Royaume-Uni: une justice faite d’embuches

Sur le plan juridique, la situation pour les demandeurs d’asile gays et lesbiens au Royaume-Uni s’est considérablement améliorée ces dernières années. Cependant, des obstacles importants perdurent.

À travers des entretiens avec des agents chargés du traitement des dossiers, des avocats spécialisés dans les demandes d’asile de personnes LGBT et une association britannique visant à aider l’immigration des homosexuels, il est apparu que les fonctionnaires de l’Agence britannique pour la gestion des frontières (UK Borders Agency, UKBA) ont recours à des stéréotypes obsolètes lorsqu’il s’agit d’« éclairer » leurs décisions. On a refusé d’accorder la protection à des demandeurs d’asile qui ressemblaient trop à des hétérosexuels ordinaires puisqu’ils n’adoptaient pas les gestes, la  tenue vestimentaire ou la façon de s’exprimer que l’on s’attendait généralement à retrouver chez les homosexuels, conformément à la vision occidentale rigide de la sexualité. On a débouté des lesbiennes qui ne se comportaient pas de manière suffisamment masculine. On a demandé à des hommes s’ils fréquentaient les « lieux de drague » en extérieur. Ces préjugés profondément ancrés sur la manière dont l’identité gay et lesbienne est censée s’exprimer fragilisent grandement le processus de demande d’asile et sa capacité à protéger les individus.

Par ailleurs, de nombreux demandeurs d’asile se sont aperçus que la présence d’un interprète pouvait leur être préjudiciable. Les demandeurs ont le droit de choisir le sexe de l’interprète qui les aidera au cours de leurs démarches, et cet(te) interprète devrait être conscient(e) des diverses sensibilités culturelles ou religieuses. Cependant, les interprètes britanniques ne reçoivent aucune formation sur les problématiques LGBT et il n’existe aucun projet d’y remédier dans l’immédiat. De nombreux demandeurs d’asile LGBT ont peur de faire appel à un(e) interprète venant de leur communauté d’origine. En effet, dans de nombreuses communautés de réfugiés au Royaume-Uni, l’homophobie y est aussi répandue que dans le pays d’origine, et les interprètes échappent peu souvent à cette règle. Il est arrivé que des interprètes s’adressent à des demandeurs d’asile de manière insultante ou traduisent leurs déclarations de manière erronée. Or, il est primordial que l’interprétation reflète fidèlement les propos tenus car les décisions sont souvent prises en  fonction de la précision et de la cohérence des déclarations du témoin. Une demande d’asile risque d’échouer si les déclarations sont faussement traduites ou paraissent incohérentes.

 Les coupes budgétaires concernant l’aide juridique ont eu elles aussi un impact disproportionné sur les demandeurs d’asile LGBT. Les cabinets d’aide juridique ont désormais moins de temps pour élaborer et présenter des dossiers cohérents au Ministère de l’Intérieur (Home Office), si bien que certains demandeurs se présentent à l’UKBA sans avoir suffisamment préparé leur entretien. Les demandes d’asile des personnes LGBT prennent souvent plus de temps car le demandeur ou la demandeuse doit avoir « fait son coming out » à son avocat et s’être préparé(e) à en parler ouvertement lors de son entretien à l’UKBA.

Il existe pourtant des directives claires quant à la façon d’aborder les demandes liées à la sexualité ; mais elles sont trop souvent ignorées, les personnes chargées de juger les dossiers préférant se fier à leur ignorance et à leurs préjugés hétérosexistes. De fait, ce n’est plus l’identité du demandeur ou de la demandeuse qui constitue le facteur décisif, mais plutôt l’identité de la personne responsable de juger l’affaire.

 

Charlotte Mathysse c.mathysse@gmail.com a récemment fini son Master en Etudes sur les migrations à l’université du Sussex et travaille actuellement pour la Croix Rouge kenyane à Nakuru pour un programme de formation sur l’égalité des sexes.

 

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