Depuis que les Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays ont été présentés à la Commission des droits de l’homme des Nations Unies en 1998, des progrès importants ont été réalisés pour prévenir, trouver des réponses, et rechercher des solutions au déplacement interne. Le déplacement interne reste néanmoins un problème mondial important et les solutions demeurent aléatoires pour la majorité des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI). Un nouvel élan est nécessaire, de même qu’une action plus concertée, stratégique et multipartite.
En 2018, l’année du 20e anniversaire des Principes directeurs et l’année de la conclusion des négociations sur le Pacte mondial sur les réfugiés et le Pacte mondial sur la migration, une grande opportunité se présente à nous de générer davantage de discussions et d’entreprendre des actions en réponse au problème du déplacement interne. À cette fin, un Plan d’action multipartite 2018-2020 visant à faire progresser la prévention et la protection, ainsi que la recherche de solutions, pour les personnes déplacées a été lancé en avril 2018 et approuvé par les responsables du Comité permanent interorganisations (Inter-Agency Standing Committee –IASC) le mois suivant[1]. Le Plan d’action appelle les parties prenantes à intensifier leurs efforts sur quatre priorités interdépendantes : impliquer les PDI dans les processus de prise de décision ; promouvoir, élaborer et mettre en œuvre des lois et des politiques nationales ; améliorer la qualité des données et des analyses ; et s’attaquer aux déplacements prolongés tout en cherchant des solutions durables.
Les objectifs de cette initiative importante sur le déplacement interne sont doubles. Le premier de ces objectifs est d’améliorer la vie des PDI grâce à la protection, à l’assistance et à des solutions durables, tout en cherchant dans le même temps à prévenir les conditions qui entraînent des déplacements nouveaux et secondaires. Le deuxième objectif est de faire en sorte que les interventions destinées à résoudre les problèmes causés par le déplacement interne soient plus inclusives, cohérentes et stratégiques. La mise en œuvre du Plan d’action sera essentiellement, mais pas exclusivement, réalisée au niveau national par l’intermédiaire des partenaires opérationnels et de leurs bureaux locaux, ainsi que par le biais des Coordonnateurs résidents et des Coordonnateurs humanitaires des Nations Unies. Un groupe de pilotage multipartite international facilitera également sa mise en œuvre et la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays agira en qualité de Conseillère spéciale.
Aspects uniques
Le Plan d’action est unique à plusieurs égards. En effet, il va au-delà des organisations internationales pour inclure les PDI, les communautés hôtes, la société civile locale et les gouvernements des pays touchés par le déplacement interne – car ils connaissent mieux le contexte, les besoins et les enjeux, mais aussi parce que les principaux responsables de la protection et de l’assistance aux PDI sont les autorités nationales. Le Plan va au-delà des agences humanitaires des Nations Unies et des ONG pour inclure les acteurs du développement et de la promotion de la paix – car pour soutenir les autorités nationales en matière de déplacement interne il est également nécessaire de faire appel à une expertise en développement et en promotion de la paix. Et il ne se limite pas au conflit comme seule cause de déplacement interne, il inclut aussi d’autres causes telles que le changement climatique, les catastrophes naturelles et le développement – car établir des liens entre les discussions et le travail sur les différentes causes du déplacement peut aider à affiner notre réflexion sur le déplacement interne et contribuer à renforcer les projets communs, tant opérationnels que de plaidoyer[2].
Le Plan d’action offre la possibilité de renforcer les efforts des pays pour relier leurs politiques et approches en matière de déplacement interne à leurs plans de développement et à leurs engagements en faveur de programmes et de cadres politiques mondiaux, tels que l’Agenda 2030 pour le développement durable, le Cadre d’action de Sendai pour la réduction des risques liés aux catastrophes, le Nouveau programme pour les villes, ainsi que la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. C’est aussi une opportunité pour faciliter et renforcer la participation des PDI à ces processus de décision politique et de planification.
Niger : mise en œuvre dans un contexte de crise
En avril 2018, l’équipe du Cluster global de protection au Niger a présenté le Plan d’action à l’Équipe humanitaire nationale et a organisé huit sessions de formation destinées à divers publics, notamment à des représentants du gouvernement, à des unités de défense et de sécurité, à des membres du Cluster et à des membres du personnel des Nations Unies. Les ateliers de formation – à Niamey, Diffa et Tillaberi – visaient à accroître la visibilité des déplacements internes au Niger, à diffuser les Principes directeurs aux parties prenantes concernées et à promouvoir une compréhension commune des Principes directeurs, ainsi que de leur application pratique pour la protection renforcée des personnes déplacées, la prévention du déplacement et la résolution des problèmes entrainés par les déplacements. Pour atteindre un public plus large, des messages radio sur les Principes directeurs et leur importance au Niger sont diffusés par l’ONG Search for Common Ground, et les messages concernant les Principes directeurs seront traduits dans les langues locales (en complément d’une traduction des Principes directeurs en langue Haoussa qui existe déjà[3]).
L’une des recommandations qui a été formulée lors des ateliers de formation était d’adapter le Plan d’action PD20 pour guider l’action collective dans le contexte local et diversifié du Niger – un contexte qui inclut les déplacements internes prolongés à Diffa et les nouveaux déplacements internes à Tillaberi. Ce travail, qui a débuté en juin 2018, est mené par le Cluster global de protection en collaboration avec la Rapporteuse spéciale des Nations Unies et son équipe, et les autorités. En août 2018, un Plan d’action local du PD20 pour le Niger avait été élaboré sur la base d’ateliers régionaux et était en cours de révision avant acceptation.
En parallèle, le Gouvernement du Niger, à travers la création en décembre 2017 d’un Comité interministériel, est en train d’élaborer un projet de loi sur les déplacements internes comme l’exige la Convention de l’Union africaine pour la protection et l’assistance des personnes déplacées en Afrique (connue sous le nom de la Convention de Kampala), que le Niger a ratifiée en 2012. Ce Comité composé des ministères concernés, de représentants parlementaires, du HCR (l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés) et du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), est chargé d’examiner la législation en vigueur, tout en conduisant des consultations nationales avec les PDI, les communautés d’accueil et d’autres parties prenantes.
Colombie : des leçons à tirer pour le PD20
Au cours des 50 dernières années, la Colombie a connu d’importants déplacements internes causés par des conflits, des violences et des violations des droits de l’homme. En août 2018, le gouvernement colombien a encore recensé la présence de plus de 7,7 millions de personnes déplacées à travers le pays malgré l’accord de paix de 2016[4]. Dans ce contexte, améliorer la prévention, la protection et trouver des solutions pour les personnes déplacées conformément au Plan d’action continuera d’exiger des ressources conséquentes, du temps et un engagement ferme. Forte de son expérience, la Colombie a identifié six aspects importants en matière de gestion du déplacement interne : l’enregistrement des PDI, la mise en place d’un système de coordination intersectorielle entre le gouvernement et les ONG au niveau local, au niveau des états et au niveau national, la participation des PDI aux processus qui les concernent, la garantie pour les PDI d’accéder aux informations dont ils ont besoin, la prise en compte des besoins des communautés d’accueil, la coopération avec les acteurs internationaux et la participation des acteurs du secteur privé[5]. Tous ces éléments sont liés aux priorités énoncées dans le Plan d’action, et une compilation des enseignements tirés et des meilleures pratiques en vigueur en Colombie dans chacun de ces domaines pourrait être utile pour la mise en œuvre du Plan d’action dans d’autres contextes.
L’Initiative de solutions transitoires est l’un des projets mis en œuvre en Colombie qui permet de tirer des enseignements utiles pour d’autres personnes travaillant sur les priorités du Plan d’action relatifs aux solutions durables pour les personnes déplacées. Mis en œuvre entre 2012 et 2015 dans 17 communautés de Colombie, ce projet visait à trouver des solutions pour les personnes déplacées en améliorant les conditions de vie des communautés qui accueillent des PDI, en renforçant les organisations communautaires et les entités publiques locales, et en protégeant les victimes de conflits et leur droit à la vérité, à la justice et à la réparation. Chacune des 17 communautés a élaboré un plan de travail englobant le retour, la réinstallation et l’intégration urbaine. Le projet a amélioré la visibilité et l’autonomie des communautés, des autorités municipales et des institutions publiques et privées, et il a renforcé la sécurité de l’occupation des terres, ainsi que de l’infrastructure sociale, et il a également contribué à rétablir les traditions des communautés autochtones[6].
Appel à l’action
Le Plan d’action est un appel indispensable lancé à la communauté plus élargie qui travaille sur les déplacements internes pour qu’elle unisse ses forces et coopére plus étroitement – principalement, mais pas exclusivement au niveau national – et de manière plus stratégique en accord avec les priorités énoncées dans le Plan d’action. Cela consiste à identifier, partager et s’inspirer des progrès et des bonnes pratiques mises en œuvre dans divers contextes. Le Plan d’action (appuyé par un Plan de communication) propose une série de mesures que les parties prenantes peuvent prendre. Les suggestions comprennent :
- Organiser un débat inter-agences sur le Plan d’action du PD20 et convenir d’initiatives et d’activités conjointes en soutien au Plan d’action
- Organiser un plaidoyer pour faire comprendre l’importance des Principes directeurs
- Faciliter et soutenir la participation des PDI et des communautés d’accueil aux processus clés de développement et de consolidation de la paix, tels que l’Agenda 2030 sur le développement durable
- Promouvoir, par le biais de programmes de sensibilisation, de séminaires et d’un appui technique, l’élaboration de lois et de politiques nationales conformes aux Principes directeurs
- Renforcer la capacité nationale à collecter, analyser et utiliser des données sur les déplacements internes
- Engager un dialogue avec les gouvernements nationaux pour faire en sorte qu’ils accordent la priorité aux solutions durables en réponse au déplacement interne dans leur planification du développement national et régional, en utilisant le cadre de travail du CPI sur les solutions durables.
- Signer la déclaration de campagne[7] du PD20 pour atteindre l’objectif des signatures de 2018 d’ici fin 2018, que la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits de l’homme des personnes déplacées utilisera dans le cadre de son plaidoyer sur le déplacement interne.
Nadine Walicki GP20@unhcr.org Coordinatrice PD20
Elizabeth Eyster eyster@unhcr.org Chef de la section DPI, HCR www.unhcr.org
Martina Caterina caterina@unhcr.org Conseillère juridique auprès de la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits humains des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays
www.ohchr.org/en/issues/idpersons/pages/idpersonsindex.aspx
Partager vos idées et demander de l’aide Toutes les parties prenantes sont encouragées à faire part de leurs activités prévues au coordinateur du PD20. Vous pouvez le faire en écrivant à GP20@unhcr.org ou à www.globalprotectioncluster.org/en/news-and-events/gp20-activities-and-initiatives. Vous nous aiderez ainsi à recenser les activités du PD20 et à suivre la mise en place du Plan d’action. Note : Le Plan d’action du PD20 cherche également à traiter des situations plus difficiles où la volonté du gouvernement de résoudre des situations de déplacement interne est insuffisante, où les problèmes de protection sont importants et où l’accès humanitaire est limité. Dans la mesure où ces contextes peuvent nécessiter une approche et des moyens de soutien différents, la coordonnatrice encourage également ceux qui travaillent dans ce type de contextes à lui communiquer leurs idées sur la meilleure façon de soutenir leurs efforts. Les initiatives nécessitant un soutien financier ou technique peuvent être transmises sous forme de note conceptuelle à la coordinatrice qui cherchera à identifier des pistes en vue de les soutenir. |
[1] Le Plan d’action, les Termes de référence pour l’Équipe pilote, le Plan de communication et la brochure sont accessibles sur : http://bit.ly/PD20-plan-daction-fr
[2] Cernea M M (2006) « Personnes déplacées par des projets de développement et par des conflits : combler l’écart présent dans la recherche » Numéro spécial, Revue des Migrations Forcées www.fmreview.org/brookings/cernea
[3] Les Principes directeurs sont actuellement disponibles en 54 langues : www.ohchr.org/en/issues/idpersons/pages/standards.aspx
[4] http://internal-displacement.org/countries/colombia/
[5] Intervention orale du gouvernement colombien lors de la 38ème Session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, 26 juin 2018.
[6] Econometría (2016) External Assessment of the UNHCR – UNDP Joint Program “Transitional Solutions Initiative – TSI”: Final Report https://erc.undp.org/evaluation/documents/download/10264
[7] https://crowd360.org/internal-displacement-campaign-mission-statement