Une occasion de modifier la politique du Liban en matière d’asile

L’attitude libanaise vis-à-vis de «l’exception syrienne» pourrait servir de point de départ pour faire évoluer sa politique officielle en vue de l’aligner sur les normes et les mesures de protection internationales relatives aux réfugiés et aux droits humains.

«Le Liban n’est pas un pays d’asile.» Tel est le discours officiel du Liban depuis des dizaines d’années. Le Liban n’est pas signataire de la Convention de 1951 sur les réfugiés ni de son Protocole de 1967 et ne dispose pas de cadre juridique national complet ou simplement suffisant pour protéger les réfugiés. Les réfugiés et les demandeurs d’asile sont donc traités comme des migrants irréguliers, susceptibles d’être arrêtés et expulsés après une longue période de détention arbitraire justifiée uniquement par leur absence de statut juridique. Les réfugiés qui parviennent malgré tout à entrer au Liban tendent à s’établir dans des logements privés en milieu urbain et seuls les réfugiés palestiniens vivent dans des camps. Les autorités libanaises ne reconnaissent pas le statut des réfugiés non palestiniens ou des réfugiés palestiniens sans papiers.

L’argumentaire habituel du Liban s’appuie sur la petite taille du pays et sur le fait qu’il abrite déjà depuis des dizaines d’années la plus grande population de réfugiés palestiniens, qui représentent environ 10% de la population totale du pays, si bien qu’il assume déjà plus que sa part du «fardeau» des réfugiés parmi la communauté internationale.

Et pourtant, aujourd’hui, nous pouvons y observer l’existence d’un phénomène appelé «l’exception syrienne». Les Syriens sont admis dans le pays en toute sécurité, ils ne peuvent pas être détenus pour être arrivés illégalement et ils peuvent bénéficier d’une assistance, y compris d’un logement. Néanmoins, il arrive encore que des réfugiés syriens soient arrêtés au motif de leur arrivée irrégulière ou de leur séjour irrégulier sur le territoire, même si cela ne concerne que très peu de personnes relativement à l’ensemble de la population de réfugiés syriens présents au Liban. Les ordres d’expulsion, parfois uniquement justifiés par le «crime» que constitue l’arrivée ou le séjour irréguliers, ne sont toutefois pas mis en pratique et, dans les faits, les autorités libanaises semblent avoir respecté le moratoire sur l’expulsion des Syriens.

Cependant, cette politique actuellement clémente à l’égard des réfugiés syriens montre ses limites lorsque l’on observe comment les autorités gèrent et organisent l’assistance et les autres aspects liés à la protection. Elle met en lumière la faiblesse et le manque de préparation des autorités libanaises relativement à leur gestion des problématiques propres aux réfugiés et à leur capacité à élaborer des programmes et des procédures adaptés.

Cette expérience devrait également ouvrir les yeux des responsables politiques libanais et de tous les acteurs concernés concernant le besoin urgent de définir une politique d’asile claire et cohérente au Liban. Il faut souhaiter que l’attitude libanaise vis-à-vis de «l’exception syrienne» puisse servir de point de départ pour faire évoluer la politique du pays en vue de l’aligner sur les normes et les mesures de protection internationales relatives aux réfugiés et aux droits humains.

 

Samira Trad frontierscenter@frontiersruwad.org est la fondatrice et directrice de l’Association Frontiers Ruwad au Liban.  frontiersruwad.wordpress.com

 

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