Choix de solutions de refuge en Somalie

Donner aux futurs résidents des refuges le choix du style de bâtiment et les impliquer dans sa construction permet de les autonomiser et de renforcer leurs capacités.

En Somalie, les défis humanitaires complexes, multidimensionnels et interdépendants demandent des réponses tout aussi complexes pour renforcer la résilience des Somaliens. Le Groupe sectoriel Abris en Somalie (Somalia Shelter Cluster, SSC) et ses partenaires ont de tout temps fourni une aide d’urgence aux nouvelles personnes déplacées. Toutefois, comme les conditions générales en matière de sécurité se sont progressivement améliorées depuis début 2013, les membres du SSC peuvent aujourd’hui accorder davantage d’importance à des solutions d’abri plus solides et durables pour les personnes en situation de déplacement prolongée. À cette fin, le SSC a identifié quatre éléments clés à considérer : le régime foncier, l’aménagement urbain et le développement de moyens de subsistance, l’engagement du secteur privé et les solutions durables.

Le régime foncier est le plus problématique, la Somalie comptant 1,1 million de personnes déplacées de l’intérieur (PDI), souvent établies dans des abris de fortune et fortement exposées au risque d’expulsion forcée. Dans les centres urbains, qui attirent un grand nombre de PDI, les acteurs humanitaires et du développement ont entamé un dialogue avec leurs homologues des pouvoirs publics en vue de planifier des initiatives visant à éviter la dégradation de l'environnement et l’apparition de bidonvilles.

Reconnaissant l’importance d’investir également dans des solutions d’abri pour le retour des réfugiés, les partenaires du SSC ont commencé à déployer des activités visant à éviter les tensions entre les rapatriés, la population urbaine pauvre et les groupes de PDI déjà présents localement. Celles-ci revêtent la forme de programmes intégrés étroitement liés à l’infrastructure d’eau et d’assainissement, ainsi qu’aux secteurs de l’éducation, de la santé, de la protection et des moyens de subsistance. Elles offrent également de nombreuses possibilités de collaboration avec le secteur privé de la construction afin de soutenir une approche durable pour les populations pauvres et les populations déplacées.

L’expérience de Dollow

À Dollow, où les PDI continuent d’arriver, des consultations et un dialogue approfondis et de longue haleine avec les autorités locales, les ainés de la communauté et les responsables du camp de PDI ont permis d’identifier les ménages les plus vulnérables, tant dans les camps de PDI que dans la communauté d’accueil, afin de favoriser la cohésion sociale. Les autorités locales ont garanti que des terres seront mises à disposition des PDI bénéficiaires sélectionnées et que les modalités du régime foncier les protégeront contre les expulsions, sans permettre toutefois la vente ou le transfert des propriétés.

Dans l’un des programmes dirigés par un membre du SSC, des prototypes de refuge de différents types ont été construits, chacun pour un budget semblable. Les bénéficiaires ont ensuite été informés de leurs différentes caractéristiques afin qu’ils puissent choisir eux-mêmes un type de refuge en fonction de leurs besoins et de leurs préférences. Les trois différents prototypes étaient fabriqués en blocs de ciment, en blocs de terre stabilisée et en tôle ondulée. Moins de 20 % des bénéficiaires ont opté pour la maison en ciment ; les autres ont préféré la maison en tôle ondulée, de plus grande taille, qui offrait suffisamment d’espace et d’intimité, les deux principaux facteurs déterminants de leur choix. Il serait utile de conduire une recherche plus approfondie pour mieux comprendre les choix des bénéficiaires.

À des fins d’autonomisation, les membres de la communauté ont participé à la construction de leur propre maison, ce qui leur a permis d’acquérir d’importantes compétences (et donc d’améliorer leurs moyens de subsistance) ainsi qu’un plus fort sentiment d’appropriation.

L’expérience de Kismaayo

Un autre projet entrepris par les partenaires du SSC s’est déroulé dans la ville de Kismaayo où, en 2013, la plupart des PDI vivaient dans d’anciens bâtiments publics ou s’étaient installées sur des terres appartenant à l’État. Après la vague d’expulsion visant à libérer un certain nombre de ces établissements publics, leur situation déjà difficile s’est encore aggravée. À partir de 2014, les homologues des autorités locales ont travaillé en étroite collaboration avec le SSC et ses membres dans l’objectif de trouver des solutions foncières durables. Initialement, des terres avaient été allouées de manière permanente, mais les PDI les avaient jugées à la fois trop éloignées et dangereuses ; finalement, fin 2015, l’administration a réussi à trouver un terrain permanent adapté en périphérie de la ville.

Pour promouvoir un choix éclairé, deux types de modèles ont été pilotés dans la zone, en se basant sur la tradition architecturale locale qui exploite les ressources disponibles localement, puis en les adaptant aux contraintes sociales, au climat et aux risques naturels. Les programmes de construction manquent souvent de prendre en compte le potentiel de la tradition architecturale, alors même que les solutions basées sur la culture locale aident à mettre les bénéficiaires au centre du processus de prise de décisions. Après avoir testé le sol et analysé la qualité des blocs de terre stabilisée, une maison pilote en blocs de terre a été construite dans l’une des communautés autour du site de réinstallation. Un autre modèle en contreplaqué a également été construit pour un coût semblable, afin d’offrir un plus grand choix aux bénéficiaires.

Les chefs des communautés d’accueil et de PDI ont été invités à visiter le projet et donner leurs avis. À une écrasante majorité, les communautés ont choisi la maison en blocs de terre plutôt que celle en contreplaqué ; elles ont ensuite participé à la construction de leur maison. Grâce aux activités connexes de formation et de renforcement des capacités, plusieurs petites entreprises ont vu le jour, tandis que d’autres membres de la communauté emploient les personnes ainsi formées pour construire de nouvelles habitations ou des extensions aux logements existants.

 

Gregg McDonald MCDONALG@unhcr.org
Point focal mondial pour la coordination (Abri), HCR (Agence des Nations unies pour les réfugiés) www.unhcr.org

Martijn Goddeeris martijngoddeeris@yahoo.com
Chef de projet, Building Resilient Communities in Somalia

 

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