Nombreux sont ceux parmi les milliers de réfugiés somaliens auxquels le Yémen a offert pendant des dizaines d’années un statut de réfugié prima facie qui se trouvent maintenant contraints de rentrer suite aux combats qui ont lieu au Yémen. Pendant ce temps, des populations yéménites déracinées traversent le Golfe d’Aden en nombres de plus en plus importants dans l’espoir de trouver refuge et protection en Somalie et dans les autres pays de la Corne de l’Afrique.
C’est dans les centres de réception que les réfugiés yéménites et les rapatriés somaliens – s’ils survivent la périlleuse traversée en mer, rencontrent leurs premières difficultés. Dans le cadre du processus d’enregistrement, les réfugiés doivent pouvoir présenter un document prouvant leur nationalité yéménite ou, dans le cas des rapatriés somaliens, leur statut de réfugiés au Yémen. Ces centres – comme ceux que l’on trouve dans les villes portuaires de Berbera et Bossasso – dépendent de l’autorité des gouvernements régionaux somaliens du Somaliland et du Puntland pour l’enregistrement des réfugiés et des rapatriés somaliens. Ils sont uniquement prévus pour fournir aux réfugiés une assistance humanitaire à leur arrivée, c’est-à-dire de la nourriture et un abri, et à ce titre ne sont pas habilités à prendre des disposition relative à l’installation à plus long terme des réfugiés et des rapatriés.
Les rapatriés somaliens
Le Somaliland, le Puntland et le gouvernement fédéral de Mogadiscio ont tous exprimé leur volonté de réadmettre les anciens réfugiés de retour. Toutefois cette rhétorique pose problème. Les gouvernements semblent plaider pour un retour rapide des rapatriés dans leurs régions d’origine peu après leur arrivée, indépendamment de la persistance des facteurs qui avaient provoqué leur déplacement en premier lieu. Jusqu’à présent, chacune des trois administrations, s’est montrée réticente à mettre en place des politiques et des cadres généraux susceptibles de garantir la sécurité des rapatriés en soutenant leur réinstallation dans des régions plus sûres. Chacune de ces administrations politiques se montre incapable (et dans certains cas ne le veut simplement pas) de protéger et intégrer les Somaliens qui sont obligés de subir une transition abrupte entre la situation de réfugiés au Yémen et celle maintenant de rapatriés en Somalie.
Les stratégies des Yéménites
Dans le contexte des Yéménites déplacés en Somalie, l’approche de mise en camp privilégiée par l’UNHCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, est contestée par les réfugiés. De nombreux réfugiés sont convaincus que l’enregistrement et la mise en camp les rendra impuissants et les empêchera de prendre des décisions importantes, comme par exemple de décider eux-mêmes où vivre et quand retourner chez eux.
Du fait de la longue histoire de contact entre les deux pays, les réfugiés Yéménites considèrent la Somalie comme un pays culturellement familier, malgré les différences linguistiques ; ce qui contribue à renforcer leur confiance dans leur capacité à naviguer les difficultés de la vie urbaine dans ce pays. On constate une tendance chez les réfugiés yéménites à préférer « s’installer » dans les capitales d’Hargeisa et de Mogadiscio où ils peuvent obtenir de l’aide auprès de populations yéménites déjà sur place. À ce jour, la politique du gouvernement du Somaliland permet aux réfugiés yéménites de s’installer relativement facilement dans les zones urbaines, et de nombreux réfugiés ont initié de petites entreprises à Hargeisa comme à Mogadiscio. Dans chacune de ces deux villes il existe des Conseils de la diaspora yéménite. Ces Conseils s’efforcent de suivre le nombre de Yéménites qui arrivent, les enregistrent de manière informelle et les aident à trouver des informations et un hébergement. Les Conseils de la diaspora yéménite ont également un objectif de coordination entre les réfugiés et les autorités, locales ou nationales. Ils jouent un rôle essentiel dans les décisions prises par les réfugiés sur où et comment s’installer.
Les réfugiés yéménites en Somalie tirent parti de deux ressources importantes pour survivre de manière autonome : des liens économiques et culturels anciens et bien établis entre les deux nations, et le soutien des autres Yéménites de la diaspora. Ces ressources permettent aux réfugiés d’explorer des moyens alternatifs de survie plutôt que de compter uniquement sur l’assistance qu’ils reçoivent dans les camps. Toutefois, malgré ce degré important d’autosuffisance dont jouissent les réfugiés yéménites qui vivent dans les deux plus grandes villes de Somalie, sur le plan juridique la protection de leurs droits reste généralement irrésolue.
Auto-installation et assistance
Deux questions importantes subsistent, adressées non seulement à l’UNHCR et à ses partenaires mais aussi aux gouvernements somaliens : Premièrement, comment le ou les gouvernements peuvent-ils apporter une protection institutionnelle et une assistance aux réfugiés ? Et deuxièmement, comment les agences d’aide peuvent-elles apporter de l’aide aux communautés urbaines qui sont opposées à la réinstallation dans des camps ruraux et craignent les conséquences sur leur liberté et leur dignité d’une mise en camp à long terme ?
Au vu de la réticence généralisée de la plupart des réfugiés de s’enregistrer officiellement auprès de l’UNHCR, promouvoir de meilleures relations entre les Conseils de la diaspora yéménites et les organisations internationales est un facteur déterminant pour rassembler des informations sur les réfugiés qui se trouvent en milieu urbain et tenter de répondre à leurs besoins au fil du temps. Il est essentiel également que les gouvernements locaux somaliens maintiennent et encouragent des attitudes favorables à l’égard des réfugiés indépendamment de leur lieu de résidence ; si les autorités somaliennes permettent aux Yéménites d’établir des entreprises avec aussi peu de restrictions que possible, les réfugiés peuvent contribuer positivement au développement économique de la région.
Les capacités politiques et pratiques des autorités somaliennes de coordonner les réponses données à la situation des réfugiés et des rapatriés doivent débuter par une révision des politiques ad hoc en vigueur et la préparation d’un terrain favorable à des réponses institutionnelles réalistes à travers l’ensemble de la région somalienne – visant à permettre aux Somaliens un retour durable et aux Yéménites de se construire des vies actives en exil.
Maimuna Mohamud maimuna.mohamud@heritageinstitute.org
Chercheuse indépendante