Des conflits d’intérêts séparatistes et ethniques dans les Balkans ont entraîné une guerre qui a commencé début 1992 et au cours de laquelle le recours à la violence à l’égard des populations civiles a choqué le monde. C’est pendant ce conflit que le terme de « nettoyage ethnique » a été inventé pour décrire le recours à la torture, au viol, aux massacres indiscriminés, à l’internement dans des camps et à l’expulsion de milliers de civils de leur lieu d’habitation ou d’origine, en vue d’aboutir à la « pureté » ethnique. On estime que 263 000 personnes sont mortes et que plus de deux millions de personnes – sur une population antérieure à la guerre de 4,4 millions de personnes – ont été déplacées.
Parmi les personnes déplacées, environ un million de personnes sont restées dans le pays et près de 1,2 millions se sont enfuies dans d’autres pays. L’Allemagne a accueilli quelques 350 000 réfugiés, la Croatie environ 300 000 et l’Autriche 80 000, suivi de la Slovénie qui en a accueilli plus de 33 000 et la Suisse près de 27 000. Les Pays-Bas et le Danemark ont donné asile à quelques 23 000 réfugiés chacun, alors que le Royaume-Uni et la Norvège ont accueilli respectivement 12 000 et 13 000 réfugiés. Parmi ces réfugiés, 610 000 personnes étaient Bosniaques, 307 000 étaient Croates de Bosnie, 253 000 étaient Serbes de Bosnie et 23 000 se réclamaient d’une autre origine.
C’est l’Accord de paix de Dayton, signé le 21 novembre 1995, qui a mis un terme à la guerre.
L’Annexe 7 de l’Accord de paix devait être un élément clé de la stabilité future de la région dans la mesure où il reconnaissait à toutes les personnes déplacées le droit de regagner leur lieu d’origine, ou d’être indemnisées pour les biens perdus si, pour une raison ou une autre, ils n’étaient pas en mesure de rentrer. En outre, les parties à l'Accord devaient mettre en œuvre un plan de rapatriement élaboré par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Ils ont également dû s'engager à fournir une assistance et de prendre les mesures politiques, économiques et sociales nécessaires pour assurer le retour volontaire des réfugiés et des personnes déplacées. Une commission indépendante, basée à Sarajevo, serait chargée de régler les revendications de propriété et de compensation. Mais quatre années de guerre avaient laissé derrière elles un héritage de méfiance qui a rapidement mis fin à l’espoir de voir les déplacés de tous bords accepter facilement de rentrer pour vivre côte à côte en paix.
Le climat de méfiance et de crainte entre les différents groupes ethniques a perduré, et nombreux sont ceux qui ont refusé de renter dans leur lieu d’origine. Parmi ceux qui sont retournés chez eux, nombreux sont ceux qui ont dû faire face à la discrimination lorsqu’ils ont cherché à entrer sur le marché du travail ou à bénéficier de services publics comme la santé ou l’éducation. Assurer la protection des personnes de retour et de leurs habitations, particulièrement lorsqu’il s’agissait de minorités, aurait été un élément essentiel pour garantir le succès initial du rapatriement, comme l’aurait été également l’implication plus active de la force multinationale de maintien de la paix (SFOR) déployée après la guerre. Ces deux aspects auraient pu être déterminants pour qu’augmente le nombre des retours à ce stade précoce. La pression exercée par certains pays européens qui cherchaient à accélérer le rapatriement de milliers de réfugiés bosniaques malgré l’absence des fonds prévus pour la reconstruction des habitations endommagées, la construction de nouveaux logements ou pour couvrir les demandes d’indemnisation financière, est encore venue s’ajouter à l’ensemble des difficultés.
C’est dans l’Accord de paix de Dayton lui-même et dans la décision des négociateurs et des signataires qui ont confié la sécurité du retour des minorités aux mêmes autorités qui avaient ordonné le nettoyage ethnique pendant la guerre qu’il faut chercher l’origine du succès limité de la mise en œuvre de l’Annexe 7. La signature de l’Accord de paix a mis un terme à la guerre mais vingt ans après des milliers de personnes sont toujours déplacées et des solutions pour remédier à l’héritage de la guerre font toujours défaut.
María del Pilar Valledor Álvarez pvalledora@yahoo.es
Docteure en droit de l’Université Rey Juan Carlos www.urjc.es/en/