Abris collectifs : inadaptés en situation de déplacement

Les abris collectifs apparaissent comme une solution d’hébergement inadaptée, même lorsqu’une crise survient soudainement, car ils posent des problèmes de dignité et de sécurité, et ont d’importantes répercussions sur le plan sanitaire.

Entre mai 2015 et décembre 2016, plus de 200 000 réfugiés burundais ont fui en Tanzanie. Le camp de Nyarugusu existait déjà et abritait plus de 60 000 réfugiés congolais depuis près de 20 ans, et c’est donc vers ce camp que les premiers réfugiés burundais ont été dirigés à leur arrivée. La première vague de réfugiés arrivant dans le camp a été hébergée dans des écoles, puis la seconde, dans des abris collectifs qui accueillaient déjà quelques centaines de demandeurs d’asile congolais. Bien que le séjour dans ces centres de transit ne doive pas dépasser cinq jours et qu’en théorie, tous les habitants étaient censés être rapidement réinstallés dans un abri mieux adapté dans le même camp ou un autre, certains réfugiés y ont en fait été hébergés pendant plus de 12 mois.

Ces abris collectifs sont soit des tentes de 240 m² de type hangar (conçues principalement à des fins de stockage) soit des abris de 300 m² composés de poteaux en bois recouverts d’une bâche en plastique. Chaque abri héberge entre 100 et 400 personnes, ce qui correspond en moyenne à un espace de vie inférieur à 2 m² par personne, largement en deçà de la norme minimale de 3,5 m² préconisée pour les climats chauds. Les personnes hébergées vivent en dehors de l’abri pendant la journée et dorment à l’intérieur pendant la nuit.

Au cours d’une évaluation commanditée en 2016 par Médecins sans frontières (MSF) pour tirer les enseignements de la phase d’urgence de son intervention dans le camp, les réfugiés se sont plaints qu’aucune intimité n’était possible dans ce type d’abri, ce qui avait un impact négatif sur leur santé mentale. Selon les témoignages, la situation était devenue particulièrement intolérable pour les personnes qui y résidaient depuis plusieurs mois. Le personnel de MSF et d’autres agences ont décrit ces abris collectifs comme inacceptables sur le plan de la dignité, de la sécurité et des conditions d’hygiène. Étant donné le caractère limité de l’espace de vie, la surpopulation et l’insuffisance des installations d’eau et d’assainissement, cette population était également extrêmement vulnérable à la propagation de diverses maladies infectieuses telles que la rougeole, les maladies diarrhéiques et les infections cutanées.

Pendant la saison des pluies, il était évident que les personnes vivant dans des abris collectifs étaient particulièrement vulnérables au paludisme. Les cliniques MSF situées à proximité de ces abris traitaient un nombre beaucoup plus élevé de patients atteints du paludisme que les autres cliniques du camp. Les fuites dans les tentes, le surpeuplement et les flaques d’eau stagnante autour des abris contribuaient également au taux de transmission élevé de cette maladie. Malheureusement, il était quasiment impossible d’utiliser des moustiquaires dans les abris collectifs en raison de l’espace limité et de la difficulté à fixer les filets aux structures, si bien que les résidents n’étaient pas protégés contre les vecteurs de maladie.

Cette situation s’est finalement améliorée en décembre 2016, lorsque la plupart des résidents ont été déplacés des tentes communes vers des abris familiaux. Les problèmes administratifs et politiques avaient empêché MSF d’installer des tentes familiales temporaires ou des abris familiaux avant que le HCR (le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés) ne puisse proposer aux résidents des abris collectifs un logement plus convenable.

Tirant les leçons de Nyarugusu, avant que les réfugiés n’arrivent dans le camp nouvellement ouvert de Nduta, MSF y a installé 2 000 tentes conçues pour héberger une famille de cinq et équipées de parois internes. Ces tentes familiales accordaient aux réfugiés une plus grande intimité, une meilleure protection contre les intempéries et les insectes, et des conditions d’hygiène bien supérieures à celles des abris collectifs. Cependant, cette solution de logement était relativement coûteuse en raison du prix élevé du transport et du cycle de vie réduit des tentes. Certains réfugiés se sont également plaints du manque de flexibilité des tentes familiales vis-à-vis de l’accueil des réfugiés célibataires ou des familles incomplètes, qui étaient souvent obligés de partager leurs tentes avec de parfaits inconnus.

Quelques semaines après l’ouverture du camp, des abris familiaux fabriqués avec des bâches en plastique et des matériaux locaux ont été installés par d’autres ONG dans le reste du camp, chaque abri ayant été adapté à la taille de la famille concernée, si bien qu’ils étaient plus polyvalents que les tentes. Grâce à l’utilisation de matériaux locaux, le coût de ces abris familiaux était considérablement inférieur à celui des tentes. De surcroît, les bénéficiaires pouvaient utiliser ces matériaux pour construire des abris plus permanents.

Conclusion

Grâce à des actions coordonnées, la plupart des résidents des abris collectifs, y compris ceux qui ne disposaient pas d’un véritable statut de réfugié, ont fini par être relogés dans des structures d’hébergement plus convenables. Les tentes familiales et les abris familiaux fabriqués avec des bâches en plastique et des matériaux locaux constituent des solutions alternatives aux abris collectifs en Tanzanie. D’une part, ces tentes familiales étaient une solution acceptable dans le camp de Nduta, où la rapidité du déploiement constituait le principal objectif. Mais d’autre part, des abris familiaux moins coûteux, plus flexibles et réutilisables semblaient être mieux adaptés à la situation chronique du camp de Nyarugusu. 

Il convient donc de tenir compte du coût, de la rapidité de déploiement et de la durée de vie prévue, mais aussi de l’acceptabilité et de la flexibilité d’adaptation à des familles ou des groupes de composition variable, afin de décider des types d’abris particuliers qui seront utilisés dans différents contextes. Le plus important est d’éviter que les abris collectifs, servant initialement de centre de transit pour une durée acceptable ne dépassant pas quelques jours, ne se transforment en structures d’hébergement à moyen terme.

 

Alena Koscalova alena.koscalova@gmail.com
Évaluatrice principale et conseillère en médecine tropicale, Médecins Sans Frontières www.msf.org

Yann Lelevrier yann.lelevrier@yahoo.fr
Évaluateur et consultant, préparation et intervention d’urgence

Cet article se base sur les conclusions d’une évaluation commanditée par MSF, sur laquelle les deux auteurs ont travaillé. Les points de vue exprimés ici sont les opinions personnelles des auteurs et ne cherchent pas à représenter celle de MSF.

 

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