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Terre, catastrophes et mobilité dans le Pacifique Sud

Les programmes d’action politique relatifs aux catastrophes et à la mobilité humaine ont tendance à se focaliser sur le rôle des gouvernements dans la réponse au déplacement et sur des mécanismes axés sur l’État lorsqu’il s’agit de faciliter la réinstallation. Toutefois, les États du Pacifique sont confrontés à des contraintes lorsqu’ils cherchent à répondre à la mobilité humaine liée aux catastrophes, l’une d’entre, certainement pas la moindre, étant que plus de 80 % des terres dans la majorité des pays du Pacifique tombent dans la catégorie des terres coutumières, c’est-à-dire qu’elles appartiennent à des groupes locaux.

Les gouvernements du Pacifique éprouvent une certaine réticence à choisir des terres coutumières comme site de réinstallation planifiée ou d’abri temporaire pour des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI ou déplacés internes) parce qu’ils craignent un conflit avec des plaignants coutumiers ou qu’ils ignorent l’identité des propriétaires coutumiers. La plupart des États du Pacifique préfèrent sélectionner un terrain appartenant à l’État comme site temporaire d’abri ou de réinstallation planifiée afin d’éviter la nécessité de conclure des accords avec un groupe de propriétaires coutumiers. Mais une telle réticence a pour effet de limiter substantiellement la quantité de terres disponibles en vue de réinstallation. Ce système de sélection des sites que les États ont adopté en se basant sur le statut légal des terres risque d’écarter des possibilités alternatives lorsque les personnes concernées privilégient des modes de migration fondés sur la famille ou sur la parenté. Des mouvements qui s’effectuent à l’intérieur des terres d’un groupe coutumier risquent beaucoup moins de soulever des problèmes fonciers que des mouvements qui dépassent les frontières du territoire coutumier. La réinstallation à l’intérieur de l’île de familles samoanes suite au tsunami de 2009 et la réinstallation plus récente de la communauté Narikoso à Fidji pour cause d’érosion côtière sont des exemples de mouvements relativement réussis à l’intérieur d’un territoire coutumier. Parallèlement, la gestion foncière de type coutumier risque potentiellement de marginaliser des personnes déplacées à l’intérieur du pays qui n’ont aucun lien de parenté avec le groupe local auquel appartiennent les terres.

Les règles juridiques qui confèrent à l’État un rôle d’intermédiaire dans le cadre des transactions officielles concernant des terres coutumières bien souvent ne suffisent pas à rendre compte des capacités administratives réduites de la plupart des États du Pacifique, particulièrement en ce qui concerne la résolution des conflits fonciers tout en ayant le potentiel d’entraver les capacités adaptatives des systèmes fonciers coutumiers à conclure des accords directs avec les personnes déplacées. De plus, la sélection de terres appartenant à l’État n’élimine ni la nécessité de consultation avec les communautés locales, ni la mise en place de mesures destinées à réduire les risques de conflit avec ces mêmes communautés locales.

Dans les cas où l’État doit assumer un rôle d’intermédiaire pour effectuer un transfert de droits sur des terres coutumières, des procédures permettant de garantir un consentement éclairé concernant une acquisition volontaire de terres par l’État sont cruciales afin de réduire toute contestation ultérieure potentielle à propos des terres cédées dans le cadre d’une réinstallation. En outre, les accords volontaires d’acquisition de terres en vue d’une réinstallation devraient être enregistrés dans les systèmes d’administration foncière de l’État.

Les trajectoires historiques de la migration d’adaptation méritent davantage de reconnaissance dans les lignes directrices relatives à la réinstallation des États. Les lignes directrices de la Papouasie-Nouvelle-Guinée relatives à la réinstallation des habitants des Îles Carteret qui établissent des critères d’assistance prioritaire qui incluent la possibilité de se réinstaller dans des zones occupées ou qui sont la propriété de parents par la lignée maternelle, en sont un exemple. Les caractéristiques adaptatives des systèmes fonciers coutumiers méritent davantage de reconnaissance dans les programmes d’action politique relatifs aux catastrophes et au changement climatique.

 

Daniel Fitzpatrick daniel.fitzpatrick@anu.edu.au est Professeur à la Faculté de droit de l’Université nationale d’Australie. http://law.anu.edu.au

Cet article s’appuie sur une étude des terres, de la mobilité humaine et des catastrophes naturelles dans le Pacifique Sud commandée par l’Initiative Nansen suite à la Consultation régionale sur le Pacifique qui a eu lieu en 2013 sur le thème « Mobilité humaine, catastrophes naturelles et changement climatique dans le Pacifique ».
www2.nanseninitiative.org/pacific-consultations-intergovernmental/   

L’auteur remercie l’Australian Research Council (FT110101065) pour son assistance financière obtenue dans le cadre de son programme « Future Fellowship ».

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