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Réfugiés en Serbie : en route vers une meilleure vie

En 2014, on dénombrait trois abris pour les réfugiés qui traversaient simplement Belgrade, la capitale serbe, et cinq centres d’asile pour ceux qui souhaitaient y déposer une demande d’asile. Les capacités n’étaient cependant pas suffisantes, étant donné que plus de 2500 personnes entraient chaque jour en Serbie. Jusqu’à 600 personnes, dont des familles avec de jeunes enfants, dormaient dans un parc jouxtant la principale gare routière. Le conseil municipal de Belgrade leur fournissait de l’eau et des tentes, de même que certains articles d’hygiène de base. Des ONG serbes et des habitants de Belgrade leur apportaient chaque jour de la nourriture et des vêtements. La majorité de ces personnes ne sont pas restées en Serbie plus de quelques jours.

Selon une étude menée en 2014,[1] il transparaissait que le réfugié typique en Serbie était un homme de 27 ans, qui avait de grandes chances d’être célibataire, de voyager seul, d’avoir suivi 12 années d’instruction et d’avoir laissé sa famille derrière lui, dans son pays d’origine. Il avait probablement passé plus d’un an en transit pour tenter de trouver une meilleure vie. En Serbie, les hommes représentent environ 90 % des réfugiés et moins d’un tiers d’entre eux sont mariés. En revanche, deux tiers des femmes recherchant un refuge en Europe sont mariées. Les veufs, les veuves et les personnes divorcées sont peu nombreux. La plupart des réfugiés ont moins de 26 ans ; un grand nombre d’entre eux ont suivi une instruction supérieure et leur profession varie considérablement. On peut aussi facilement rencontrer des docteurs, des ingénieurs, des enseignants et des étudiants que des mécaniciens ou des travailleurs manuels. Toutefois, cette variabilité ne s’observe que chez les hommes, tandis que les femmes sont majoritairement femmes au foyer, enseignantes ou étudiantes. Le niveau d’instruction des femmes est égal à celui des hommes mais il ne semble pas exister une semblable égalité des sexes en matière de possibilités d’emploi dans leur pays d’origine.

Les réfugiés arrivant en Serbie proviennent principalement de Syrie (près de 50 %), suivie de près par la Somalie et l’Afghanistan. Cependant, certains proviennent aussi d’autres pays, par exemple d’Érythrée, du Soudan, d’Algérie, d’Irak, d’Iran, du Nigéria, du Pakistan, du Ghana, du Bangladesh, d’Égypte, de Palestine et d’Éthiopie. Sur le plan ethnique, ils constituent une population très hétérogène. Presque tous les réfugiés sont de confession musulmane. Le nombre de réfugiés chrétiens, qu’il s’agisse d’orthodoxes, de catholiques ou de protestants, et de réfugiés athées est marginal.

Le voyage

L’itinéraire de transit typique pour se rendre en Serbie passe par la Turquie, la Grèce et la république de Macédoine. En chemin, les réfugiés doivent payer des passeurs et sont souvent exploités. Ils se font voler, battre et humilier par la population locale. Ils sont souvent arrêtés illégalement ou mis en prison dans des conditions déplorables. La police manque fréquemment de leur donner une raison valide expliquant pourquoi ils sont en détention et combien de temps ils y resteront. Enfin, les expulsions illégales les forcent souvent à retourner à l’étape précédente de leur voyage.

La majorité des réfugiés entreprennent ce voyage seuls. Toutefois, on rencontre aussi fréquemment des familles accompagnées de leurs enfants et de personnes âgées. La plupart des réfugiés ont toujours de la famille proche dans leur pays d’origine (près de 90 %). Environ un réfugié sur huit arrivant en Serbie a été séparé d’un membre de sa famille au cours de son déplacement, généralement un frère, une sœur ou un parent. Dans la plupart des cas, ils n’ont pas été capables de le retrouver.

Alors que des obstacles sont délibérément érigés pour entraver leur avancée, à l’instar du mur en construction à la frontière hongroise, ils se sentent victimes d’injustice et d’un manque de compréhension. Le spectre de la persécution ressurgit et ils craignent chaque jour un peu plus pour leur avenir. Ils cèdent alors à la panique, qui les pousse à conclure des accords précipités avec les passeurs, s’exposant ainsi à de grands risques. Les passeurs sont en effet souvent liés aux trafiquants, pour lesquels cette panique constitue une occasion en or, si bien que les réfugiés s’exposent à un risque accru de devenir les victimes de la traite des personnes. Notre étude a révélé que la plupart des réfugiés démontraient une faible compréhension de la traite des personnes bien qu’une grande partie d’entre eux en avaient fait l’expérience eux-mêmes. Ils ne comprennent pas vraiment qu’ils peuvent être utilisés et poussés à l’esclavage, ni que leur situation est d’autant plus dangereuse qu’ils s’en remettent à des passeurs pour traverser les frontières et atteindre l’Europe de l’Ouest.

Si l’on considère les multiples événements traumatisants qu’ils ont connus et le futur incertain qui les attend, l’état psychologique des réfugiés est tel que l’on pourrait s’y attendre. Beaucoup d’entre eux souffrent de stress post-traumatique, d’anxiété et de dépression. Ils se sentent seuls, abandonnés et rejetés. Ils sont rongés par la culpabilité, le désespoir, une inquiétude excessive, se demandent pourquoi tout cela leur est arrivé, ressassent dans leur esprit les événements les plus difficiles, souffrent de fatigue, de perte d’appétit et de manque de sommeil, et sont en proie à de soudaines réactions émotionnelles ou physiques lorsqu’on leur rappelle les événements traumatisants qu’ils ont vécus.

Conformément aux conclusions de cette étude, de nouveaux programmes de soutien psychologique ont été mis au point tandis que les programmes existants ont été ajustés pour mieux répondre aux besoins de la population des réfugiés. Les questions que les réfugiés posent le plus souvent sont les suivantes : À qui pouvons vous demander de l’aide ? Qui assumera la responsabilité de ce qui se passe et de ce qui ne se passe pas ? Qui prendra la décision finale qui nous donnera ou non la chance de vivre une vie normale ? Quelqu’un sera-t-il prêt à nous écouter et à réagir une fois que nous serons arrivés à destination ?

 

Maša Vukčević masa.vukcevic@yahoo.com

Psychologue pour le Conseil danois pour les réfugiés www.drc.dk

 

Jelena Momirović jecadobric@gmail.com

Psychologue pour le Conseil danois pour les réfugiés www.drc.dk

 

Danka Purić dpuric@f.bg.ac.rs

Professeure adjointe pour le Département de psychologie de la Faculté de philosophie de l’Université de Belgrade www.bg.ac.rs/en/index.php



[1] Vukčević M, Dobrić J and Purić D (2014) Study of the Mental Health of Asylum Seekers in Serbia www.unhcr.rs/media/MentalHealthFinal.pdf

 

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