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La violence sexuelle: inacceptable à tous les égards

En Afghanistan, des femmes ont été violées et elles ont fait l’objet d’attaques sexuelles pendant des dizaines d’années de conflit. Les rapports issus d’organisations nationales et internationales de défense des droits de l’homme et de défense des droits de la femme montrent que les femmes et les filles indépendamment de leur âge, de leur appartenance ethnique ou de leur classe sociale subissent des actes de violence sexuelle: viol (y compris viol collectif), prostitution forcée, mariage forcé ou mariage d’enfants.

Le viol individuel ou collectif n’a pas été utilisé aussi systématiquement comme arme de guerre pendant les opérations militaires récentes que pendant les années de guerre civile (même s’il ne fait aucun doute que les combattants actuels ont commis des viols individuellement ou collectivement), mais plusieurs autres éléments contribuent à soumettre plus généralement les femmes et les filles à des risques importants. Auparavant, les responsables de cette violence étaient principalement les combattants ; maintenant ce sont ceux qui étaient autrefois des combattants, comme les commandants et leurs hommes de main privés, les hommes puissants, la police et les autres membres des forces de sécurité, ainsi que des non-combattants, y compris des membres de famille, des parents et des voisins. 

Les entretiens et les rapports de Human Rights Watch[1] et ceux d’autres organisations de défense des droits de l’homme démontrent que les concepts d’honneur et de vengeance font parties des causes majeures qui font courir aux femmes des risques importants de cette nature. Dans d’autres cas des femmes et des filles ont été violées parce qu’elles se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment, ou parce qu’elles avaient commis un acte « répréhensible ». Dans certaines circonstances, le viol est utilisé pour punir la victime ou sa famille. Samia a été enlevée alors qu’elle rentrait chez elle après un cours d’alphabétisation et elle a été violée collectivement pendant dix jours par les gardes du corps du commandant local – parce qu’elle était la seule fille de son village à assister aux cours d’alphabétisation et que le commandant local avait interdit l’école et les cours d’alphabétisation aux filles.

De nombreuses femmes et filles sont obligées de quitter leur maison suite à un viol, à cause de la perception de honte éprouvée par leur famille. Déplacées, sans réseaux de soutien et privées de protection et de moyens d’existence, beaucoup d’entre elles se trouvent alors contraintes à la prostitution.

Les institutions afghanes face à la violence sexuelle

Sur papier, la Constitution afghane soutient fermement les droits de l’homme et les droits de la femme (Article 7.22 de la Constitution). Toutefois, le Code civil afghan, adopté en 1977 et le Code pénal afghan adopté en 1976 – qui sont toujours en vigueur dans l’ensemble du pays – sont vagues, obsolètes et manque de précision et de clarté en ce qui concerne les droits de la femme. Bien que le gouvernement afghan ait signé un certain nombre de conventions et de résolutions internationales comme la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU, la législation nationale prévaut et en l’état actuel elle est incapable de défendre et protéger les femmes afghanes contre la violence et en particulier contre la violence sexuelle. 

Face à cette situation, les activistes des droits de la femme en Afghanistan ont préparé une loi sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes (Elimination of Violence Against Woman – EVAW[2]) qui a été approuvée par le Président Karzai le 20 juillet 2009 alors que le parlement prenait sa pause estivale. Des désaccords ont surgi lorsque des tentatives ont été faites pour obtenir du Parlement afghan la ratification de cette loi en 2013 parce que des parlementaires considéraient certains des articles comme contraires à la charia ; de nombreux points controversés subsistent mais cette loi a eu au moins le mérite de susciter d’importantes clarifications en matière de violence sexiste et de violence sexuelle ; en effet cette loi contient une définition plus spécifique et plus claire de la violence sexuelle et interdit ouvertement le viol, la prostitution forcée, le mariage forcé, le mariage d’enfants et la pratique du baad[3]. En outre, elle spécifie les mesures qu’il incombe aux différentes institutions de l’État de prendre en vue de prévenir la violence à l’égard des femmes. Toutefois, en Afghanistan comme dans toutes les sociétés qui subissent la guerre ou celles qui viennent d’entrer dans une période d’après-guerre, l’état de droit reste très précaire et obtenir la concrétisation de cette loi dans la vie réelle des femmes n’est pas chose aisée.

 

Lida Ahmad lida.ahmad.afg@gmail.com est actuellement maître de conférences en études du développement à l’Université d’Afghanistan et conseillère en matière de violence sexiste auprès de l’organisation Humanitarian Assistance for the Women and Children of Afghanistan (HAWCA). www.hawca.org



[1] Human Rights Watch (2012) I had to run away: The Imprisonment of Women and Girls for “Moral Crimes” in Afghanistan www.hrw.org/reports/2012/03/28/i-had-run-away

[3] Une pratique traditionnelle de règlement des différends en vertu de laquelle une jeune fille de la famille du coupable est donnée comme monnaie d’échange pour effacer la faute de membres plus âgés de la famille.

 

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