Le déplacement des Vénézuéliens : un défi pour le Brésil

Le Brésil doit améliorer l’accueil et l’intégration des Vénézuéliens en fuite.

La crise politique, sociale et économique du Venezuela, qui s’accompagne d’une augmentation des taux de délinquance, a provoqué le déplacement de nombreux Vénézuéliens vers l’État de Roraima, dans le nord du Brésil notamment. Bien que les citoyens vénézuéliens aient le droit de séjourner temporairement au Brésil pendant un maximum de deux ans (conformément à une récente résolution concernant les membres associés du MERCOSUR), la plupart d’entre eux ne sont pas au courant de cette possibilité ou sont dissuadés par les coûts impliqués. Ils déposent plutôt une demande d’asile, qu’ils y aient droit ou non, puisque cela leur permet d’accéder aux services publics et de recevoir un permis de travail.

Entre janvier et juin 2017, 5 787 demandes d’asile (Vénézuéliens compris) ont été déposées dans l'État de Roraima, soit 3 500 de plus que pour toute l’année 2016 ; parallèlement, selon les autorités du Roraima, plus de 30 000 personnes ont traversé la frontière au cours des trois mois suivants. Au fur et à mesure que la crise s’aggrave, le nombre de personnes fuyant le Venezuela ne fera que continuer d’augmenter.

La nouvelle loi du Brésil sur la migration (loi no 13445 de 2017) adopte une approche fondée sur les droits, et l’on peut espérer qu’elle fournira de meilleures possibilités d’immigration légale aux personnes ne répondant pas aux critères d’asile, ce qui réduirait ainsi les pressions sur le régime de l’asile du pays. Toutefois, le Brésil a tendance à réagir aux vagues de migration plutôt que de les anticiper, et ne dispose pas d’une politique migratoire lui permettant de répondre adéquatement aux migrants et aux réfugiés déjà arrivés sur son sol. Le gouvernement brésilien a tardé à adopter les résolutions normatives nécessaires pour fournir des visas humanitaires aux Haïtiens suite au séisme de 2010 (résolution no 97 de 2012) et a réagi tout aussi lentement pour offrir un permis de séjour temporaire aux Vénézuéliens (selon la résolution no 126 de 2017), cette dernière résolution n’ayant été émise que sous la pression de la société civile et des organismes publics. Bien que les autorités fédérales aient octroyé des fonds aux États de Roraima et d’Amazonas pour fournir une assistance sociale et des soins de santé aux Vénézuéliens, ces mesures sont loin d’être suffisantes, si bien que les populations de migrants et d’accueil ne bénéficient pas du soutien nécessaire, d’autant plus que ces régions souffraient déjà des défaillances du Brésil en matière de prestation de services publics. 

En tant qu’État partie à la Convention de 1951 relative aux réfugiés et à son Protocole de 1967, le Brésil a pour obligation de mettre en place une structure efficace d’accueil et d’intégration des réfugiés. Toutefois, celle-ci demeure absente. Le manque de politique et de structure migratoires efficaces au Brésil est un choix politique : le gouvernement préfère choisir d’adopter des solutions provisoires, au cas par cas. Cette approche est contraire à la loi et à l’esprit de la Convention de 1951, et c’est pourquoi le Brésil doit améliorer tant l’accueil que l’intégration des migrants et des réfugiés vénézuéliens. En revanche, une approche plus proactive et axée sur le long terme permettra de protéger plus rapidement et plus efficacement les migrants forcés, un aspect particulièrement important à l’heure où le déplacement en provenance du Venezuela ne montre aucun signe de déclin.

 

Helisane Mahlke mahlke.helisane@gmail.com
Chercheuse indépendante

Lilian Yamamoto liukami2014@gmail.com
Chercheuse au Réseau sud-américain pour les migrations environnementales (RESAMA) www.resama.net

 

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