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L’initiative Nansen : bâtir un consensus sur le déplacement dans le contexte des désastres

L’initiative Nansen a été officiellement lancée par les autorités suisses et norvégiennes en octobre 2012, après avoir pris conscience que dans le cadre du droit international actuel, rien ne garantit aux personnes forcées de fuir et de traverser des frontières internationales suite à un désastre qu’elles seront admises et recevront une assistance dans un autre pays, et encore moins qu’elles trouveront des solutions durables à leur déplacement. Ce type de déplacement crée non seulement des problèmes de protection juridique mais aussi des défis opérationnels, institutionnels et financiers puisqu’il n’existe aucune organisation internationale dont le mandat cible expressément ces personnes.

Cependant, au cours du processus consultatif mené par l’initiative Nansen auprès des États, de la société civile, des universitaires, des organisations internationales et des communautés touchées, il est rapidement devenu évident qu’une approche holistique de ce sujet devrait également se pencher sur la prévention du déplacement ; la réinstallation planifiée ou la migration régulière et volontaire pour éviter une situation dans laquelle tous les impacts négatifs du déplacement deviennent inévitables ; et une meilleure protection et de meilleures solutions durables pour les personnes déplacées de l’intérieur également. Ces consultations ont également révélé les multiples causes du déplacement, en particulier suite aux risques à déclenchement lent et aux autres changements progressifs associés au changement climatique. Enfin, elles ont mis en lumière le fait que ces mouvements de population se déroulent dans le contexte des désastres et du changement climatique et qu’ils ne sont donc pas exclusivement provoqués par ces événements.

Recherche du consensus

L’objectif principal de l’initiative Nansen est de construire un consensus entre les États touchés concernant la manière adaptée de répondre aux défis du déplacement transfrontalier dans le contexte des désastres, y compris des impacts négatifs du changement climatique. À cette fin, elle a organisé des consultations intergouvernementales dans des pays membres du comité directeur de l’initiative Nansen[1] dans cinq sous-régions (Pacifique, Amérique centrale, grande Corne de l’Afrique, Asie du Sud-Est et Asie du Sud) et, en parallèle, des réunions avec la société civile dans ces mêmes régions. Ces consultations ont mis en lumière les dynamiques diverses et variées du déplacement transfrontalier et plus généralement de la mobilité humaine dans le contexte des désastres. Elles ont en outre permis de révéler la nature principalement régionale de ces mouvements et les nombreux processus à l’œuvre pour répondre aux déplacements en cas de désastre.

Le déplacement provoqué par les désastres, y compris transfrontalier, est soit déjà une réalité dans de nombreuses régions du monde, soit susceptible de se produire ou de s’intensifier, puisque le changement climatique devrait accroître tant la fréquence que l’ampleur des désastres. Les consultations ont permis d’affirmer que les États étaient les premiers responsables pour prévenir le déplacement lorsque cela est possible et, s’il est inévitable, pour protéger les personnes déplacées et trouver des solutions durables à leur déplacement. Ces consultations ont également confirmé que les mécanismes, les lois et les politiques internationaux et régionaux existants ne couvrent pas suffisamment la question du déplacement transfrontalier dans le contexte des désastres, et ont également identifié le besoin de meilleurs mécanismes de préparation.

Dans l’ensemble, l’initiative a suscité un fort intérêt car elle offre une plateforme de discussion sur les mesures à prendre pour se préparer adéquatement à ces déplacements et pour y répondre, en réunissant les acteurs de l’action humanitaire, de la protection des droits humains, de la gestion de la migration, de la réduction des risques de catastrophe, de l’adaptation au changement climatique, de la protection des réfugiés et du développement. En particulier, le processus consultatif a permis de mettre en lumière le rôle important des organisations régionales et sous-régionales, qui complètent les efforts menés à l’échelon national, pour identifier des solutions à ce défi en s’appuyant sur les lois et les mécanismes existants et en les renforçant.

Des outils et plus

L’initiative a identifié un vaste éventail de mesures de protection et de migration pour les personnes touchées par des désastres, tels que la délivrance de visas humanitaires, la suspension des expulsions, l’octroi du statut de réfugié dans des circonstances exceptionnelles, des arrangements bilatéraux ou régionaux concernant la libre circulation des personnes, l’accélération des procédures migratoires habituelles ou la délivrance de permis de travail. Les consultations ont permis d’identifier le besoin de réviser l’applicabilité des accords régionaux existants relativement aux déplacements transfrontaliers dans le contexte des désastres ou, lorsque tels accords sont absents, de considérer l’élaboration de modalités temporaires de protection, d’admission et de séjour liées à des solutions durables.

Les consultations ont également mis en exergue le besoin d’une « boîte à outils » d’options politiques qui vont au-delà de la protection des personnes déplacées et touchent à d’autres formes de la mobilité humaine, par exemple en aidant les personnes à éviter le déplacement forcé, y compris, lorsque cela est possible, en se réinstallant à l’intérieur de leur pays ou à l’étranger de manière régulière ou planifiée avant que ne survienne le déplacement.

Par exemple, les activités de réduction des risques de catastrophe, l’adaptation au changement climatique, les exercices de planification d’urgence, les améliorations infrastructurelles, la réinstallation des personnes à risque sur des sites plus sûrs, la réforme foncière et d’autres mesures visant à accroître la résilience constituent tous des actions qui pourraient potentiellement aider les personnes à rester chez elles aussi longtemps que possible. La mise en application complète des cadres juridiques et politiques pour les personnes déplacées de l’intérieur a également été identifiée comme un moyen d’améliorer la réponse globale aux déplacements liés à des désastres. Enfin, et notamment dans le contexte des risques naturels à déclenchement lent et des effets du changement climatique, la migration volontaire vers une autre région du pays ou (le cas échéant) vers un autre pays peut être également une occasion de trouver un emploi et de réduire le risque de déplacement en cas de crise humanitaire.

Principales conclusions des consultations régionales

Parmi les conclusions identifiées au cours de chaque consultation régionale, un certain nombre de thèmes centraux et mondiaux sont apparus. Toutefois, chaque région a identifié ses priorités particulières pour répondre à ses propres défis. Les rapports de ces consultations sont disponibles en ligne sur www2.nanseninitiative.org/#consultations  et plusieurs articles de ce numéro de RMF sont dérivés des rapports élaborés en préparation des consultations régionales ou en conclusion de ces consultations.

 

Cadrer et diffuser des messages

Au cours des années 2015 et 2016, il y aura de nombreuses opportunités d’intégrer les recommandations et les conclusions de l’initiative Nansen au processus régionaux et mondiaux cherchant à répondre aux questions essentielles en vue d’élaborer une réponse exhaustive aux déplacements transfrontaliers dans le contexte des désastres. Les conclusions de l’initiative applicables au niveau mondial soutiennent l’inclusion des déplacements provoqués par les désastres (internes et transfrontaliers) parmi les priorités du Cadre Sendai pour la réduction des risques de catastrophe : 2015-2030. L’initiative a également contribué la des conversations autour des négociations relatives à l’Accord de Paris sur le changement climatique de 2015 et participé activement au processus consultatif pour le Sommet humanitaire mondial de 2016. À l’échelle régionale, les conclusions des consultations ont été incorporées par les États dans la Déclaration et le Plan d’action Carthagène + 30 de Brasilia en décembre 2014, le projet de Stratégie pour un développement résilient au climat et aux catastrophes dans le Pacifique et de l’atelier de février 2015 de la Conférence régionale sur la migration (processus Puebla), à l’occasion duquel les états membres d’Amérique centrale et du Nord ont échangé au sujet des moyens les plus efficaces d’utiliser les mécanismes de protection humanitaire temporaire dans le contexte de désastres.

En octobre 2015, les États se réuniront à Genève en vue d’adopter un « Programme de protection » sur le déplacement transfrontalier dans le contexte des désastres et du changement climatique, qui identifiera les pratiques efficaces et définira les futurs domaines d’actions à l’échelle nationale, régionale et internationale[2]. Ce Programme de protection ne suggérera pas la création d’une nouvelle législation internationale mais inclura plutôt un ensemble de perspectives communes sur ce sujet, sur ses dimensions et sur les défis que chaque partie prenante concernée devra relever. Il identifiera et réaffirmera les principes élémentaires qui sous-tendent les domaines de la protection et de la coopération internationale et régionale, et fournira des exemples de pratiques et d’outils existants pour prévenir les déplacements internes et, plus particulièrement, les déplacements transfrontaliers dans le contexte des désastres, mais aussi pour s’y préparer et pour y répondre. Enfin, il inclura des recommandations sur le chemin à suivre une fois que l’initiative Nansen prendra fin en décembre 2015.

À ce jour, le travail de l’initiative Nansen s’est déroulé en dehors du système des Nations Unies. Cependant, il est temps aujourd’hui de réinscrire au programme de travail de l’ONU le déplacement transfrontalier dans le contexte des catastrophes et du changement climatique. À cette fin, il faudra trouver une institution-mère chargée de cette question, tandis que les États devront s’approprier le plan d’action du Programme de protection afin de le faire avancer.

 

Walter Kälin kaelin@nanseninitiative.org est l’envoyé du président de l’initiative Nansen. www.nanseninitiative.org

 


[1] Le comité directeur se compose de représentants originaires d’Australie, du Bangladesh, du Costa Rica, du Kenya, du Mexique, de Norvège, des Philippines et de Suisse, tandis que l’UNHCR et l’OIM sont invités permanents.

[2] Une copie du « Programme de Protection » est disponible sur www2.nanseniniti

ative.org/global-consultations/

 

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