De nouvelles conventions de l’OEA pour protéger les PDI contre le racisme et la discrimination

Deux nouvelles conventions approuvées en 2013 ont le potentiel de garantir une meilleure protection aux groupes vulnérables, dont les PDI, sur le continent américain.

Le 6 juin 2013, l’Assemblée générale de l’Organisation des États américains (OEA) a approuvé deux nouveaux instruments juridiques internationaux: la Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale la xénophobie et l’intolérance qui y est associée (la Convention contre le racisme) et la Convention interaméricaine contre toutes les formes de discrimination et d’intolérance (Convention contre la discrimination). Cette dernière est plus complète en matière de protection des groupes vulnérables et présente des formulations novatrices qui sont particulièrement favorables aux PDI de la région.

Aux Amériques, les PDI souffrent depuis longtemps d’attitudes racistes et discriminatoires généralisées. Cette situation a été documentée sous de nombreuses formes au cours des vingt dernières années, notamment dans les rapports des rapporteurs spéciaux de l’OEA, ou de Francis Deng et Walter Kälin, les représentants du Secrétaire général de l’ONU chargés de la question des personnes déplacées,[1] ou encore de Human Rights Watch, ainsi qu’au cours de conférences telles que le séminaire régional de 2004 sur le déplacement interne aux Amériques.[2]

Selon la nouvelle Convention contre la discrimination:

La discrimination s’entend de toute distinction, exclusion, restriction ou préférence, dans tout domaine de la vie publique ou privée, ayant pour but ou effet d’annuler ou de restreindre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur un plan d’égalité, d’un ou de plusieurs droits de la personne et libertés fondamentales consacrés dans les instruments internationaux applicables aux États parties.

La discrimination peut être fondée sur la nationalité, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre, la langue, la religion, l’identité culturelle, les opinions politiques ou les opinions de toute autre nature, l’origine sociale, le statut socio-économique, le niveau d’éducation, le statut de migrant, de réfugié, de rapatrié, d’apatride ou de déplacé interne, un handicap, un caractère génétique, l’état de santé de santé physique ou mentale, y compris une maladie infecto-contagieuse, et un état psychologique débilitant, ou toute autre condition.[3] [mise en relief de l’auteur]

Aucun autre traité de droit international ne définit le principe de discrimination de manière aussi complète, tant par sa signification que par sa portée, que cette Convention. Alors que d’autres traités relatifs aux droits humains ont dû s’appuyer sur des interprétations de ce principe qui en sont progressivement venues à inclure la protection de certains groupes, cette Convention de l’OEA a intégré plusieurs avancées doctrinales et jurisprudentielles à sa propre définition.

Les PDI sont dorénavant prises en compté parmi les catégories de personnes les plus vulnérables à la discrimination, si bien que leurs plaintes contre les pratiques discriminatoires ont aujourd’hui une plus grande chance d’aboutir. Les obligations des États telles qu’énoncées par la Convention vont de la prévention, de l’élimination et de la condamnation de tous les types de pratiques discriminatoires à l’adoption de lois spécifiques et à la mise en œuvre de politiques publiques sur l’égalité de traitement et des chances. Particulièrement importantes dans le cas des PDI, les questions de l’accès au logement et à l’emploi, de la participation aux organisations professionnelles, de l’accès à l’éducation, à la formation, à la protection sociale, à l’activité économique et aux services publics ne peuvent être sujettes à quelconque forme de restriction ou de limitation des droits afférents pour des motifs basés sur la discrimination ou l’intolérance.

La Convention contre la discrimination prévoit dans un premier temps une supervision judiciaire assurée par la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Ensuite, une fois que la Convention sera entrée en vigueur, une Commission interaméricaine pour la prévention et l’élimination du racisme, de la discrimination raciale et de toutes les formes de discrimination et d’intolérance sera établie pour suivre sa mise en application.

La Convention pourra aussi se révéler être un précieux instrument pour faciliter la mise en place de solutions durables face aux crises de déplacement interne de la région. En effet, même après leur retour volontaire ou leur intégration locale, les PDI risquent toujours d’être victimes de discriminations sous la forme de restriction de leur accès aux services publics et de limitation de leurs droits relatifs à l’emploi, la subsistance et la participation politique.[4] Toutes ces formes de discrimination sont toutefois expressément prohibées par la Convention. La Convention pourra aussi être utile dans les situations de discrimination à l’encontre des PDI appartenant également à d’autres groupes vulnérables, tels que les personnes séropositives.

 

En 2011, le Groupe de travail officiel sur une proposition de Convention interaméricaine contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et toutes les formes de discrimination et d’intolérance a décidé de diviser le projet en deux conventions: une première portant sur le racisme et une seconde sur les autres formes de discrimination et d’intolérance. Initialement, cette décision avait été prise une fois qu’il avait été reconnu que certains États rencontreraient des difficultés à mettre en application une Convention exhaustive en raison de leur position juridique nationale vis-à-vis des questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre. Toutefois, par la suite, le Groupe de travail a saisi l’occasion de transformer la Convention contre la discrimination en texte pionnier, le premier de son genre à reconnaître ouvertement l’essor des crimes haineux basés sur l’orientation sexuelle et à interdire toute discrimination basée sur ce motif.

 

Seules deux ratifications sont nécessaires pour que la Convention contre la discrimination entre en vigueur. En septembre 2013, l’Argentine, le Brésil, l’Équateur et l’Uruguay avaient tous signés la Convention mais aucun ne l’avait encore ratifiée.

 

Maria Beatriz Nogueira mb_nogueira@yahoo.com est doctorante en Relations Internationales à l’Université de Brasília.



[3] Art 1. Texte complet disponible sur

http://tinyurl.com/OAS-Discrimination-Conv

[4] A/HRC/13/21/Add.4. Human Rights Council, Report of the Special Rapporteur on the Human Rights of Internally Displaced Persons,Walter Kälin: Framework for Durable Solutions for Internally Displaced Persons, 29 décembre 2009.

 

 

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