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Al-Shabaab et sa responsabilité de protéger les civils en Somalie

Le rôle de ces groupes et les conséquences de leurs actions sur le bien-être des civils ont été invariablement et incroyablement défavorables. Malheureusement, la responsabilité de ces groupes concernant la protection des civils est largement ignorée, et leur notoriété est surtout due aux préoccupations de l’Ouest pour le terrorisme, la piraterie et la sécurité plutôt que pour la protection des civils.

Le rôle de ces groupes et les conséquences de leurs actions sur le bien-être des civils ont été invariablement et incroyablement défavorables. Malheureusement, la responsabilité de ces groupes concernant la protection des civils est largement ignorée, et leur notoriété est surtout due aux préoccupations de l’Ouest pour le terrorisme, la piraterie et la sécurité plutôt que pour la protection des civils.

Les stratégies parfois contradictoires employées par les acteurs régionaux et la communauté internationale ont jusqu’alors porté principalement sur le renforcement de la légitimité et des capacités du Gouvernement fédéral de transition (GFT); l’identification et la mise au ban des militants en tant que groupes « terroristes »; l’expansion de la fourniture d’aide humanitaire même si cela signifie de travailler avec des réseaux et des groupes qui violent les droits humains des civils ; et les tentatives de rétablir la paix et la sécurité, y compris en soutenant la jeune mission de maintien de la paix en Somalie de l’Union africaine (AMISOM). Toutefois, récemment, certains de ces acteurs ont pris des mesures – même si elles restentfragmentées et de portée limitée – pour se concentrer sur la protection des civils, dont ceux qui ont dû fuir de chez eux.

La poursuite des hostilités entre des groupes tels que al-Shabaab et Hizbul Islam, ainsi que la faiblesse du GFT et de ses alliés militaires, continuent de provoquer la mort de nombreux civils et le déplacement de centaines de milliers d’autres loin de leur maison et de leurs moyens de subsistance. Par exemple, en janvier 2010, plus de 25 000 civils ont été déplacés par les combats pour le contrôle de la ville de Beledweyne dans le centre de la Somalie.

Bien qu’il ne soit pas le seul coupable, al-Shabaab n’a montré aucune vergogne pour utiliser les civils comme boucliers humains; recruter les enfants et les jeunes; lancer des attaques-suicide; interpréter la charia en imposant dessanctions extrêmes même pour des délits mineurs; attaquer et intimider les journalistes, travailleurs humanitaires et soldats de la paix; et imposer des restrictions indues à l’accès humanitaire.

L’ONU et les autres organisations humanitaires dirigent leurs opérations hors de la Somalie, principalement du Kenya, en comptant énormément sur les citoyens somaliens pour fournir l’aide à l’intérieur de la Somalie. Selon l’ancien Représentant spécial du Secrétaire-général pour les droits humains des PDI, cette approche expose le personnel local à des risques disproportionnés et sera intenable à long terme.

Bien que les régions autonomes du Somaliland et du Putland aient été épargnées par certaines des pires violations des groupes armés, elles sont dorénavant de plus en plus infiltrées par ces derniers ; en conséquence, les autorités forcent les PDI à retourner en Somalie car elles redoutent que les forces d’al-Shabaab se tapissent parmi les déplacés. Ces groupes armés cherchent également à élargir leur horizon au-delà de la Somalie, recrutant de plus en plus fréquemment parmi la diaspora somalienne.


Sanctions et responsabilité

En avril 2010, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté des sanctions ciblées contre al-Shabaab en raison des entraves qu’il impose à l’aide humanitaire. La Résolution 1844 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée en novembre 2008, a élargi l’embargo sur les armes en y ajoutant des sanctions ciblées contre ceux qui empêchent ou obstruent la fourniture de l’assistance humanitaire. Le Groupe de surveillance des sanctions contre la Somalie a présenté une liste d’individus et d’entités qui devraient être ciblées par les sanctions.

La désignation de tels groupes en tant qu’organisations terroristes et l’imposition de sanctions, y compris le gel de leurs actifs financiers, entraîne des conséquences opérationnelles spécifiques pour ceux qui essaient d’élargir « l’espace humanitaire » en s’engageant auprès de ces groupes. Dans de nombreuses situations, al-Shabaab a demandé aux organisations humanitaires de signer des accords qui permettraient à ces dernières de distribuer l’aide ; toutefois, une telle relation risque d’instrumentaliser l’aide à des fins politiques et de saper les efforts qui visent à rendre ces groupes responsables de leurs méfaits. Le 19 mars 2010, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la Résolution 1916 qui supprimait les restrictions sur les fonds « nécessaires pour garantir la provision en temps voulu d’assistance humanitaire dont la Somalie a urgemment besoin ». Cette résolution a été prise pour garantir que les opérations humanitaires menées dans les zones contrôlées par al-Shabaab et Hizbul Islam ne puissent être interprétées comme des opérations qui violent les sanctions de l’ONU si les organisations humanitaires sont forcées de verser des sommes d’argent aux insurgés.
Plusieurs évolutions sont en cours qui visent à forcer les groupes armés de Somalie, dont al-Shabaab, à se porter responsables de leurs actes. Parmi ces évolutions, l’on peut citer la reprise des discussions sur la Somalie par le Conseil des droits de l’homme; le renforcement du rôle de l’Expert indépendant 1; le projet du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) de documenter les violations des droits humains; la décision de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples de mener une mission d’établissement des faits en Somalie; l’attention accrue portée à la protection des civils par le Conseil de sécurité de l’ONU et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine; la possibilité d’une justice transnationale ou de mécanismes de responsabilité transnationaux grâce à une enquête internationale ou une intervention possible de la Cour pénale internationale ; et l’inclusion de l’impunité et de la responsabilité dans les pourparlers actuels sur les modalités constitutionnelles pour la Somalie post-GFT.

Récemment, le Conseil de sécurité a peaufiné et renforcé ces mesures. Par exemple, en 2010, il a organisé un « dialogue interactif indépendant » sur la situation des droits humains en Somalie, qui a réuni le Représentant spécial du Secrétaire général (RSSG) pour la Somalie, l’Expert indépendant, des représentants d’agences de l’ONU, de gouvernements et du GFT et d’AMISOM. 2 Le dialogue a abouti, entre autres, sur une résolution condamnant les attaques d’al-Shabaab et Hizbul Islam sur les civils, les travailleurs humanitaires et les soldats de la paix ; exprimant ses préoccupations pour les souffrances des personnes déplacées par les conflits ; appelant à la création d’un meilleur mécanisme de responsabilité ; et exhortant l’Expert indépendant et le RSSG à collaborer plus étroitement. 3

Le HCDH a récemment annoncé qu’il va commencer à documenter les violations des droits humains, y compris celles commises par des groupes militants.
                                                                                                                                                                 
Tous les efforts régionaux et internationaux en Somalie ont cherché à résoudre le problème de l’impunité mais avec un succès très limité. Le processus d’élaboration de la constitution, financé par la communauté internationale, considère l’impunité comme l’une des questions à traiter mais, à ce jour, les mécanismes de responsabilité n’ont pas donné de résultats tangibles – et il est peu probable que l’établissement d’une justice pénale internationale puisse apporter des solutions dans un contexte où le cadre national est extrêmement affaibli. Le besoin de mettre fin à l’impunité doit toutefois demeurer l’un des thèmes principaux du nouveau débat constitutionnel, afin de réfléchir l’engagement politique des parties prenantes.


Conclusions
Bien que toutes les parties du conflit prolongé en Somalie aient enfreint les droits humains et le droit humanitaire, les groupes armés continuent de commettre des crimes à grande échelle qui ôtent la vie à des milliers d’innocents et entraînent le déplacement de centaines de milliers de civils. Ces groupes menacent et attaquent directement les organisations humanitaires et les soldats de la paix. Ils ont aussi entravé l’assistance humanitaire en limitant les opérations des organismes humanitaires et parfois même en les expulsant hors de Somalie. Il s’est avéré extrêmement difficile de tenir al-Shabaab et ses alliés responsables de ces violations, mais les évolutions récentes semblent présenter plusieurs possibilités réelles de mettre en lumière l’incapacité d’al-Shabaab à garantir la protection des civils, et de perfectionner les instruments permettant de le tenir responsable de ses actes.

 

Allehone Mulugeta Abebe (allehone@gmail.com) est chercheur en doctorat à l’Université de Berne, en Suisse. Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de l’auteur et ne représentent pas forcément ceux des organisations auxquelles il est affilié.

1 Nommé par le Secrétaire Général de l’ONU sur la situation des droits humains en Somalie http://ap.ohchr.org/documents/dpage_e.aspx?m=48

2 Dialogue interactif indépendant sur la Somalie, 29 septembre 2010, disponible sur http://www.ohchr.org/en/countries/africaregion/pages/soindex.aspx.

3 Résolution 15/28 du Conseil de sécurité de l’ONU sur l’Assistance à la Somalie dans le domaine des droits humains, 7 octobre 2010.

 

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