Skip to content
Interventions WASH en réponse à la COVID-19 en Ethiopie, en Somalie et au Soudan du Sud

La communauté humanitaire a dû se familiariser avec la COVID-19 tout en répondant à cette nouvelle maladie. Dès le départ, on savait que les pratiques d’hygiène de base, comme le lavage correct des mains, pouvaient contribuer à prévenir sa transmission. Cependant, de nombreux sites de déplacement ne disposent pas des installations nécessaires pour mettre en œuvre les mesures de Prévention et de contrôle des infections (PCI) au niveau des ménages et des communautés. Dans ces sites, il se peut également que les systèmes de gouvernance pour la gestion et le maintien des services d’eau, d’assainissement et d’hygiène (WASH) soient précaires.

Dans certaines situations de déplacement, comme en Éthiopie, en Somalie et au Soudan du Sud, les populations sont accueillies se trouvent dans des zones parmi les plus difficiles à atteindre, dans des endroits où les communautés hôtes sont mal équipées pour se protéger elles-mêmes et répondre aux menaces sanitaires. La surpopulation et l’accès limité à des installations WASH adéquates peuvent accroître la vulnérabilité aux maladies. Parallèlement, la peur entourant la COVID-19 peut conduire à la diffusion de fausses informations et à une augmentation de la xénophobie et de la stigmatisation. Les équipes de l’OIM qui travaillent dans ce type de contextes ont dû adapter leurs activités de communication des risques et d’engagement communautaire (CREC) et de PCI au fur et à mesure que de nouvelles informations apparaissaient et que des leçons étaient tirées.

Adaptation des stratégies de CREC

Dans le cadre d’un programme WASH classique, les enquêtes sont menées au début d’une situation d’urgence pour comprendre les besoins de la population et permettre des réponses efficaces et appropriées. Dans le cas de la COVID-19, les confinements localisés, les restrictions d’accès et la nécessité d’adhérer à des directives de distanciation physique ont empêché la collecte précoce de données, et les entretiens individuels ont été privilégiés par rapport à des enquêtes plus larges. En Éthiopie, les entretiens ont été réalisés par des personnes qui menaient déjà des activités sur le terrain, afin d’éviter des mouvements de personnel supplémentaires et des risques sanitaires accrus. Le manque de financement est un obstacle commun à toutes les interventions d’urgence. Même si des modes de communication plus innovantes auraient été préférées, la méthode utilisée en Éthiopie pour collecter les données pendant la crise de COVID-19 a permis à la fois de maintenir les activités en cours – face à une éventuelle fermeture complète – et de maintenir les coûts de collecte des données au plus bas. Des groupes vulnérables, notamment des personnes en situation de handicap, ont fait partie des personnes interrogées dans le but de comprendre leurs perceptions de la COVID-19.

Dans les trois pays, il a été reconnu qu’il n’y avait pas assez de temps pour réaliser des enquêtes de base. La réponse initiale a donc consisté à augmenter l’approvisionnement en eau et les installations de lavage des mains, et à utiliser les stratégies existantes pour diffuser des messages de promotion de l’hygiène, adaptés à toute urgence humanitaire et de santé publique. Au fur et à mesure du temps et grâce à la communication de nouvelles informations, les messages de promotion de l’hygiène ont été adaptés pour intégrer la distanciation physique, l’hygiène respiratoire et l’utilisation de masques.

En Somalie, l’insécurité limite encore plus l’accès à certaines populations et aux zones difficiles à atteindre. C’est pourquoi des mises à jour concernant la COVID-19 ont été diffusées par téléphone mobile aux promoteurs de l’hygiène au sein de la communauté, et les formations sont devenues virtuelles. Dans d’autres cas, des méthodes de communication porte-à-porte ont été adoptées pour cibler les populations vulnérables telles que les personnes en situation de handicap ; l’accès à ces communautés s’est en fait amélioré, grâce à l’utilisation de modes de communication virtuels. Au Sud-Soudan, les restrictions de mouvement ne s’appliquaient pas aux conducteurs de camions d’eau car ils fournissaient un service essentiel ; ils ont donc été formés par l’OIM pour diffuser les messages de prévention de la COVID-19. En Ethiopie, avec l’assouplissement des restrictions, les promoteurs de l’hygiène, les membres des comités WASH, les chefs communautaires et religieux et les agents de vulgarisation sanitaire du gouvernement ont reçu du matériel de PCI de base (unités de lavage des mains et savon) afin de mettre en place des stations d’hygiène des mains aux points d’eau ; ils ont aussi reçu une formation appropriée et ont été encouragés à diffuser des informations sur la COVID-19. Des séances d’apprentissage de l’hygiène convenant aux enfants ont été réalisées en petits groupes à l’extérieur, avec des activités adaptées utilisant des marionnettes et des livres à colorier. En général, les informations relatives à la COVID-19 étaient associées à des messages de prévention du choléra, ce qui s’est avéré efficace car ces communautés étaient déjà habituées à mettre en œuvre les pratiques de prévention du choléra.

Dans tous les pays étudiés, les équipes WASH ont utilisé des stratégies de communication alternatives pour renforcer les messages relatifs à la COVID-19, comme des émissions de radio et des diffusions à partir de véhicules équipés de haut-parleurs. En Éthiopie, des supports d’information, d’éducation et de communication (IEC) culturellement adaptés ont été imprimés au début de la pandémie ; par la suite, afin d’éviter des risques inutiles pour le personnel distribuant les prospectus, ces supports ont été reconçus sous forme de posters et de bannières, en collaboration avec un artiste local. Malheureusement, la répétition excessive du même message a entraîné une baisse d’intérêt de la communauté à l’égard du contenu de ces messages ; pour y remédier, les équipes WASH ont associé les messages spécifiques à la COVID-19 à un éventail plus large de thèmes liés à l’hygiène, ce qui semble avoir permis de mobiliser plus efficacement les communautés avec plus d’efficacité. En Somalie, des supports audiovisuels et imprimés ont été développés pour différents niveaux d’alphabétisation, et des programmes radio ont été traduits dans diverses langues utilisées par les populations déplacées. Au Soudan du Sud, la stratégie de communication existante, qui avait été développée en réponse à l’épidémie d’Ebola en République démocratique du Congo voisine, a été révisée pour convenir également à la COVID-19. Des messages courts et faciles à mémoriser ont été utilisés dans tous les cas.

Au début de l’urgence, une tentative pour cartographier les parties prenantes de la communauté a été menée en Éthiopie ; cependant, comme le personnel clé n’a pas pu se rendre sur le terrain pour former les volontaires, les données recueillies n’ont pas été suffisamment solides pour être utilisées lors de la planification. En outre, les équipes WASH ont tenu compte du fait qu’en Éthiopie, où la présence du gouvernement est forte, les communautés considèrent souvent les autorités gouvernementales comme le principal moyen d’atteindre les communautés, même au niveau des villages. En conséquence, les équipes WASH ont utilisé des messages simples, en ligne avec le style de communication largement accepté des autorités gouvernementales, en particulier du ministère de la Santé.

Adaptation des protocoles de PCI

Compte tenu des obstacles à l’accès imposés par les restrictions de voyage, une coopération accrue avec d’autres acteurs s’est avérée essentielle pour une réponse efficace. En Éthiopie, l’équipe WASH a collaboré étroitement avec les partenaires du Cluster Santé et le ministère de la Santé du gouvernement pour former les agents de vulgarisation sanitaire employés par le gouvernement. Au Soudan du Sud, les partenaires du WASH et du Cluster Santé ont élaboré des procédures opérationnelles standard (POS) communes et tenu des réunions de coordination hebdomadaires. Des POS ont également été développées par les équipes de l’OIM en Somalie et en Ethiopie, où le manuel de formation de l’OIM sur la promotion de l’hygiène a été adapté de manière à y inclure les directives relatives à la COVID-19.

Les protocoles publiés par l’OMS recommandaient le lavage des mains après avoir touché des surfaces communes, ce qui a conduit les équipes de l’OIM à promouvoir des technologies sans contact pour le lavage des mains. Des « Tippy taps » actionnés par les pieds ont été fabriqués au Soudan du Sud avec des matériaux locaux ; l’OIM a encouragé leur utilisation et fourni des instructions aux communautés sur la manière de les faire fonctionner. On a toutefois observé que les stations de lavage des mains plus traditionnelles, actionnées à la main, étaient préférées. Cette constatation a incité l’OIM à donner la priorité à la préférence des communautés plutôt qu’à l’introduction d’une technologie alternative qui, malgré ses avantages en termes de prévention des infections, serait moins utilisée.

L’adoption des masques – en termes de matériaux et d’utilisation – a été un aspect caractérisé par la mésinformation et des orientations changeantes à différentes étapes de la pandémie. En Somalie, alors qu’il y avait une pénurie mondiale de masques au début de l’urgence, ceux-ci n’ont été recommandés que pour les professionnels de santé, les personnes atteintes du COVID-19 et leurs soignants. Une recommandation qui a persisté malgré l’augmentation de la disponibilité des masques, s’en est suivie à une impression couramment répandue selon laquelle leur utilisation était limitée aux seules personnes présentant des symptômes, ce qui a entrainé de faibles taux d’acceptation. En Éthiopie, parce que le gouvernement a imposé leur utilisation généralisée en public dès le départ, l’adoption des masques a été plus facile, mais elle est restée problématique dans les zones reculées où la présence du gouvernement est plus faible. Tout cela a mis en évidence l’importance de l’engagement communautaire comme clé d’acceptation et d’appropriation des mesures, en particulier dans des zones caractérisées par de la méfiance à l’égard du gouvernement.   

Adapter les stratégies logistiques

Les restrictions et les mesures de confinement ont entraîné des retards dans la livraison des articles WASH d’urgence, tandis que la demande accrue a généré des pénuries sur les marchés et une augmentation soudaine des prix, ce qui a incité à privilégier l’approvisionnement local. Suite à la COVID-19, les missions de l’OIM ont renforcé dans chaque pays leurs plans de stockage de fournitures d’urgence en cas de fermeture durable des frontières, tout en positionnant au préalable des stocks de fournitures pour d’autres urgences.

Au Soudan du Sud, les donateurs ont soutenu l’expansion du positionnement préalable de stocks de fournitures de manière à inclure des équipements de protection individuelle (EPI) et des articles WASH supplémentaires ; cependant, en Éthiopie – où le positionnement préalable de stocks de fournitures n’est pas la norme – le financement restreint des donateurs n’a permis que l’achat d’articles d’utilisation immédiate, et la constitution de stocks de fournitures reste donc un défi important. Pour pallier le manque d’articles standard, des stations de lavage des mains ont été créées à l’aide de récipients d’eau en plastique et de savon à lessive, avec des masques produits par des fournisseurs locaux. En Somalie, où les stocks sont également insuffisants, de nouveaux centres d’approvisionnement sont en cours de planification, et les efforts pour positionner au préalable des stocks de fournitures dédiés pour la réponse aux inondations soutiennent actuellement les efforts de préparation pour la COVID-19[1].

Réagir aux éléments de preuve

Des enquêtes sur les connaissances, les attitudes et les pratiques (CAP) ont été menées fin 2020 et début 2021, après le déploiement initial de la réponse de l’OIM. Les enquêtes ont indiqué que les personnes en situation de handicap étaient relativement plus préoccupées que les autres à l’égard de la COVID-19, estimant qu’elles sont un fardeau pour leur famille parce qu’elles ont besoin d’aide pour appliquer des mesures de base, telles que le lavage fréquent des mains[2]. L’équipe WASH a donc augmenté la fréquence des visites à domicile auprès des personnes vulnérables telles que les personnes en situation de handicap et leur a accordé la priorité lors des distributions. Les enquêtes qualitatives ont également mis en évidence des mythes entourant la COVID-19, comme le fait de pouvoir la prévenir en buvant des boissons chaudes ou de tuer le virus en s’exposant au soleil. Dans certains endroits, la COVID-19 était considérée comme une fiction diffusée par le parti gouvernemental au pouvoir afin de retarder les élections. Les promoteurs de l’hygiène ont été formés pour identifier ces idées fausses et donner en réponse des informations simples et faciles à comprendre pour les contrer.

Conclusions 

Les acteurs humanitaires sont souvent confrontés à des épidémies dans les contextes de crise dans lesquels ils travaillent, et les enseignements doivent être saisis et appliqués sans délais pour une efficacité maximale dans le traitement des épidémies futures. Même si parmi les recommandations il y en a qui ne sont pas nouvelles, la COVID-19 a renforcé l’importance de certaines approches tout en déclenchant l’utilisation mesures inédites pour surmonter des obstacles jusqu’alors inconnus. Les recommandations et les enseignements tirés de notre expérience en Éthiopie, en Somalie et au Soudan du Sud sont les suivants.

  • Alors que le manque d’engagement communautaires reste souvent un défi dans les situations d’urgence en raison d’une lassitude face à l’information, la COVID-19 a présenté un défi nouveau qui a suscité des méthodes innovantes de transmission des messages transposables lors de futures épidémies et d’autres urgences. L’OIM a utilisé un mélange de méthodes traditionnelles, telles que des émissions de radio, des affiches et des visites à domicile ainsi que des méthodes nouvelles, telles que des panneaux sur les camions-citernes, pour transmettre des conseils de promotion de l’hygiène à des points critiques.

 

  • Si atteindre les plus vulnérables est toujours une priorité, la COVID-19 a démontré qu’avec un financement supplémentaire relativement mineur, il était possible d’utiliser des méthodes de communication à distance pour toucher des zones et des segments de population difficiles à atteindre, comme les personnes en situation de handicap. Combiner une adaptation locale de la promotion de l’hygiène à l’utilisation de méthodes de communication à distance s’est avéré efficace, ce qui suggère un besoin réduit de personnel international sur le terrain ; cette approche devrait être considérée comme prioritaire et intégrée dans des projets futurs.

 

  • De même, l’évaluation des populations vulnérables dans les premières phases de la programmation doit être renforcée pour devenir une pratique standard afin de pouvoir planifier une assistance ciblée. La COVID-19 a prouvé que des mesures telles que la distribution au niveau des ménages, qui était auparavant une méthode peu commune de distribution des fournitures d’urgence, est possible et qu’elle permet aux agences de cibler plus précisément les personnes qui ne sont pas en mesure de quitter leur domicile.

 

  • Reconnaissant que les épidémies sont susceptibles de représenter une menace à l’avenir, le positionnement préalable de fournitures d’urgence telles que le matériel PCI pour les épidémies (masques, stations portables de lavage des mains, etc.) doit devenir une pratique courante dans la planification des réponses humanitaires, en plus des fournitures d’urgence couramment considérées comme prioritaires ; cela nécessite un plaidoyer vigoureux de la part des acteurs humanitaires pour obtenir des donateurs un financement dédié.

 

  • La COVID-19 a montré que la diffusion rapide du matériel d’information, d’éducation et de communication (IEC) est essentielle au début d’une épidémie. La préparation de matériel d’IEC prêt à l’emploi, approprié au contexte et pouvant être rapidement adapté en cas d’épidémie présentant des exigences similaires en matière de PCI (comme Ebola) permettrait un déploiement rapide chaque fois que nécessaire.

 

  • Il est important d’associer les informations nouvelles sur les maladies à des informations et à des méthodes de diffusion bien connues pour faciliter leur acceptation par la communauté, tandis que l’implication des membres de la communauté dans toutes les stratégies de changement de comportement est essentielle pour garantir la diffusion de messages culturellement appropriés et adaptés au contexte, et pour gagner la confiance et l’acceptation des informations et technologies nouvelles.

 

  • Alors même que l’investissement dans le renforcement des capacités pour la promotion de l’hygiène en vue de susciter des réponses locales plus autonomes a toujours fait partie des réponses d’urgence, la COVID-19 a forcé une adaptation locale plus poussée en raison de la restriction des déplacements internationaux. Elle a mis en évidence des capacités locales solides et la détermination de certaines communautés, démontrant ainsi que le soutien des structures locales peut aider à consolider les capacités de promotion de l’hygiène tout en évitant le besoin d’un niveau élevé d’assistance internationale en cas de futures épidémies.

 

Yasmine Zaki Abdelaziz yabdelaziz@iom.int

Responsable WASH, OIM Genève

 

Gemma Arthurson garthurson@iom.int

Consultante WASH, OIM Genève

 

Haley West hwest@iom.int

Chargée de programme principale, Santé et urgences, OIM Genève

 

Antonio Torres atorres@iom.int

Coordinateur mondial WASH, OIM Genève

 

Cet article est basé sur les données fournies par le personnel de terrain de l’OIM en Ethiopie, au Sud-Soudan et en Somalie, dont les contributions, tant ici que sur le terrain, sont inestimables. Ce personnel comprend : Nadia Kevlin, Responsable de programme, OIM Éthiopie ; Omar Khayre, Chef de projet, OIM Somalie ; Abdulkadir Abdow, Responsable WASH, OIM Somalie ; Mariana De Sousa, Responsable de programme, OIM Sud-Soudan ; Mary Alai Auma, Responsable des opérations, OIM Sud-Soudan ; Andrew Mbala, Responsable principal de l’intervention d’urgence en matière de migration et de santé, Bureau régional de l’OIM à Nairobi.

 

[1] OMS (2020) « Utilisation rationnelle des équipements de protection individuelle (EPI) contre la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) et éléments à considérer en cas de grave pénurie »  www.who.int/publications/i/item/rational-use-of-personal-protective-equipment-for-coronavirus-disease-(covid-19)-and-considerations-during-severe-shortages.

[2]  Nadia Kevlin, Communication personnelle

DONATESUBSCRIBE