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L’éducation en période de conflit

Le conflit ne suspend pas le droit à l’éducation, et les groupes armés non étatiques (GANE) ont pour obligation de protéger l’éducation dans les zones qu’ils contrôlent.

Le conflit ne suspend pas le droit à l’éducation, et les groupes armés non étatiques (GANE) ont pour obligation de protéger l’éducation dans les zones qu’ils contrôlent. Le droit humanitaire rend obligatoire la poursuite de l’éducation dans les situations d’urgence ; la quatrième Convention de Genève par exemple, oblige les puissances occupantes à faciliter le « bon fonctionnement des institutions consacrées à l’éducation dans les territoires occupés », et insiste, dans le cas de certaines catégories d’enfants touchés par le conflit, pour que « les parties au conflit s’assurent [que] leur éducation [soit] facilitée en toutes circonstances. » 1

L’éducation est un facteur crucial de normalisation de la vie des enfants qui subissent un conflit et leur fournit des compétences qui leur permettront de survivre et de se développer. 2

Dans les cas où des populations ont été déplacées par un conflit dans lequel sont impliqués des GANE, les autorités pertinentes – qu’ils s’agissent des GANE maintenant en charge du territoire, ou de l’Etat assurant le contrôle du territoire – ont pour obligation de garantir l’éducation dès que possible. Dans les Principes directeurs relatifs au déplacement interne, l’article 23 (1) insiste sur le fait que des services d’enseignement « seront offerts aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays … dès que les conditions le permettront ».

Plus de la moitié des enfants qui sont actuellement non scolarisés se trouvent dans des Etats subissant un conflit ou fragilisés. Dans la mesure où les conflits modernes sont fréquemment des conflits armés internes, de nombreux Etats fragilisés ont des GANE opérationnels sur leur territoire et ces groupes ont un impact déterminant sur l’accès à l’éducation. Alors qu’un tel impact peut s’avérer extrêmement destructeur, comme par exemple lorsqu’il se traduit par des attaques sur les écoles, il n’est pas toujours uniformément négatif. L’éducation est un domaine dans lequel les GANE peuvent avoir une motivation évidente à respecter les droits fondamentaux – particulièrement lorsqu’il s’agit de GANE qui ont un programme politique et un certain degré de contrôle territorial.

Les GANE sans contrôle territorial

Les conflits armés internes qui impliquent des GANE ont un impact important sur l’éducation parce qu’ils causent des déplacements forcés massifs (un facteur qui paralyse l’éducation par l’interruption de la scolarité, l’appauvrissement des familles et une augmentation de l’insécurité des installations et des personnels enseignants) ; détruisent les infrastructures éducatives (humaines et physiques) ; et entravent l’assistance humanitaire (notamment l’approvisionnement en matériel éducatif d’urgence).

Les attaques des GANE sur l’éducation peuvent inclure non seulement des attaques physiques sur les écoles mais aussi des enlèvements dans les classes pour obliger des élèves à rejoindre les groupes armés, et des menaces sur les élèves, les enseignants et le personnel administratif. Dans le district de Swat au Pakistan, par exemple, les attaques des GANE sur les écoles ont prévalu pendant les années qui ont mené à la récente crise de déplacement, et fin 2008 elles avaient causé la destruction de plus de 200 écoles dans ce seul district,  dont 95% étaient des écoles de filles. On estime qu’en conséquence environ 50000 élèves ont été privées d’éducation. Par ailleurs, une évaluation des écoles à Kandahar en Afghanistan, menée par Save the Children UK, a montré que « seulement la moitié des filles se rendent à l’école tous les jours à cause des menaces constantes dont elles font l’objet. » 3 Les attaques sur les écoles et les autres installations habituellement utilisées à des fins éducatives sont interdites par le droit international – et cependant, elles continuent d’avoir lieu.

Les combats entre les GANE et les autres parties au conflit pour contrôler un territoire peuvent avoir un impact drastique sur l’accès à l’éducation pour les personnes déplacées et le reste de la population. Save the Children UK, estime par exemple que la majorité des enfants déplacés dans l’Est de la RDC n’ont eu aucun accès à une éducation formelle ou informelle depuis 1998. 4 Les GANE en RDC ont encore exacerbé les difficultés d’accès à l’éducation en entravant l’accès humanitaire et en détruisant les infrastructures éducatives. Bien souvent ils brulent le mobilier scolaire comme bois de chauffe et occupent les bâtiments des écoles.

Les GANE avec contrôle territorial

Lorsque les GANE ont un contrôle territorial, ils peuvent être en mesure d’apporter certains types de services sociaux et économiques à la population locale. Le Hezbollah, par exemple, est à la fois un GANE et un acteur politique au Liban, contrôlant un nombre important de municipalités dans le sud du pays. Le Hezbollah entretient une Unité éducation dans le cadre de son système organisé de santé et de services sociaux ; selon un rapport datant de juin 2009, l’Unité éducation « fournit [un] service indispensable à la population shiite pauvre » en assurant le fonctionnement d’un certain nombre d’écoles primaires et secondaires, desservant ainsi près de 14000 élèves principalement shiites, avec des frais de scolarité peu élevés dans des zones où le système scolaire libanais publique est considéré comme de mauvaise qualité. 5 Ici, la présence d’un GANE avec un certain degré de contrôle territorial et fournissant des services sociaux a un impact positif sur l’accès à l’éducation à la fois des enfants déplacés et non déplacés.

Un tel schéma n’est cependant pas toujours la règle lorsqu’un GANE contrôle un territoire ; les GANE peuvent éroder la sécurité jusqu’à un point où l’éducation est impossible et/ou complètement négligée. Dans la province Afghane de Jawzjan, par exemple, le gouvernement central a largement négligé les services de l’Etat, et une grande partie de la zone subit la violence des GANE. Les enfants sont confrontés à de sérieux obstacles lorsqu’ils veulent se rendre dans les quelques écoles qui fonctionnent encore – parmi ces obstacles il y a les mines posées par les Talibans et les enlèvements sur la route à l’aller ou au retour de l’école. Ici, les GANE ne garantissent pas une sécurité suffisante pour permettre à l’éducation de se poursuivre ni suffisamment de soutien politique à l’éducation en soi.

Les GANE ont au minimum l’obligation de ne pas attaquer l’éducation, et souvent, là où ils ont un certain niveau de contrôle territorial, ont une obligation de faciliter activement l’accès à l’éducation. La nécessité d’engager le dialogue avec les GANE sur les questions relatives à l’éducation  apparaît donc évidente, comme l’est aussi de reconnaître l’importance du rôle qu’ils peuvent jouer en anéantissant les droits des enfants ou au contraire en s’en faisant les promoteurs.

 

Alice Farmer (alice.farmer@nrc.ch) est Conseillère en matière de droits des enfants auprès de Internal Displacement Monitoring Centre/Norwegian Refugee Council (http://www.internal-displacement.org).


1 Articles 50(1) et 24(1)

2 Graca Machel, The Impact of War on Children [L’impact de la guerre sur les enfants], 2001. http://www.unicef.org/publications/index_4401.html

3 Save the Children UK, Barriers to Accessing Education in Conflict-Affected Fragile States, Case study: Afghanistan [Les obstacles en matière d’accès à l’éducation dans les Etats fragilisés subissant un conflit, une étude de cas: l’Afghanistan], p 27 http://www.savethechildren.org.uk/en/docs/Afghanistan_Case_study_Final.pdf

4 Save the Children UK, Barriers to Accessing Education in Conflict-Affected Fragile States, Case study: Democratic Republic of Congo (DRC)[ Les obstacles en matière d’accès à l’éducation dans les Etats fragilisés subissant un conflit, une étude de cas: la République démocratique du Congo (RDC)], p18  http://www.savethechildren.org.uk/en/docs/DRC_Case_Study_Final.pdf

5 Middle East Policy Center, Hezbollah’s social Jihad: non-profits as resistance organizations [Le jihad social du Hezbollah: les organisations sans but lucratif comme organisations de résistance], Juin 2009. http://www.mepc.org/journal/middle-east-policy-archives/hezbollahs-social-jihad-nonprofits-resistance-organizations

 

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