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Rapatriés afghans: les acteurs du changement?

La communauté internationale considère les réfugiés rentrant «chez eux» comme la preuve absolue de la paix et du retour à la «normalité». Mais ils sont également considérés, non sans un certain degré de paradoxe, comme des agents du changement capables de contribuer au développement et à la consolidation de la paix. Les rapatriés des pays industrialisés sont vus comme l’élite la plus instruite, la plus riche, la plus entrepreneuriale et la mieux connectée, qui a acquis des compétences, du capital et des idées lors de son séjour à l’étranger. En outre, il est attendu que ces rapatriés jouent le rôle de médiateurs entre les cultures. Dans toute l’Union européenne, les gouvernements utilisent leur budget d’aide publique au développement pour financer les dénommés programmes de Retour volontaire assisté assisté des migrants non désirés. Cependant, les rapatriés d’Europe constituent un groupe très hétérogène dont les membres ne présentent pas tous les caractéristiques susmentionnées. Une étude sur les rapatriés de Kaboul indique que le statut juridique des personnes et leur motivation à rentrer au pays sont des facteurs importants sous bien des angles.

Les rapatriés volontaires, par opposition aux personnes dont le retour volontaire est assisté, conservent leur droit de vivre de manière permanente dans leur pays d’accueil. Cette mobilité transnationale, conjuguée à leur situation économique favorable, leur donne confiance en leur propre capacité à se prémunir de la violence et, simultanément, à préserver la sécurité des personnes à leur charge dans leur pays de résidence en Occident. De nombreux rapatriés volontaires sont motivés par l’ambition et choisissent de retourner en Afghanistan en dépit des troubles prévus post-2014. Ils rentrent pleins d’optimisme et d’énergie et beaucoup considèrent les connaissances, les compétences et les attitudes apprises en Europe ou ailleurs comme des atouts qu’ils peuvent offrir à l’Afghanistan. Toutefois, ils réalisent par la suite que leurs idées «étrangères» sont souvent accueillies avec suspicion, ce qui finit par rapidement décourager et désillusionner un grand nombre d’entre eux. Les rapatriés volontaires réévaluent continuellement leur décision de rester ou de repartir, et beaucoup pourraient de nouveau émigrer en fonction des changements qui surviendront après 2014. Cependant, c’est cette mobilité qui leur permet de prendre le risque d’être «différents» du reste de la société et de défendre des opinions à contre-courant du discours actuel.

D’un autre côté, les personnes rapatriées contre leur gré, qui ne conservent aucun statut juridique dans leur pays d’accueil, viennent généralement d’un milieu plus modeste et ont souvent dépensé toutes leurs économies ou contracté des dettes afin de financer leur émigration. Au lieu de retourner dans leur pays enrichis par leur expérience migratoire, ils reviennent encore plus appauvris, frustrés et déçus. Comme ils ont vécu dans leur ancien pays d’accueil sans avoir jamais vraiment participé à la société, ils ont acquis peu de nouvelles compétences ou idées et tendent à adopter une attitude conservatrice ou traditionnelle comme moyen de prouver leur appartenance à la société afghane.

Dans un environnement imprévisible comme l’Afghanistan, la mobilité transnationale est l’atout le plus précieux des rapatriés. Plutôt que d’impliquer un engagement fluide envers l’Afghanistan, cela leur permet de conserver une plus grande indépendance vis-à-vis des contraintes structurelles du pays et de négocier le changement. Bien que la communauté internationale considère le rapatriement permanent des réfugiés comme la preuve absolue du retour de la paix, c’est au contraire leur mobilité continue qui pourrait contribuer le plus à des moyens d’existence durable et à la pérennité de la paix et du développement.

 

Marieke van Houte mariekevanhoute@gmail.com est étudiante de doctorat à l’École de Gouvernance de l’Université de Maastricht, aux Pays-Bas. www.maastrichtuniversity.nl

Cet article se base sur sa thèse de doctorat sur la migration de retour, que l’auteure devrait présenter en 2014.

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