La crise qui a récemment frappé la République centrafricaine (RCA) et dont les racines s’enfoncent dans des luttes pour le pouvoir politique, a menacé de détruire le tissu social sous-jacent qui depuis si longtemps est source de tolérance religieuse. Au cours de ce processus, près d’un million de personnes – pratiquement un cinquième de la population du pays – ont été forcées de fuir de l’endroit où elles vivaient. Il y a actuellement environ 485 000 personnes déplacées à l’intérieur (PDI) de la RCA auxquelles s’ajoutent 180 000 réfugiés centrafricains qui ont fui vers les pays voisins depuis décembre 2013.
Dans le sillage du conflit s’est installé un climat de suspicion et de crainte, ainsi qu’un désir profond de vérité et de justice auquel le gouvernement national du fait des tensions qui le parcourent actuellement n’est pas en mesure de répondre. Cet environnement a constitué une occasion parfaite pour tous les rebelles, milices et chefs politiques qui avaient intérêt à voir se perpétuer l’instabilité, d’utiliser la religion comme un instrument pour accentuer les divisions et continuer de manipuler les populations centrafricaines. Toutefois, en tant que chefs religieux, nous savons fort bien que cette crise récente n’a fondamentalement jamais rien eu à voir avec la religion.
Même si elle n’est pas la cause profonde du conflit, la religion peut servir d’outil puissant pour transformer les cœurs et les esprits et unir les populations autour d’une cause commune visant à la réconciliation pacifique. En 2012, avant l’émergence de cette crise, nous avons fondé la Plateforme des Confessions Religieuses en Centrafrique, qui réunissait l’Alliance évangélique, la Communauté islamique et la Conférence épiscopale de la RCA. En partenariat avec Catholic Relief Services et USAID, nous avons lancé une campagne nationale visant à promouvoir la cohésion sociale en rassemblant des milliers de musulmans et de chrétiens dans le cadre de grandes manifestations de solidarité. Nous avons formé des centaines de responsables religieux, des membres de la société civile, des fonctionnaires du gouvernement et des représentants des groupes armés pour qu’ils deviennent les ambassadeurs d’une coexistence pacifique. Nombre de ces dirigeants ont ensuite guidé leurs groupes d’intérêt ou leurs communautés à travers un processus similaire.
Dans un pays où les églises et les mosquées ont davantage de légitimité que le gouvernement national, et où elles s’ancrent profondément au cœur de la population, et où les ressources du gouvernement sont limitées, les institutions religieuses occupent une position unique pour répondre aux besoins humanitaires. À travers l’ensemble du pays, les populations déplacées musulmanes comme chrétiennes ont trouvé refuge dans des terrains qui entourent les églises et les mosquées. Nous avons été témoins d’exemples émouvants où des chefs religieux ont risqué leur vie pour servir les besoins de personnes déplacées d’une autre confession. Ces exemples marquants de pardon et de réconciliation sont loin d’être des exceptions, ils sont au contraire la norme. Comme nous le disons souvent, ici en RCA : « On est ensemble ».
Monseigneur Dieudonné Nzapalainga est l’Archevêque de Bangui, l’Imam Omar Kobine Layama est le Président de la Communauté islamique centrafricaine, et le Pasteur Nicolas Guerekoyame Gbangou est le Président de l’Alliance évangélique centrafricaine.
« Notre principal défi est de vivre ensemble alors que nous avons été frappés et brisés par la violence ; cela nous rend suspicieux les uns des autres, nous imaginons que notre voisin est peut-être un informateur ou un collaborateur. Reconstruire le tissu social prendra du temps. Désarmer les individus est une chose ; la tâche qui nous attend et qui consiste à désarmer les cœurs est bien plus ardue ». Archevêque Dieudonné Nzapalainga. (Voir : www.caritas.org/2013/11/peace-central-african-republic-archbishop-imam-pastor-join-forces/) |