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Le droit au travail des réfugiés

Même si les droits à l’emploi des réfugiés sont, en grande partie, clairement articulés dans les instruments juridiques internationaux, les efforts destinés à appliquer ces droits dans le cadre des législations nationales et des pratiques gouvernementales restent très réduits dans la plupart des pays qui accueillent d’importantes populations de réfugiés. Les éléments recueillis dans les rares pays qui permettent aux réfugiés un accès légal à l’emploi ainsi que dans les contextes dans lesquels les réfugiés travaillent sans autorisation légale, suggèrent sans équivoque que le fait de permettre aux réfugiés d’être employés ou de s’auto-employer est avantageux pour les pays qui les accueillent. Ces bénéfices sont positifs pour les pays hôtes que les réfugiés s’intègrent dans leur pays hôte, qu’ils retournent chez eux (rapatriement), ou qu’ils se réinstallent dans un pays tiers. Des études complémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre quels sont les moyens les plus effectifs en vue d’effectuer la transition entre les camps et d’autres environnements qui restreignent le travail et des approches qui permettent aux réfugiés de participer à l’économie nationale.

Les avantages de permettre le travail des réfugiés

Environ 50 % des réfugiés qui se trouvent dans le monde sont en âge de travailler (de 18 à 59 ans)[1]. Permettre à cette population un accès légal à l’emploi contribuerait à combler des lacunes dans le marché du travail dans les pays hôtes ; s’ils en ont l’opportunité, la plupart des réfugiés travailleront dans n’importe quelle zone géographique et dans n’importe quel domaine du moment que cela leur permet de subvenir à leurs besoins.

La Thaïlande, par exemple, a bénéficié du travail des réfugiés birmans comme travailleurs migrants dans les zones rurales. Même si les Birmans ont longtemps travaillé dans le secteur informel en Thaïlande, le gouvernement a également créé un programme formel d’emploi des migrants qui compte aujourd’hui environ 1,3 millions de travailleurs migrants birmans et une proportion non négligeable d’entre eux correspond à la définition internationale de ce qu’est un réfugié. Il est estimé en outre qu’environ 1 à 1,5 millions de réfugiés birmans et d’autres migrants non enregistrés continuent de travailler sans permis formel. En conséquence, les communautés voisines de la Thaïlande ont connu une réduction de la pauvreté au niveau local et un encouragement de la croissance au niveau régional. En ce qui concerne l’aspect négatif, la Thaïlande ne reconnait pas le statut de réfugié des Birmans employés dans le cadre de ce programme officiel de travail des migrants ce qui signifie que les familles des migrants peuvent pâtir d’une absence de statut légal et de protection, et que d’autre part le statut légal d’un travailleur est limité uniquement à la période pendant laquelle il ou elle est employé(e).

L’impact que la population Birmane a produit en comblant des lacunes sur le marché du travail s’est vu brutalement démontré en 1997, lorsque la Thaïlande a expulsé un nombre important de réfugiés birmans en réponse à la crise financière en Asie. Ces expulsions ont immédiatement été suivies par une augmentation conséquente du nombre de faillites dans les domaines qui ont perdu des travailleurs birmans en nombres importants, la preuve que de nombreuses industries dépendaient d’eux.  

L’Équateur également a tiré avantage de sa population réfugiée en tant qu’apport en capital humain. Depuis 2008, la constitution équatorienne permet aux réfugiés d’être salariés ou de s’auto-employer sur un pied d’égalité avec les ressortissants équatoriens. L’Équateur a connu une croissance économique stable de septembre 2008 jusqu’à présent.

Les réfugiés vietnamiens qui ont fui vers l’Australie ont contribué de manière conséquente à la croissance du commerce entre l’Australie et le Vietnam, de la même manière que la Thaïlande a bénéficié du commerce transfrontalier effectué par les réfugiés birmans. Même si les taux de rapatriement de réfugiés varient en fonction des circonstances, la présence d’une langue et d’une culture communes contribue à la promotion d’un commerce international entre deux groupes, indépendamment de l’état des relations entre les gouvernements respectifs. Même dans le cas de relations hostiles comme entre les États-Unis et Cuba, par exemple, le commerce entre les deux pays s’est établi à la faveur de l’interaction des réfugiés cubains avec leurs compatriotes rapatriés ou restés sur place.

Les réfugiés amènent également des connaissances, des compétences et des formations qui peuvent accroître la valeur des ressources disponibles dans les économies des pays qui les accueillent. Ce sont par exemple des réfugiés qui ont introduit la culture du riz en terrain marécageux en Guinée, tirant ainsi parti de terres considérées comme incultivables. Les réfugiés au Népal ont introduit de nouvelles techniques pour cultiver la cardamone, une importante culture commerciale dans ce pays. Au-delà de l’agriculture, certains réfugiés sont également porteurs de compétences professionnelles ou commerciales. Les politiques qui interdisent l’emploi des réfugiés forcent des personnes qualifiées à l’oisiveté ; les politiques qui autorisent l’emploi des réfugiés permettent à ces personnes d’entretenir leurs qualifications et d’apporter la contribution dérivée de leur formation à leur pays d’accueil. Bien plus, parce que le pays hôte n’a pas eu à payer la formation de ces personnes, les bénéfices recueillis dépassent de loin l’investissement initial.

La ‘manne’ en capital humain que représentent les réfugiés est optimisée lorsque leur est donnée la possibilité de se déplacer vers des centres urbains où davantage d’emplois sont disponibles. Les communautés hôtes engrangent des bénéfices économiques, sous la forme d’emplois nouveaux et d’une augmentation des revenus tirés de l’impôt, qui dépassent grandement les coûts des services sociaux et des mesures de protection de l’environnement supplémentaires[2]. Les réfugiés qui travaillent achètent des biens et des services, ils remettent de l’argent en circulation et favorisent l’économie du pays d’accueil en augmentant la demande locale. 

Vaincre la résistance

Néanmoins, autoriser le travail des réfugiés – et leur permettre la mobilité dont ils ont besoin pour trouver un emploi – reste controversé. Il se peut que les gouvernements hôtes craignent, en permettant le travail et la mobilité des réfugiés de les inciter à rester de manière permanente et potentiellement de changer la culture du pays hôte et/ou d’absorber des ressources. Il est possible également que les gouvernements soient confrontés à des pressions de leurs ressortissants qui craignent un surcroit de concurrence face aux emplois disponibles, particulièrement dans des pays où le chômage est déjà élevé.

Dans la pratique, il est beaucoup plus probable que des réfugiés créent de nouvelles entreprises en comparaison aux ressortissants nationaux, et qu’ils contribuent à augmenter plutôt qu’à réduire le nombre des emplois disponibles. Les réfugiés qui travaillent sont également beaucoup plus susceptibles de repartir volontairement chez eux et d’avoir la capacité financière de le faire, ou de le faire plus rapidement, lorsque les circonstances rendent un retour possible[3]. Ils risquent moins de dépendre économiquement de l’assistance des gouvernements d’accueil ou des nations donatrices pour leur rapatriement, et ils auront probablement davantage de moyens pour subvenir à leurs besoins au moment où ils se réinstalleront chez eux. Ce qui, à son tour, tend à augmenter les capacités du pays d’origine pour accommoder le retour des réfugiés. 

Les arguments en faveur des droits des réfugiés sont irréfutables, tant du point de vue juridique que moral. Néanmoins, les gouvernements qui se trouvent confrontés à toute une série de pressions politiques, économiques et sociales concurrentes, doivent pouvoir démontrer à leurs citoyens que le fait de reconnaitre leurs droits aux réfugiés aura pour effet de favoriser la nation et non de lui nuire. En ce qui concerne les droits au travail des réfugiés, les preuves s’accumulent pour démontrer que les bénéfices augmentent lorsque les réfugiés ont le droit de travailler légalement et sans danger. 

 

Emily E Arnold-Fernández emily@asylumaccess.org est Directrice générale d’Asylum Access www.asylumaccess.org  Stewart Pollock stewartrpollock@gmail.com est étudiant au Hastings College of the Law de l’Université de Californie www.uchastings.edu/ .



[2] Refugee Council of Australia, Economic, Civic and Social Contributions of Refugees and Humanitarian Entrants – literature review, p9, disponible sur : http://tinyurl.com/RefCouncilofAus-Contribution

[3] Voir par exemple,  Paulo Sérgio Pinheiro ‘The Return of Refugees’ or Displaced Persons’ Property’, 12 juin 2002, E/CN.4/Sub.2/2002/17, qui examine l’expérience des réfugiés bosniaques qui tentaient de rentrer chez eux et l’importance de la propriété, www.refworld.org/docid/3d52953c4.html

 

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