La difficulté de produire des Informations sur le Pays d’Origine spécifiques aux LGBT

Pour évaluer le bien-fondé des craintes de persécution des demandeurs d’asiles lesbiens, gays et bisexuels (LGB), il est souvent nécessaire de recourir à des Informations sur le Pays d’Origine concernant spécifiquement la situation des personnes LGB dans le pays d’origine. Toutefois, les informations sur les populations LGB dans les pays où le fait d’être LGB est criminalisé sont souvent difficiles à obtenir et restent fréquemment du domaine de l’anecdote. Les comptes-rendus directs émanant de personnes LGB elles-mêmes sont rares.

Dans une tentative pour palier ce  manque d’information en Tanzanie, je me suis entretenu à Dar es Salam avec 40 personnes qui s’auto-identifient comme LGB. Certaines organisations et individus – principalement ceux qui plaident pour que les droits des LGB soient protégés dans le cadre du plaidoyer en faveur de la prévention et du traitement du VIH et du Sida – m’ont averti que personne n’accepterait de répondre à des questions directes concernant son orientation sexuelle. Néanmoins, je n’ai pas trouvé que le fait de poser des questions directes ait eu pour effet de susciter la méfiance chez les répondants (même chez ceux qui ne s’auto-identifiaient pas comme LGB).

Les personnes que j’ai interrogées avaient subi toute sorte de discriminations, de la part de membres de leur famille, avaient été chassées de l’école, avaient fait l’objet d’insultes et de discours haineux, avaient été harcelées par la police, avaient subi des traitements humiliants par des prestataires de soins médicaux, certaines avaient peur des transports public, et l’une d’entre elles avait subi un viol ‘de correction’. Le fait d’obtenir ces informations a entrainé certaines difficultés tant prévues qu’imprévues, que d’autres personnes à la recherche d’informations sur le pays d’origine feraient bien de garder à l’esprit.  

L’accès aux organisations LGB peut être restreint, particulièrement dans la mesure où certaines de ces  organisations fonctionnent de manière clandestine afin d’éviter d’être repérées par le gouvernement et de garantir la sécurité personnelle des activistes. Afin de collaborer avec ce type d’organisations, le recours à un système prudent de recommandations peut s’avérer nécessaire.

Les informations recueillies dépendront inévitablement des parties prenantes qui auront été contactées. De plus, il ne faudrait pas supposer que tous les activistes LGB soient du ‘même bord’. Il se peut que des organisations LGB soient en compétition active les unes avec les autres, ou même en conflit. On peut s’attendre, certes à des différences de stratégie,  mais à Dar es Salam cela va plus loin car les organisations LGB se font concurrence par rapport à leur légitimité à représenter les personnes LGB, motivées en partie par la compétition pour l’obtention de fonds. Toute enquête ayant pour objet le milieu LGB, devrait s’assurer de recueillir, auprès de personnes elles-mêmes LGB, une opinion par rapport à la crédibilité d’une organisation.

 

Christian Pangilinan christiandpangilinan@gmail.com travaille comme avocat dans le cadre de l’aide juridique aux réfugiés en Tanzanie.

 

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