Protéger les personnes handicapées en Afghanistan

Les personnes chargées de traiter les demandes d’asile doivent tenir compte des préoccupations propres aux demandeurs d’asile afghans handicapés et de leurs perspectives s’ils sont rapatriés.

En 2013, un demandeur d’asile afghan sévèrement handicapé a été rapatrié en Afghanistan depuis le Royaume-Uni. Selon lui, le manque de services sociaux adaptés aux personnes handicapées en Afghanistan était tel qu’il pouvait être assimilé à un traitement inhumain ou dégradant, conformément à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Toutefois, comme l’Afghanistan s’est doté d’un Plan d’action national pour les personnes handicapées[1] et qu’une partie de la famille du demandeur vivait en Afghanistan, le tribunal de la CEDH a rejeté sa demande basée sur un risque éventuel de traitement inhumain ou dégradant.[2]

Dans une autre affaire récente (Szilvia Nyusti, Péter Takács et Tamás Fazekas contre la Hongrie[3]), les demandeurs souffraient d'une sévère déficience visuelle. Ils étaient incapables d’utiliser les distributeurs automatiques de leur banque en Afghanistan sans assistance. Ainsi, selon le Comité des droits des personnes handicapées, ce manque d’accessibilité aux distributeurs était un signe de l’incapacité de l’État à remplir les obligations prévues par l’article 9 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Le Comité a donc recommandé à l’Afghanistan de mettre en place un cadre législatif et de définir des étapes-clés concrètes, applicables et assorties de délais précis pour suivre et vérifier que les institutions financières privées modifient et ajustent progressivement leurs services bancaires afin de les rendre plus accessibles.

En 2005, une enquête menée en Afghanistan par Handicap International a révélé qu’un ménage afghan sur cinq incluait une personne handicapée. En raison des nombreuses années de conflit, caractérisées notamment par l’usage indiscriminé de mines antipersonnel[4], mais aussi du manque d’infrastructure, on dénombre aujourd’hui une vaste population de personnes handicapées qui peine à accéder aux soins de santé, aux services de réhabilitation, à l’éducation et à l’emploi. Dans ce contexte, les personnes chargées de traiter les demandes d’asile doivent tenir compte des préoccupations propres aux demandeurs d’asile afghans handicapés et de leurs perspectives s’ils sont rapatriés. Comme l’a observé le Comité, même si l’accessibilité peut uniquement être mise en œuvre de manière graduelle, les États parties devraient tout de même définir des calendriers de mise en œuvre précis et affecter les ressources nécessaires pour éradiquer les obstacles actuels. Et tant que ce ne sera pas le cas en Afghanistan, des demandes d’asile au motif d’un traitement inhumain ou dégradant continueront d’être présentées.

Andreas Dimopoulos Andreas.Dimopoulos@brunel.ac.uk est maître de conférences en Droit à la Brunel University, au Royaume-Uni. www.brunel.ac.uk/law



[2] SHH contre le Royaume-Uni http://tinyurl.com/SHHvUK

[4] L’Afghanistan est le pays du monde où l’on dénombre le plus de mines antipersonnel.

 

 

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