Le Sommet mondial des réfugiés et l’importance de l’autoreprésentation des réfugiés

En juin 2018, 72 représentants de réfugiés venus de 27 pays qui accueillent des réfugiés se sont réunis à Genève pour le tout premier Sommet mondial des réfugiés.

Ce Sommet, un véritable événement historique, a rassemblé pour la première fois des représentants de populations déplacées de force venus du monde entier pour qu’ils puissent discuter, planifier et s’organiser sur le thème de l’autoreprésentation des réfugiés. Il a été organisé et animé par huit réseaux de réfugiés, notamment par le Network for Refugee Voices [Réseau pour faire entendre les voix des réfugiés], Australian National Committee of Refugee Women [Comité national australien des femmes réfugiées], Network for Colombian Victims for Peace in Latin America and the Caribbean (REVICPAZ-LAC) [Réseau des victimes colombiennes pour la paix en Amérique latine et dans les Caraïbes], New Zealand National Refugee Association [Association nationale néozélandaise de réfugiés], Asia Pacific Refugee Rights Network [Réseau Asie Pacifique pour les droits des réfugiés], Refugee Led Organizations Network [Réseau d’organisations de réfugiés (Ouganda)] et Syrian Youth Volunteers [Jeunes syriens bénévoles] – des Pays-Bas. Deux organisations non gouvernementales (ONG) ont apporté leur soutien au Sommet, Independent Diplomat [Diplomate indépendant] et Refugee Council of Australia [Conseil australien pour les réfugiés].

L’une des discussions thématiques a été axée sur la participation et la capacité d’action – comment les réfugiés et les autres personnes déplacées de force peuvent avoir une véritable participation et influencer les processus de prise de décision qui ont un impact sur leur vie à différents niveaux (local, national, régional, mondial) et au sein de différents forums (ceux par exemple des gouvernements, des ONG, des communautés).

Malgré de récentes demandes pour plus d’implication des réfugiés à la fois au niveau des processus mondiaux et des initiatives locales, très peu d’éléments indiquent une meilleure représentation des réfugiés et des autres communautés déplacées de force (particulièrement les organisations de femmes). Et même si la communauté internationale accepte le principe de l’élaboration participative des politiques, tel que détaillé dans le « Grand compromis » et incarné par le mantra des Objectifs de développement durable qui promet de « ne laisser personne sur le bord du chemin », les pratiques participatives en vigueur sont loin d’être satisfaisantes.

La participation des réfugiés est bienvenue, principalement, comme un moyen de mettre en œuvre le programme des institutions et des gouvernements les plus importants, plutôt que comme un véritable engagement stratégique destiné à apporter une réponse adaptée aux souhaits et aux besoins des personnes affectées plutôt qu’aux biens et services qu’il est possible de fournir. Parmi les obstacles à la participation des réfugiés se trouvent les fortes attentes des parties prenantes par rapport à la capacité des organisations de réfugiés à participer aux processus de prise de décisions malgré des financements limités, des obstacles linguistiques et des préoccupations relatives à leur statut juridique auxquelles elles sont souvent confrontées. S’assurer de faire entendre des voix diverses et représentatives de réfugiés au cours des discussions mondiales est en soi un défi lorsqu’une grande partie de ce dialogue prend place à Genève ou à New York, où l’accès est limité à ceux qui se trouvent déjà en Europe ou en Amérique du Nord ou qui disposent de documents et de ressources pour voyager. Les réfugiés qui se trouvent dans des centres de détention, dans des contextes de protection où il existe des risques réels de s’exprimer, ceux qui ont moins d’opportunité de développer des compétences importantes dans un contexte de prise de décision politique et dont l’existence est une lutte quotidienne ont encore moins de chance de pouvoir participer.

Au cours du Sommet, les discussions autour de la participation et de la capacité d’agir ont été centrées sur les questions suivantes :

De quel type de participation parlons-nous ? Comment la participation peut-elle devenir plus effective ? Quel type de processus organisationnel ou structuré pourrait être viable et efficace ? Quels types de relations aimerions-nous établir avec les parties prenantes et les autres acteurs décisionnaires ? Comment pouvons-nous transformer les efforts des réfugiés et leurs processus organisationnels en quelque chose de viable dans la durée ?

Le Sommet a donné l’occasion aux dirigeants de réfugiés de développer des réseaux et d’échanger des idées et a conduit à plusieurs succès importants :

  • Les organisations issues de la communauté réfugiée, les initiatives et les « faiseurs de changement » à travers le monde se sont engagés à mettre en place avant fin 2018 un réseau représentatif – une plate-forme internationale inclusive visant la participation et l’autoreprésentation des réfugiés. Ce réseau mondial œuvrera à la création d’un mécanisme de surveillance indépendant chargé d’évaluer les progrès en matière de participation et de réalisation des droits des réfugiés.
  • Garantir la possibilité de participation des organisations et des réseaux de réfugiés à tous les niveaux (local, fédéral, régional et international) de manière à représenter les préoccupations des populations réfugiées au sein des forums politiques et de prise de décisions relatifs au déplacement forcé, en particulier lors du Forum Mondial des Réfugiés de 2019 et de ses réunions ultérieures, ainsi que de tous autres organes de prise de décisions qui influent sur leur vie.
  • Faire en sorte que tous les acteurs impliqués dans la protection internationale s’efforcent activement d’inclure de manière significative les organisations et les initiatives de réfugiés en tant que partenaires égaux et leur donnent les moyens de participer à la recherche de solutions au déplacement forcé. Ceci inclut des considérations de durabilité à travers l’attribution de ressources, de moyens pour soutenir le travail des dirigeants au sein des organisations et des réseaux de réfugiés, et pour répondre aux demandes de renforcement des capacités, et l’analyse et la résolution des obstacles à la participation.

 

Des recommandations détaillées sont décrites dans le document de synthèse sur la discussion politique et les résultats du sommet (Summit’s Policy Discussion and Outcomes Paper [1]). Le Comité directeur du Sommet mondial des réfugiés invite les commentaires et les réactions, et se réjouit d’avance de coopérer avec l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), les ONG et les partenaires locaux en vue d’adopter les mesures nécessaires menant à une approche plus inclusive et plus participative et fondée sur les droits de l’homme de l’élaboration des politiques pour les réfugiés. Plusieurs réunions régionales du Sommet mondial des réseaux de réfugiés sont déjà prévues et auront lieu avant la fin de l’année 2018.

 

Mauricio Viloria et Diana Ortiz
Red de Victimas Colombianas por la Paz en Latinoamérica y el Caribe (REVICPAZ-LAC)

Najeeba Wazefadost
Hazara Women of Australia/Australian National Committee on Refugee Women

Mohammed Badran
Network for Refugee Voices/Syrian Youth Volunteers – Netherlands

globalsummit4refugees@gmail.com www.networkforrefugeevoices.org

 

[1] www.networkforrefugeevoices.org/global-summit-of-refugees

 

 

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