Asile accordé en République de Corée pour des homosexuels persécutés

Deux demandes récentes d’asile qui ont abouti semblent suggérer que la République de Corée serait prête à devenir à l’avenir un important pays d’asile pour les personnes qui font face à des persécutions dues à leur orientation sexuelle.

Même s’il apparait comme certain que la société coréenne soit devenue plus ouverte aux orientations sexuelles différentes aux cours des quinze dernières années, de nombreux éléments en son sein n’en demeurent pas moins plutôt conservateurs, et les affirmations ouvertes d’homosexualité restent encore rares. Néanmoins les homosexuels hommes et femmes ont des droits égaux et sont protégés par une législation anti-discrimination[1], et deux cas de demande d’asile relativement médiatisés ont abouti à ce que l’asile en Corée soit accordé à des hommes homosexuels.

Le premier cas impliquait un demandeur d’asile provenant du Pakistan, un avocat de Lahore, marié, avec quatre enfants. Il avait été arrêté et détenu brièvement au Pakistan, et il avait également fait l’objet de chantage et d’intimidation par des membres de sa famille et des personnes de son entourage. Sa demande pour obtenir le statut de réfugié en Corée avait été rejetée par le Ministère de la justice en juin 2009, et ce demandeur s’était alors pourvu en appel. Un appel qui depuis a été entendu par la Cour administrative de Séoul.

La cour a considéré que la déclaration personnelle du demandeur était cohérente et persuasive et lui a accordé l’asile au motif que s’il était renvoyé au Pakistan il « existait un risque élevé qu’ils soit persécuté par des Musulmans et par le gouvernement pakistanais pour être gay ». La cour a explicitement statué que les persécutions pourraient provenir soit du gouvernement lui-même soit d’acteurs privés. En plus du témoignage du demandeur, la conclusion de la cour se basait largement sur des informations sur le pays d’origine provenant de juridictions étrangères –spécifiquement, sur un rapport de l’Agence du contrôle aux frontières du Royaume-Uni qui expliquait que les policiers pakistanais soumettaient fréquemment les homosexuels au chantage, ainsi que sur un rapport du Comité de l’immigration et du statut de réfugié canadien qui exposait des cas de persécution de  personnes gays ayant eu lieu à Khyber et Lahore. La cour a également tenu compte de clauses figurant à la fois dans le droit pakistanais et la loi islamique qui criminalisent le comportement homosexuel.

En 2011, une autre demande s’appuyant sur des persécutions relatives à l’orientation sexuelle a été présentée devant la même cour par un demandeur d’asile Nigérian. Dans ce cas, le demandeur affirmait (et la cour a accepté cela comme crédible) que le gouvernement nigérian lui avait refusé un emploi gouvernemental au motif qu’il était gay, et lui avait refusé des compensations lorsque sa maison avait été démolie dans le cadre d’un projet d’urbanisation, à nouveau du fait de son orientation sexuelle. Lorsqu’il s’était plaint de ne pas avoir reçu de compensation, un groupe de personnes avait tenté de l’attaquer dans sa maison. La Cour administrative de Séoul a tranché en faveur de l’appelant, fondant principalement son opinion sur une analyse d’informations sur le pays d’origine provenant de sources étrangères, notamment d’un rapport du Conseil de l’immigration et du statut de réfugié canadien, d’un rapport de recherche du Tribunal d’appel des réfugiés australien, d’un rapport sur les droits de l’homme du Département d’état américain, d’un rapport d’Amnesty, entre autres. La cour a également tenu compte du fait que le droit nigérian criminalise les relations homosexuelles.     

Pris ensemble, ces deux cas démontrent une inclination évidente à accorder l’asile sur la base de l’orientation sexuelle. Dans chacun des cas la cour a entièrement accepté la crédibilité des demandeurs. Dans le cas du demandeur d’asile pakistanais, la cour a insisté tout particulièrement pour expliquer qu’être marié et avoir des enfants ne signifiait pas que le demandeur mentait lorsqu’il affirmait être gay, et que cela n’était pas un comportement inhabituel dans le contexte du Pakistan. La cour n’a pas non plus considéré comme un problème de se prévaloir d’informations sur le pays d’origine auprès de sources fiables qui crédibilisaient les craintes de persécution des demandeurs.

Les juges ont également refusé de contempler d’autres arguments potentiels qui sont parfois invoqués pour rejeter l’asile dans d’autres parties du monde. Par exemple, ni l’un ni l’autre des jugements n’a suggéré la possibilité que le demandeur pourrait échapper aux persécutions en vivant dans une autre partie de son pays d’origine ou en cachant son orientation sexuelle, et dans  le cas du demandeur d’asile nigérian elle a même affirmé que « si une personne n’est pas en mesure d’exprimer sa sexualité par peur d’être persécutée, cela peut être considéré en soi comme un type de persécution », impliquant de la sorte qu’il serait inapproprié de renvoyer quelqu’un dans un pays où il ne lui serait possible de garantir sa sécurité qu’à condition de dissimuler sa sexualité.

L’importance de ces deux cas individuels au regard du droit coréen sur les réfugiés ne devraient pas être surestimée. Toutefois, ces décisions sont significatives dans la mesure où elles montrent, que bien qu’étant relativement nouveau par rapport à la jurisprudence relative aux réfugiés, le système judiciaire coréen est disposé à accorder le droit d’asile sur la base de persécutions liées à l’orientation sexuelle à des demandeurs qui viennent de pays qui sont considérés comme hostiles aux homosexuels. 

 

Andrew Wolman amw247@yahoo.com est Professeur associé à la Graduate School of International and Area Studies, de l’Université Hankuk des Études étrangères de Séoul, Corée.



[1] À l’exception des hommes se trouvant dans les rangs de l’armée.

 

 

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