La réinstallation est une nécessité pour les réfugiés en Tunisie

Alors que la Tunisie vit un changement politique, social et économique étendu, il devient impératif d’atténuer le fardeau del’accueil des personnes qui fuient la Libye et sont dans l’incapacité de retourner dans leurs pays d’origine.

Les pays voisins de la Libye, n’étaient pas en mesure de fournir plus qu’un refuge temporaire à ces nombreuses personnes qui ont vécu des déplacements multiples depuis leurs pays d’origine ou d’autres pays d’asile antérieurs.   

« Je suis ravie mais aussi anxieuse », dit Tigi[1], une femme érythréenne de 21 ans qui vit dans le camp de Shousha dans le sud de la Tunisie depuis les premiers jours de la guerre en Libye et qui a été sélectionnée dans le cadre d’un programme de réinstallation en Australie. Elle a fui son pays lorsqu’elle avait 15 ans, d’abord au Soudan et ensuite en Libye. « La vie en Libye était très dure. Je travaillais comme domestique ».

Musse a eu moins de chance. Il vient aussi d’Erythrée, mais sa demande de réinstallation en Norvège ou aux Etats Unis a été refusée et sa vie se résume à attendre. « Retourner maintenant en Libye n’est pas une option. Les Africains subsahariens y sont détenus et torturés ». Certains de ses amis sont retournés en Libye pour  s’embarquer à destination de l’Europe. « Maintenant, ils  sont en Italie. Ici dans le camp nous devons attendre une solution qui tarde énormément, c’est pourquoi, eux ont opté pour une solution rapide. Nous sommes jeunes mais le temps est contre nous ». En parlant à ces jeunes hommes, on se rend compte à quel point ils sont nombreux à être disposés à risquer leur vie en prenant un bateau pour Lampedusa ou Malte. Beaucoup d’entre eux disent : « L’alternative c’est Shousha, alors qu’est-ce que je peux bien avoir à perdre ? ».

Un séjour prolongé dans le camp de Shousha comporte des risques considérables pour les familles avec de jeunes enfants, les mineurs non accompagnés, les personnes souffrant de maladies graves et les autres personnes vulnérables. Pour l’instant, la réinstallation est la seule solution durable réaliste pour les réfugiés de Shousha. Mais jusqu’à présent il n’y a eu qu’un nombre limité de réponses de la part de pays européens offrant des places de réinstallation pour des réfugiés vivant dans le camp de Shousha, et la majorité des cas ont été soumis aux Etats-Unis. Cependant, le temps plus long de traitement qu’imposent les États-Unis (le délai normal est de 6 à 12 mois avant le départ) soumet les cas vulnérables à des difficultés conséquentes. En outre, certains réfugiés du camp de Shousha seront considérés comme inéligibles pour une réinstallation aux Etats-Unis en vertu d’une approche restrictive qui concerne les personnes perçues comme affiliées à certains groupes d’opposition. Il est donc impératif de trouver des solutions alternatives pour ces individus.

Un nombre de plus en plus important de personnes, parmi celles qui se trouvent bloquées à Shousha, retournent en Libye en dépit des risques sérieux qu’elles y courent, afin de pouvoir s’embarquer sur des bateaux à destination de l’Europe et entreprendre une traversée périlleuse. Thomas du Nigéria explique : « Arriver à Lampedusa est une question de chance. Si tu échoues, voilà ; si tu réussis, tout va bien.[2] Il faut avoir du courage dans la vie pour continuer à aller de l’avant. Ici nous sommes coincés… mais comment pourrions-nous retourner au Nigéria les mains vides ? Nos familles ont payé pour que nous puissions gagner de l’argent à envoyer à la maison. Si au moins nous pouvions retourner à la maison avec de l’argent, nous ne nous sentirions pas aussi honteux ». Si l’OIM et l’UNHCR fournissaient une aide financière aux migrants (en plus d’une aide en termes de transport et de documents de voyage), ceux-ci seraient dans une bien meilleure position pour décider s’ils veulent, ou non, retourner chez eux.

Du fait de leur proximité avec la région touchée et de leurs ressources comparativement plus importantes, les États membres de l’UE devraient assumer un rôle de premier plan pour répondre  à la situation particulièrement difficile de ces réfugiés. Les États membres de l’UE ont une lourde responsabilité dans la mesure où  au cours des dernières années, ils ont d’une part, ignoré le bilan en matière de droits humains de la Libye, tout en recherchant d’autre part une  collaboration active avec le gouvernement du Colonel Kadhafi pour endiguer l’afflux d’Africains vers l’Europe. Les politiques de l’UE se sont soldées par des atteintes graves aux droits de l’homme des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants 

L’absence de réponse en matière de réinstallation des pays de l’UE face à la détresse des réfugiés déplacés qui se trouvent au seuil de l’Europe, ne tient aucun compte du fait que certains pays européens, par leur participation aux opérations de l’OTAN en Libye, ont été parties au conflit-même qui a été l’une des causes principales de ces mouvements involontaires de personnes.   

 

Amaya Valcárcel international.advocacy@jrs.net est Coordinatrice du plaidoyer à International Jesuit Refugee Service www.jrs.net

 



[1] Il ne s’agit pas de leurs vrais noms.

[2] En 2011, la Méditerranée détient le record de l’espace maritime le plus mortel au monde : plus de 1 500 personnes y ont péri ou disparu (il est probable d’ailleurs que ces chiffres soient sous-estimés).

 

 

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