turquie pour une période limitée, jusqu’à ce qu’ils obtiennent l’asile dans un pays tiers. Le Liban et Jordanie ne sont pas signataires de la Convention relative au statut des réfugiés. L’Iran a adopté cette Convention mais exprimé des réserves sur quatre articles, dont l’article 26 qui prévoit la liberté de mouvement pour les réfugiés. L’Égypte en est également signataire mais elle refuse de permettre aux réfugiés de travailler (sans toutefois le déclarer officiellement) et limite également leur accès aux services fournis par l’État ; de plus, il est devenu particulièrement difficile d’entrer en Égypte car les réfugiés doivent d’abord passer un entretien en personne dans une ambassade égyptienne, ce qui est uniquement possible à Amman ou à Damas. En conséquence de ces difficultés pour obtenir un visa d’entrée, les familles irakiennes sont séparées ; de surcroît, ces difficultés réduisent les possibilités de faire des allers-retours en Irak pour y réaliser leurs actifs afin de subvenir à leurs besoins en exil.

La protection juridique accordée aux réfugiés et aux demandeurs d’asile irakiens dans les pays voisins se limite aux principes juridiques visant à prévenir le refoulement. Selon ce principe, les pays d’accueil doivent adopter, au minimum, des mesures pour protéger les réfugiés sur leur territoire contre toute expulsion vers leur pays d’origine tant que les conditions qui ont motivé leur fuite sont toujours présentes.

Bien que les gouvernements de ces pays autorisent l’UNHCR ou l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à enregistrer ces réfugiés, la protection découlant de l’enregistrement auprès de ces organismes reste limitée. Elle peut permettre l’accès aux services mais elle n’accorde pas aux réfugiés le droit de solliciter l’asile ou d’obtenir un permis de résidence légal ou le statut de réfugié. Cette situation juridique se répercute sur de nombreux aspects de la vie des personnes déplacées. Par exemple, elles ne sont pas en mesure d’accéder aux services essentiels et à l’emploi et ne peuvent pas non plus faire enregistrer les naissances, les décès et les mariages.

Les Irakiens concernés vivent constamment dans la crainte de se faire arrêter, d’être mis en détention ou d’être expulsés vers l’Irak. Comme les hommes courent généralement un plus grand risque de se faire arrêter, ils doivent rester hors de la vue des autorités, si bien que les femmes doivent assumer la responsabilité de solliciter les services d’assistance. Cela accroît le risque de harcèlement et d’exploitation sexuels lorsqu’elles se trouvent dans la rue ou dans les centres d’assistance mais, en raison de leur statut clandestin dans le pays, il est très rare qu’elles contactent la police ou les autorités compétentes en cas de harcèlement. Même les personnes disposant d’un statut juridique préfèrent envoyer leurs enfants travailler plutôt qu’y aller eux-mêmes car elles craignent de se faire arrêter ; par conséquent, les enfants se retrouvent privés de leur éducation scolaire et sont plus susceptibles d’être victimes de mauvais traitements et d’exploitation.

Alors qu’il est très peu probable que se produise un déclin du nombre de réfugiés irakiens dans les pays voisins, le besoin le plus urgent consiste à résoudre les problèmes liés à la légalité du statut de réfugié.

 

Dr Mohammed Abbas Mohsen dr.mam1980@yahoo.com
Professeur adjoint de droit à Bagdad en Irak

 

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