Fier d’être Tunisien

L’année dernière, la guerre civile en Libye a pris le monde par surprise.  Personne n’y était préparé, et moins encore le pays voisin, la Tunisie qui se trouvait immergée dans sa propre révolution.  Dès le 27 février, plus de 10 000 personnes traversaient chaque jour la frontière entre la Tunisie et la Libye. La réponse de la Tunisie a été de maintenir sa frontière avec la Libye ouverte, et les Tunisiens partout dans le pays se sont mobilisés pour aider les milliers d’étrangers qui arrivaient sur leur territoire dans des conditions désespérément difficiles. 

Les Tunisiens qui voulaient contribuer à l’effort d’assistance, l’ont fait par tous les moyens, d’une compagnie qui s’est mise à  fournir d’énormes quantités de lait  à une dame âgée prenant le bus pour apporter de la nourriture cuisinée à la maison à des réfugiés. Des employés qui travaillaient pour une compagnie de transport ont pris l’initiative de mobiliser une flotte de véhicules pour transférer les personnes arrivant de Libye vers des abris, vers l’aéroport de Djerba et vers d’autres endroits en Tunisie. Des abris de nuit  ont été improvisés dans des écoles, des centres de loisirs et des auberges.

Un médecin a parcouru des centaines de kilomètres pour apporter ses services. Il ne s’est   pas découragé lorsqu’il a découvert que la politique du Croissant-Rouge tunisien était de ne pas recruter de nouveaux bénévoles non formés en pleine intervention humanitaire. Il a alors décidé de faire une donation personnelle pour contribuer à l’effort d’assistance et s’est mis à collecter les déchets laissés par les foules de passage.     

Hafedh, un bénévole du Croissant-Rouge tunisien a des souvenirs particulièrement vifs d’un cuisinier tunisien qui est arrivé au camp de Shousha. Ce cuisinier avait apporté du pain et du riz qu’il avait préparé à l’avance, il ne prévoyait de rester qu’une seule journée à Shousha. « Mais la vue de milliers de personnes exténuées, traumatisées et affamées, l’a ému et l’a fait revenir le lendemain avec ses amis », explique Hafedh. « Ce groupe de cuisiniers bénévoles a dressé une tente… et s’est mis à préparer des repas pour les résidents du camp. Ils ont fourni des repas cuisinés pour le camp pendant deux semaines en utilisant les provisions que leur apportaient les habitants de l’endroit. Ensuite, le Comité international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge les a financé, et c’est comme cela que la cuisine principale de Shousha est née, fournissant de 23 à 28 000 repas par jour ».  

A Tataouine, la province la plus méridionale de Tunisie, les Tunisiens ont accueilli près de 80 000 Libyens dans leurs maisons au prix de difficultés personnelles non négligeables lorsqu’ils ont vu leurs factures de services publics monter en flèche. Lorsque les représentants de l’UNHCR ont offert une assistance aux familles tunisiennes pour couvrir leurs factures d’eau, de gaz et d’électricité, bon nombre d’entre eux se sont sentis offensés et ils ont répondu : « Nous n’attendons aucune compensation ». L’UNHCR a donc conclu un accord avec les compagnies tunisiennes de services publics pour pouvoir apporter directement des subventions. 

Ces énormes manifestations de générosité de la part des Tunisiens ont eu lieu sans consignes et sans orchestration – les gens tout simplement ont agi, en répondant non par peur mais avec compassion. 

 

Elizabeth Eyster eyster@unhcr.org est Représentante adjointe, Houda Chalchoul chalchou@unhcr.org est Assistante juriste et Carole Lalève laleve@unhcr.org est Chargée de la communication du bureau de l’UNHCR en Tunisie.

 

Le camp de transit de Shousha a été établi à Ras Jdir, à 7 km de la frontière entre la Tunisie et la Libye, pour accueillir les personnes qui fuyaient la Libye. En juin 2012, juste un peu moins de 3 000 réfugiés s’y trouvent encore en attente d’une solution durable.

 

 

 

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