Protection des demandeurs d’asile parmi les flux mixtes : enseignements tirés de Bulgarie

Dans le contexte d’un nombre d’arrivées élevé, les États pourraient introduire des mesures générales visant à prévenir la migration clandestine. Celles-ci pourraient toutefois restreindre les droits des demandeurs d’asile.

Dans les pays où l’immigration clandestine est un crime, les personnes nécessitant une protection internationale et arrivant parmi des flux mixtes risquent d’être poursuivies en justice. Selon la loi bulgare, les étrangers ayant franchi la frontière de manière illégale encourent une peine de prison d’un maximum de cinq ans, de même qu’une amende. Cette possibilité de criminaliser la traversée clandestine d’une frontière met en lumière la nécessité d’identifier les demandeurs d’asile afin de garantir qu’ils puissent exercer leur droit à ne pas être sanctionnés.

En novembre 2013, face à l’intensification des flux migratoires, la Bulgarie a introduit des mesures visant à renforcer le contrôle de ses frontières. Mais ces mesures ont pour effet d’empêcher les personnes nécessitant une protection internationale d’atteindre le territoire bulgare et d’y solliciter l’asile. Des rapports ont également documenté des allégations selon lesquelles des personnes ayant besoin d’une protection internationale avaient été physiquement empêchées de pénétrer sur le territoire bulgare, y compris en étant soumises à des mauvais traitements ou encore exclues sommairement de Bulgarie sans avoir eu la possibilité de déposer une demande d’asile.

La Bulgarie s’est dotée d’une ordonnance qui stipule que, conformément aux amendements introduits en 2011, si une personne dépose une demande d’asile auprès de la police des frontières après avoir été arrêtée pour être entrée en Bulgarie de manière clandestine, sa demande doit être enregistrée puis transmise à l’Agence nationale pour les réfugiés ; cette personne doit ensuite être logée dans un centre de réception ouvert. En dépit de cette ordonnance, les personnes déposant une demande d’asile auprès de la police des frontières après avoir entrées clandestinement sur le sol bulgare sont transférées dans un centre de détention établi en 2013 dans le cadre des mesures prises pour traiter le nombre croissant d’arrivées. Ce type de détention, selon laquelle les demandeurs d’asile sont traités comme des migrants clandestins, est illégale tant en vertu de la loi européenne que de la loi bulgare.

Au cours des cinq dernières années, la Bulgarie a déployé de grands efforts pour améliorer l’accès à son territoire et à ses procédures. Par exemple, des brochures informatives concernant la procédure d’asile sont dorénavant fournies dans plusieurs langues à tous les points de passage frontaliers. Parallèlement, le manque d’interprètes est l’un des problèmes les plus aigus auxquels se heurte la police aux frontières pour identifier les personnes ayant besoin d’une protection internationale et enregistrer leur demande, ce qui masque l’impact des autres évolutions positives.

Bien que la législation bulgare stipule qu’une demande d’asile peut être exprimée par oral, par écrit ou « sous toute autre forme », cette réticence à assumer un rôle plus actif pour identifier les demandes d’asile est particulièrement problématique dans le cas des demandeurs d’asile vulnérables. Pour des raisons liées à l’âge, au sexe, à l’orientation sexuelle ou au handicap, ou encore en conséquence de tortures ou de violences sexuelles, ces derniers ne sont pas toujours capables de formuler leur besoin de protection internationale. Il serait ainsi utile de proposer des formations à l’identification des demandeurs d’asile, y compris ceux qui présentent des besoins spéciaux. Des directives supplémentaires décrivant l’obligation de la police aux frontières d’informer les personnes (celles qui arrivent à la frontière ou qui sont détenues suite à une migration clandestine) de la possibilité de déposer une demande d’asile, mais aussi de la démarche à suivre et du lieu où le faire, permettrait de faciliter l’accès à cette procédure pour les demandeurs d’asile arrivant parmi des flux mixtes. Cela contribuerait également à atténuer le risque qu’ils soient expulsés avant même d’avoir pu déposer une demande d’asile ou que cette demande ait pu être examinée.

 

Mariya Shisheva m.shisheva@gmail.com

Chercheuse indépendante

 

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