Skip to content
Identité de genre et intervention en situation de catastrophe au Népal

Bien qu’un surcroît de recherches soit nécessaire dans ce domaine, des éléments indiquent que les personnes LGBTI sont susceptibles de faire l’objet de discrimination au cours des situations de catastrophe et ce de diverses manières : être perçues comme étant une moindre priorité  pendant les efforts de secours ; exclusion des distributions alimentaires et des autres fournitures d’articles de base des familles où les partenaires sont du même sexe ; difficultés à rendre visite à un partenaire blessés ou à se faire remettre le corps d’une personne chère en cas de décès. Une étude récente des efforts de réinstallation suite à des inondations qui ont eu lieu en 2008 dans le sud du Népal ont montré que les besoins de certaines communautés LGBTI avaient en effet été négligés, et que pour certains, les efforts de secours s’étaient soldés par des effets dommageables non intentionnels.     

C’est la violence étatique à l’encontre des metis, personnes qui ont un corps masculin mais se présentant sous une apparence féminine, également catégorisées sous les appellations d’hommes gays ou de femmes transgenres, qui a été centrale à l’émergence du mouvement de défense des droits des LGBTI au Népal au début des années 2000. Dans le district de Sunsari sujet aux inondations, les metis sont usuellement appelés natuwas, ce qui signifie ‘danseuses’. Les Natuwas migrent habituellement au Bihar pendant la saison des mariages pour danser lors des cérémonies et pratiquer le commerce du sexe. Certains éléments du pluralisme culturel et religieux – et également une certaine révérence – combinés  au cours des dernières années à des progrès substantiels au niveau légal signifient que de nombreuses natuwas (et d’autres personnes identifiées comme LGBTI) vivent ouvertement au sein de leurs familles et de leurs communautés locales, certaines avec des partenaires de vie.

Les inondations de 2008 dans les districts de Sunsari et Saptari ont touché et déplacé, selon les estimations, 70 000 familles.  Aux lendemains des inondations, de nombreux natuwas ont été réinstallées dans des zones très éloignées de la frontière, rendant ainsi la migration vers le Bihar extrêmement dangereuse (la distance plus grande renforçant les risques de se voir exposées en public)  et coûteuse. En outre, le fait de ne plus vivre au sein de communautés où elles étaient connues les a soumises à davantage de discrimination et à des menaces pour leur sécurité. Beaucoup d’entre elles se sont senties très isolées parce que leurs réseaux informels de soutien leur manquaient et qu’elles avaient peur de s’organiser ou de se joindre à des groupes de LGBTI dans des endroits inconnus.  

Certaines natuwas  ont signalé avoir fait l’objet de discriminations au cours du processus de secours. « Lorsque les chefs de district sont venus pour remettre l’approvisionnement alimentaire, ma famille n’a reçu que la moitié de ce qu’avait reçu d’autres familles » explique Manosh.[1] « Ils ont dit à mes parents que … notre famille ne méritait pas une ration complète pour avoir une enfant comme moi ».[2]

Une autre natuwa  s’est sentie angoissée lorsqu’elle a été réinstallée sur une parcelle très éloignée de son lieu de résidence antérieure : « Nous sommes en sécurité lorsque nous sommes au sein de communautés qui nous connaissent et savent comment nous sommes » explique-t-elle. « Mais lorsque nous devons recommencer dans un nouvel endroit, le fait que le gouvernement nous donne de l’argent ou une maison ne change rien – nous ne sommes pas en sécurité et nous devons à nouveau nous cacher ».  

Pour les personnes dont le genre peut être remis en question lors de processus administratifs, les  transactions quotidiennes peuvent s’avérer difficiles et être cause de stress. Dans des situations où l’insécurité est accrue – comme par exemple dans les situations d’urgence humanitaire – les divergences entre le genre affiché et les documents d’identité peuvent faire de personnes comme les natuwas la cible de vérifications renforcées et d’humiliations, d’abus ou de négligence. Les vérifications répétées des documents d’identité tout au long de la route constituent l’une des principales difficultés pour les personnes déplacées LGBTI.  Traverser  des points de contrôle, s’enregistrer dans des camps de secours, chercher à recevoir des soins médicaux et s’inscrire à l’école sont autant de démarches où les documents d’identité peuvent devenir un problème, plus particulièrement pour des personnes transgenres ou pour des personnes qui ne s’identifient pas ou ne s’affichent pas avec le genre figurant sur leurs documents d’identité.   

En outre, de nombreux systèmes de secours administratifs et matériels sont séparés en deux genres – masculin ou féminin –  et l’on ne prête pas suffisamment d’attention aux questions liées à la divergence du genre ou au fait d’être transgenre.    

Le Népal, pays sujet aux catastrophes naturelles, avec son nouveau statut juridique de protection pour un ‘troisième genre’[3], illustre de manière convaincante comment une reconnaissance légale peut contribuer à renforcer la protection des personnes LGBTI dans les situations d’urgence.  En outre, les agences qui travaillent dans ce type de situations devraient envisager d’adopter des mesures comme les suivantes :  

  • Exiger des employés impliqués dans les efforts de secours qu’ils participent à des formations adaptées en matière de sensibilité ;  
  • S’assurer que les victimes de catastrophe LGBTI déplacées aient accès à un soutien social et à des endroits sécurisés où elles peuvent déposer des plaintes ou soulever des préoccupations en toute sécurité ;  
  • Fournir des documents qui permettent aux personnes qui ont des divergences de genre d’être reconnues en tant que telles ;
  • Tenir compte de toutes les activités économiques informelles, y compris le commerce du sexe,  lors de l’élaboration de programmes de réinstallation afin de protéger les moyens d’existence de personnes comme les natuwa.

 

 

Kyle Knight kylegknight@gmail.com est journaliste à Katmandu, Népal. Courtney Welton-Mitchell Courtney.Mitchell@du.edu est Professeure assistante et donne des cours dans le cadre du programme international de psychologie en situation de catastrophe  de la Graduate School de Psychologie professionnelle de l’Université de Denver.



[1] Son nom a été modifié.

[3] La Cour suprême du Népal a statué en 2007 que le gouvernement devrait émettre des titres de citoyenneté faisant état d’un ‘troisième genre’ à l’intention des personnes qui ne souhaitent pas être identifiées comme étant de sexe masculin ou de sexe féminin ; la mise en application de cette politique a débuté en janvier 2013. La troisième catégorie de genre est désignée comme ‘autre’ sur les documents officiels.

 

DONATESUBSCRIBE