Le pouvoir de l’éducation dans la vie des réfugiés : les réfugiés sri lankais en Inde

C’est parce qu’ils sont déterminés à reprendre le contrôle de leur avenir incertain que les réfugiés sri lankais qui vivent dans des camps au Tamil Nadu en Inde ont donné la priorité à l’éducation. Le compte rendu de leur réussite ainsi que le rôle crucial joué par le gouvernement du pays d’accueil qui les a soutenus, peuvent servir d’inspiration à d’autres communautés de réfugiés qui attendent dans l’incertitude une solution durable.

La violence qui a éclaté au Sri Lanka en 1983 et qui, à plusieurs occasions subséquentes, a déclenché un exode d’une dizaine d’années au cours duquel les Tamouls sri lankais ont cherché asile en Inde et dans d’autres pays en Asie, en Europe, en Amérique et en Australie. Au total, quelque 303 000 personnes sont arrivées en Inde entre 1983 et 2010, et ont principalement été installées dans des camps de réfugiés gérés par le gouvernement à travers l’État du Tamil Nadu dans l’Inde du Sud. Alors que la majorité des réfugiés sont rentrés au Sri Lanka depuis, il reste encore 19 451 familles – soit environ 63 350 réfugiés - qui vivent répartis dans 107 camps de réfugiés, ainsi que 37 868 autres réfugiés qui vivent au Tamil Nadu, mais en dehors des camps[1].

Les réfugiés qui vivent dans les camps ont accès à toute une série de mesures de soutien, y compris des allocations en espèces, et peuvent participer à tous les projets de sécurité sociale disponibles aux ressortissants locaux. Toutefois, pour les réfugiés, c’est l’éducation qui est primordiale. Ils la considèrent en effet comme fondamentale pour reconstruire et autonomiser la communauté réfugiée, et sont convaincus qu’une communauté éduquée sera mieux équipée pour reconstruire une société pacifique et prospère une fois de retour au Sri Lanka.

L’éducation comme priorité

Sous l’égide de l’OfERR (l’Organisation pour la réinsertion des réfugiés de l’Îlam tamoul, une organisation pour les réfugiés tamouls sri lankais), les réfugiés ont fait pression sur le gouvernement central indien et sur celui de l’État, et ont obtenu une autorisation exceptionnelle pour permettre aux étudiants parmi les réfugiés – qui pour la plupart avait perdu leurs certificats scolaires pendant le déplacement – de poursuivre leur éducation en Inde.  

« Nous, Tamouls sri lankais, après avoir tout perdu, avons demandé aux gouvernements d’accorder des places à nos enfants pour qu’ils puissent étudier dans les mêmes classes que les enfants indiens. À notre surprise, le gouvernement du Tamil Nadu nous a accueillis dans son cœur et a accepté de scolariser tous les enfants sans certificat scolaire. Nulle part ailleurs dans le monde cela ne s’était produit ». (S C Chandrahasan, fondateur de l’OfERR)

Plusieurs programmes différents ont été organisés par l’OfERR en vue de promouvoir l’éducation au sein des Tamouls sri lankais : éducation maternelle, primaire et secondaire, cours du soir, enseignement supérieur, formation à l’informatique, et forums à l’intention des étudiants des écoles et des universités. Les Tamouls sri lankais accordent une importance suprême à l’éducation, et si un enfant d’une famille réfugiée ne semble pas être scolarisé, les voisins interviennent et se mobilisent pour garantir l’éducation de cet enfant.

L’OfERR aide les étudiants des familles vulnérables à accéder à l’éducation supérieure en leur fournissant des bourses dont le montant est en majorité financé par un donateur extérieur[2]. Au sein de cette communauté réfugiée, plus de 3 526 étudiants ont obtenu une licence ou des diplômes, y compris en médecine, en sciences de l’ingénieur, en informatique ou dans le secteur bancaire, des affaires et du travail social. Le soutien du gouvernement du Tamil Nadu, en permettant l’accès à l’éducation supérieure, s’est avéré crucial.

Plus d’une trentaine d’années plus tard, tous les enfants dans les camps ont désormais accès à l’enseignement élémentaire, alors qu’une éducation informelle et un soutien psychosocial sont mis à disposition des enfants handicapés. Les programmes de l’OfERR n’ont pas seulement pour objectif d’aider les réfugiés à trouver une activité rémunérée, mais s’efforcent également de les aider à surmonter les traumatismes psychosociaux qui accompagnent une résidence prolongée dans des camps et des années d’incertitude concernant leurs perspectives de retour au Sri Lanka[3].

Par le biais de forums dans les districts et les régions auxquels participent des milliers d’étudiants, la communauté étudiante réfugiée aide la prochaine génération d’étudiants à trouver un soutien en organisant des programmes de mentorat, d’accompagnement, de formation et d’aide économique. Ils suivent également les abandons de scolarité, organisent des programmes communautaires comme des opérations de nettoyage des quartiers, et sensibilisent la communauté réfugiée aux grandes questions d’actualité sociale et mondiale. Mais leur objectif ultime reste avant tout d’utiliser leur éducation supérieure une fois de retour dans leur pays d’origine.

« Les diplômés, parce qu’ils constituent les groupes les plus éduqués de notre communauté, ont pour responsabilité de tenir les autres réfugiés au courant de la situation actuelle au Sri Lanka et de préparer la communauté à prendre des décisions volontaires, réfléchies et éclairées à propos de son avenir ». (Ajith Kumar, camp de Paramathi, district de Namakkal)

Des bénéfices à long terme

L’éducation a apporté une contribution significative à l’existence sociale et économique des réfugiés tamouls venus du Sri Lanka qui vivent dans le Tamil Nadu. Il n’y a ni pauvreté ni famine ; les femmes sont autonomes et l’égalité entre les sexes est préservée ; pratiquement 100 % des enfants ont accès à l’éducation primaire ; il n’y a pas d’épidémie, et la mortalité infantile et maternelle est très rare dans les camps ; de plus, les réfugiés sont conscients des conséquences du réchauffement mondial et du changement climatique, et s’impliquent activement dans la promotion de la durabilité environnementale. Le soutien conjoint du gouvernement du Tamil Nadu et du gouvernement indien a permis cet impact significatif, et a contribué à ce résultat.

Les réfugiés tamouls sri lankais n’ont jamais dévié de leur objectif qui était de développer leurs ressources humaines et de renforcer leurs capacités. En dépit de l’incertitude concernant leur avenir, l’éducation a été utilisée comme un rempart contre les défis complexes qu’ils ont rencontrés dans leur existence, et elle leur a permis de s’autonomiser, de développer un sentiment de durabilité et de résilience, et de mieux se préparer dans la perspective de leur retour au Sri Lanka.

 

Antony Jeevarathnam Mayuran mayuran.jeevarathinam@gmail.com  
OfERR (Ceylan) https://oferr.org www.oferrceylon.com

Je m’appelle Antony Jeevarathnam Mayuran. Je suis Sri Lankais, et je viens tout juste de rentrer dans ma patrie au Sri Lanka après 25 années d’exil en tant que réfugié. J’ai vécu toute ma vie de réfugié apatride dans une petite maison à l’intérieur d’un camp de réfugiés en Inde. J’ai obtenu mon master et ensuite un doctorat en sciences sociales à l’Université de Loyola, à Chennai, en Inde, et je suis maintenant travailleur social communautaire au service des déplacés internes et des réfugiés qui rentrent au Sri Lanka. Je travaille avec l’OfERR (Ceylan) afin de mettre à disposition de la population tamoule réinstallée au Sri Lanka des programmes d’aide à l’éducation, à l’autonomisation et à la documentation, au renforcement des capacités et au soutien des moyens d’existence.

 



[1] Commission pour la réinsertion et le bien-être des Tamuls non résidents, Résumé statistique de la population du camp, 1er novembre 2016 www.rehab.tn.nic.in/camps.htm (uniquement en anglais).

[2] Bourses d’étude partiellement financées par l’Église évangélique allemande, membre du Programme œcuménique de bourses.

 

 

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