Skip to content
La protection des migrants suite à la révolution libyenne

Au moment de la rédaction de cet article, l’autorité de fait continue de résider entre les mains de brigades armées qui contrôlent matériellement de nombreux sites, emplacements et installations. Par exemple, sur plus de 20 centres de détention qui existaient en Libye avant la révolution, pratiquement tous se trouvent maintenant sous le contrôle de brigades, qui pour la plupart ne reçoivent aucune consigne officielle et pas de soutien financier. Sans soutien financier, les migrants détenus sont souvent maintenus dans des installations inadéquates ce qui soulève des inquiétudes quant  à l’accès à la nourriture, à l’eau et à la santé, et à l’exploitation par le travail. D’autres brigades sont toujours responsables de certains postes frontières, ports et autres installations dans lesquels des migrants sont retenus. Jusqu’à ce que les membres des brigades – dont le rôle a été tellement crucial pour le succès de la révolution – soient intégrés aux forces nationales ou démobilisés, les décisions politiques en matière de migration resteront telles qu’elles, ad hoc et décentralisées à l’extrême.

Alors que la relance de l’économie a contribué à normaliser la situation de certains migrants, un nombre non négligeable parmi eux continuent d’être arrêtés et détenus. Tant du côté des ministères gouvernementaux que des brigades, le retour graduel à la normalité après le conflit s’est accompagné d’approches strictes en matière de contrôle de la migration, centrées sur la détention des migrants en situation irrégulières et leur renvoi ou leur déportation. La nécessité subsiste de garantir la mise en place d’un cadre légal approprié qui ne confonde pas le statut de migrant en situation irrégulière avec la suspicion d’être un mercenaire et ce, afin de protéger, en particulier,  les droits des migrants subsahariens ;  un tel cadre légal devrait aussi être accompagné de lignes directrices à l’intention des brigades locales pour les orienter dans leurs relations avec les migrants en situation irrégulière, et notamment pour augmenter la supervision, réviser la situation juridique et rendre des comptes.

La transition post-conflictuelle prendra du temps, c’est cependant au cours de ces premières étapes que des précédents risquent d’être instaurés sur la manière dont la Libye postrévolutionnaire traitera à l’avenir la migration et définira sa politique en matière d’asile. C’est au moment où les politiques et les pratiques en vigueur sous le régime précédent sont examinées pour en déterminer l’applicabilité, que des opportunités nouvelles sont créées pour développer une politique en matière de migration soucieuse de protection et consciente des besoins spécifiques des migrants et des demandeurs d’asile. Même si le retour volontaire pourrait être une solution pour certains migrants qui y seraient disposés, il ne s’agit pas d’une solution globale pour l’immense majorité des migrants illégaux qui se trouvent en Libye au nombre de près d’un million selon les estimations, et qui pour la plupart souhaitent y rester ou craignent de rentrer chez eux. La communauté internationale a recommandé des alternatives possibles à la détention, comme par exemple un système d’enregistrement accordant des documents provisoires aux étrangers dans le cadre d’une amnistie temporaire de l’immigration. Un système d’enregistrement, plutôt qu’une succession de détentions à répétition, permettrait aux autorités libyennes de stabiliser la situation en matière de migration en attendant une meilleure planification en vue de prendre  des décisions à plus long terme sur les politiques migratoires et leur application.

 

Samuel Cheung cheung@unhcr.org est Administrateur principal chargé de la protection pour l’UNHCR en Libye.

DONATESUBSCRIBE
This site is registered on wpml.org as a development site. Switch to a production site key to remove this banner.