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Transposer les normes éducatives mondiales dans les contextes locaux

Les normes minimales du Réseau interinstitutionnel pour l’éducation dans les situations d’urgence (INEE) définissent le niveau minimal de qualité de l’éducation et d’accès à l’éducation en situation d’urgence. Elles sont l’expression d’un engagement pour que tous les enfants, les jeunes et les adultes aient le droit à une éducation sûre, de bonne qualité et adaptée à leurs besoins, même dans les circonstances les plus accablantes, y compris lors du déplacement forcé.[1]

En pratique, comme les normes sont écrites en termes génériques, elles doivent être contextualisées en fonction de la situation: il s’agit de les «transposer» et de les adapter pour que leur contenu soit adapté et utile aux circonstances qui se présentent. Par exemple, la norme mondiale concernant le ratio élèves/enseignants stipule que «les enseignants doivent être recrutés en nombre suffisant pour atteindre un ratio élèves/enseignants adéquat», ce dernier pouvant varier fortement pour les écoles des camps de réfugiés si le contexte est celui d’un déplacement prolongé ou, au contraire, d’une communauté récemment déplacée.

Une contextualisation informelle peut s’opérer lorsque les utilisateurs révisent, retravaillent et sélectionnent certaines sections des directives pour les adapter à leurs besoins particuliers. En revanche, la contextualisation formelle est un processus collaboratif visant à élaborer un ensemble de normes contextualisées qui engagent toutes les parties prenantes de l’éducation dans un contexte donné. Le résultat est ensuite consigné puis diffusé amplement afin de le mettre à la disposition de tous les collègues du secteur de l’éducation pour qu’ils l’utilisent dans ce contexte.

Un tel processus consultatif et collaboratif contribue aussi à la construction d’une communauté robuste de praticiens et de responsables dans le pays concerné et donne l’occasion d’écouter la perspective de personnes n’ayant d’habitude pas le droit à la parole, par exemple les enseignants et les parents issus des communautés de réfugiés ou d’accueil, qui ont peut-être été précédemment exclues d’activités semblables. Cette approche peut aider les populations touchées à avoir la force de revendiquer leur droit à une éducation en situations d’urgence et pousser les personnes responsables à devoir rendre des comptes et répondre à leurs obligations.

Sri Lanka et Éthiopie

Au Sri Lanka et en Éthiopie, les praticiens de l’éducation travaillant pour des organisations non gouvernementales et des agences de l’ONU, les responsables des politiques du ministère de l’Éducation (ME) et d’autres fonctionnaires de diverses autorités régionales ont participé à un atelier de deux jours dans la capitale de leur pays afin de définir des normes éducatives nationales en contextualisant les normes minimales de l’INEE. En Éthiopie, afin de garantir que les problématiques des réfugiés soient intégrées aux normes nationales, la consultation initiale organisée au niveau national a été suivie par un deuxième atelier dans la région de Dollo Ado, qui accueille de nombreux réfugiés et où des experts en la matière ont pu examiner l’ébauche de normes sous l’angle des problématiques propres aux réfugiés/PDI.

Dans les deux pays, le programme et les matériels des ateliers avaient été développés en consultation avec les organisations hôtes (Save the Children au Sri Lanka et l’UNICEF et Save the Children en Éthiopie) afin de prendre en considération les besoins locaux. Des directives avaient également été données concernant la manière d’approcher les questions sensibles, par exemple les conflits tribaux ou ethniques.

Les participants avaient été divisés en groupes, disposant chacun d’un fonctionnaire du ME et d’un représentant local, constitués sur le principe de la diversité géographique et avec un souci de l’équilibre quant à la représentation des hommes et des femmes et des différentes langues, religions et ethnicités. Chacun de ces groupes travaillait sur un minimum de trois normes afin de couvrir la totalité des 19 normes du Manuel des normes minimales en deux ou trois jours. Les groupes ont ensuite passé en revue le travail des autres groupes et fait part de leurs commentaires et de leurs idées pour consolider le contenu des normes. Les participants ont également dressé une liste des diverses manières de mettre en application les normes contextualisées en vue d’éclairer et d’orienter les politiques et les pratiques éducatives dans leur domaine de travail.

Les animateurs ont ensuite compilé l’ensemble de ces travaux en un document unique, en mettant en lumière les problèmes et les questions non résolus ainsi que les carences du contenu. La première ébauche a ensuite été remise à tous les participants ainsi qu’à d’autres professionnels de l’éducation basés dans le pays. Enfin, leurs commentaires, ainsi que des directives supplémentaires, ont été intégrés à la version finale des normes locales.

Enseignements tirés du processus de contextualisation

En général, les participants ont apprécié d’avoir l’occasion de s’asseoir à la même table que leurs collègues venus d’autres régions du pays, notamment ceux du ME. Les participants se sont appropriés le processus de contextualisation, tout comme sa contribution à leur propre travail dans le secteur éducatif. Nous avons été félicités pour avoir invité des représentant des autorités nationales et réuni des participants divers et variés puisque la présence de ces personnes aura un impact direct sur le degré d’adoption et d’utilisation des normes dans chaque pays. En Éthiopie, la participation d’un large éventail de parties prenantes, y compris un grand nombre de délégués de l’Administration pour les affaires concernant les réfugiés et les rapatriés (Administration for Refugee and Returnee Affairs, ARRA) et des groupes chargés de l’eau, assainissement et hygiène et de la protection, a permis de consolider le contenu des normes et de construire des ponts entre le ME, ARRA et le groupe chargé de l’éducation.

Parmi les aboutissements positifs de l’atelier sri-lankais, on peut citer l’identification d’un grand nombre de circulaires et de politiques sur l’éducation qui pourraient être utilisées en situation d’urgence ou qui pourraient s’y rattacher. Le Sri Lanka ne possède pas de politique sur l’éducation en situation d’urgence ni de politique qui aborde explicitement ce sujet ; sa nouvelle Politique relative à l’éducation n’aborde d’ailleurs ce sujet de explicitement, ni implicitement. Cet état des choses a été identifié à de nombreuses reprises comme une carence considérable au cours de l’atelier et de l’ébauche des normes contextualisées.

En plus d’identifier les carences des politiques éducatives, les exercices de contextualisation ont également le potentiel de faire mieux connaître les lois et les politiques existantes applicables en situation d’urgence. Par exemple, en Éthiopie, les participants travaillant dans le domaine des interventions en faveur des réfugiés ont eu besoin de clarifier si, et comment, les politiques gouvernementales s’appliquent dans les contextes de réfugiés. Le document final des normes contextualisées sera peut-être en mesure de donner des directives qui permettraient d’identifier comment les politiques éducatives actuelles s’appliquent dans diverses situations d’urgence afin de mieux éclairer les pratiques éducatives dans ce genre de situations.

La participation assidue du ME tout au long du processus est un élément crucial puisque les représentants du Gouvernement sont les seuls qui soient en mesure de répondre aux questions relatives aux circulaires et aux lois locales existantes et à leur intégration au document final. Certains participants ont pris connaissance de certaines lois et circulaires qui existaient déjà tandis que d’autres (en particulier les délégués du ME) ont pris consciences de toute la palette de difficultés associés à la mise en application de ces lois sur le terrain.

Au Sri Lanka, il a été approuvé qu’un atelier ou une réunion virtuelle de suivi serait organisé avec tous les participants dans les 6 à 12 mois suivant le lancement des normes contextualisées afin de faire le point sur les actions de chacun concernant la dissémination et l’application des normes mais aussi sur les bonnes pratiques et les enseignements tirés.

En Éthiopie, il a également été suggéré de mettre au point un système de suivi de la mise en application des normes en tant que moyen de partager les connaissances, les bonnes pratiques et les difficultés à surmonter.

Pour les contextualisations futures des normes de qualité et de responsabilité humanitaires, il pourrait se révéler utile de tenir compte des points suivants;

  • Garantir la représentation d’une grande diversité de participant au processus de contextualisation (en termes d’origine géographique, d’expertise, d’organisation ou autorité nationale, etc.).
  • Il est crucial que le ministère compétent adhère au processus et y participe ou le dirige activement.
  • Relier le processus de contextualisation aux processus plus globaux du secteur éducatif, par exemple la planification.
  • Investir du temps et des efforts dans l’appui au processus de suivi en identifiant des «parrains» de l’utilisation des normes dans le pays et en organisant des réunions de suivi virtuelles ou en personne pour permettre aux utilisateurs de partager les bonnes pratiques et d’apprendre les uns des autres.
  • Prévoir le déroulement du processus de contextualisation sur plusieurs mois afin de donner suffisamment de temps aux travaux en groupe et au processus d’examen par les pairs.

 

 

Carine Allaf allaf@exchange.tc.columbia.edu est Cprésidente du Groupe de travail de l’INEE sur les normes minimales et a facilité la contextualisation au Sri Lanka. Tzvetomira Laub tzvetomira@ineesite.org est la Coordinatrice des normes minimales, et Arianna Sloat mstraining@ineesite.org est la Coordinatrice adjointe des normes minimales chez l’INEE. www.ineesite.org/fr/

 

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