La réinstallation des réfugiés polonais après la seconde guerre mondiale

L’adoption de la Loi sur la réinstallation des polonais et la création des différentes agences qui s’y rattachent sont sans aucun doute des réponses sans précédent face au défi d’une migration de masse vers le Royaume-Uni (RU).

Lorsqu’en 1945, à la fin de la seconde guerre mondiale, il est devenu évident que les Forces polonaises et les réfugiés à l’étranger ne pourraient pas retourner dans leur pays d’origine, le gouvernement britannique a endossé cette responsabilité à leur égard. La première étape a consisté à fonder le Polish Resettlement Corps (PRC) en mai 1946. Près de 250 000 soldats polonais soutenant les forces alliées occidentales ont découvert qu’ils ne pouvaient pas rentrer chez eux. Les soldats et les pilotes qui avaient combattu à l’étranger devaient être aidés par le Corps pour rester au Royaume-Uni et s’y intégrer à la vie civile. Servir dans le Corps devait constituer une opportunité pour se former et acquérir une éducation ; il avait été négocié avec les syndicats britanniques que les employés polonais potentiels ne pourraient être recrutés que dans le cadre du PRC et qu’ils pourraient remplir uniquement des postes « approuvés » par le ministère du Travail.

La Loi sur la réinstallation des Polonais de 1947 avait pour but de réinstaller des réfugiés politiques au Royaume-Uni à un moment où le pays était à l’orée d’une période d’augmentation démographique considérable principalement due à l’immigration. Cette loi donnait aux réfugiés polonais se trouvant au RU le droit de travailler et de recevoir des allocations de chômage. La loi définissait également les responsabilités de plusieurs départements gouvernementaux chargés d’assurer des services de santé et d’éducation ainsi que des droits à la retraite pour les Polonais.

La loi a été bien accueillie par le parlement et a été considérée comme un acte de grande maîtrise politique – un acte qui a changé les attitudes de la population à l’égard des étrangers qui arrivaient alors. La loi permettait aux Polonais de s’intégrer au Royaume-Uni fournissant ainsi à l’économie britannique la main-d’œuvre nécessaire pendant cette période de reconstruction de l’après-guerre. Fin 1949, 150 000 soldats polonais et leurs personnes à charge s’étaient installés au RU et leurs descendants continuent de faire partie de la communauté polonaise du RU telle qu’elle existe aujourd’hui. En temps voulu, les réfugiés polonais ont prouvé qu’ils étaient des contributeurs dévoués à la reconstruction de l’économie du Royaume-Uni et ils sont devenus le groupe d’immigrants le plus prospère du pays.

C’était la première fois dans l’histoire de la migration au Royaume-Uni que ce type de législation visant un groupe unique de réfugiés avait été instauré. La loi démontrait qu’en mettant à disposition des ressources adéquates et en répondant de manière positive aux besoins des réfugiés, le processus d’intégration à la société d’accueil pouvait être considérablement facilité.

Une part importante du travail lié à cette loi a impliqué la création de camps de réinstallation pour les Polonais. Des anciens camps de l’armée de terre et de l’armée de l’air ont été utilisés comme hébergement temporaire pour les soldats polonais et leurs familles. Dès le mois d’octobre 1946, quelques 120 000 soldats polonais avaient été cantonnés dans 265 camps à travers le Royaume-Uni. Au fil des années, leurs femmes et leurs autres personnes à charge sont également arrivés en Grande Bretagne pour les rejoindre, ce qui selon les estimations aurait porté le nombre total de réfugiés polonais à plus de 249 000 personnes. Les camps se trouvaient généralement dans des lieux isolés et n’étaient pourvus que de huttes Nissen ou de logements de mauvaise qualité, occupés chacun par plus d’une famille. Les huttes étaient équipées d’éclairage électrique et chauffées par des poêles à combustion lente mais disposaient de peu de ventilation naturelle et de lumière. Néanmoins, pour cette première génération de Polonais les camps sont devenus un symbole de stabilité et ils sont restés dans la mémoire de la seconde génération comme des endroits heureux où vivre en liberté.   

Outre les besoins essentiels des nouveaux arrivants en termes de logement, de santé, de bien-être et d’emploi, la demande éducative était considérable. En 1947, le Comité pour l’éducation des Polonais a été instauré et il était prévu que toutes ses dépenses soient couvertes par des fonds attribués par le parlement. L’objectif principal de ce comité était de « préparer [les Polonais] pour qu’ils puissent être intégrés au système scolaire et professionnel britannique tout en prévoyant des dispositions permettant de répondre à leur souhait naturel de maintenir leur culture polonaise et leurs connaissances de l’histoire et de la littérature polonaises »[1]. Cela impliquait de leur inculquer, en vue de faciliter leur réinstallation ultérieure au Royaume-Uni ou à l’étranger, des connaissances satisfaisantes d’anglais et du mode de vie britannique à travers un enseignement imparti dans des institutions britanniques appropriées. 

Le budget annuel du Comité était estimé à environ 1 million de livres sterling pour sa première année d’existence, et a augmenté jusqu’à atteindre 1,5 millions pour l’année 1948/49. Pendant les sept années et demie de son existence les dépenses du Comité ont totalisé neuf millions de livres.

Sans grande surprise, pour la première génération l’expérience de leur installation et de leur adaptation s’est avérée plus dure et plus longue que prévue. Toutefois, pour les Polonais plus jeunes, la voie de l’adaptation, de l’intégration et même de l’assimilation progressive est devenue un processus bien plus naturel, et les dispositions en termes d’éducation les y ont énormément aidés. L’apprentissage de l’anglais est devenu l’étape essentielle pour atteindre cet objectif ambitieux.

À partir de mars 1948, le ministre britannique de l’Intérieur (Home Secretary) a annoncé que les demandes pour devenir des citoyens britanniques des anciens soldats polonais seraient acceptées, et les Polonais ont obtenu le droit d’être naturalisés britanniques. Au bout du compte, les Polonais ont démontré qu’ils pouvaient apporter une contribution positive et dévouée à la reconstruction de l’économie britannique. Ceux qui ont réussi à poursuivre des études secondaires ou universitaires ont obtenu des postes lucratifs et parfois prestigieux dans le marché du travail britannique et ont connu du succès dans leurs carrières professionnelles. Leur culture et leurs traditions différentes été considérées comme des atouts contribuant à la vie de l’ensemble de la communauté. L’objectif que le Comité s’était fixé d’aider les exilés polonais à s’adapter à une vie nouvelle a progressivement été atteint. Comme l’affirmait un article d’un journal local de l’époque, « Leurs atouts et leurs loisirs sont peut-être différents, mais ces mêmes différences sont des atouts pour la communauté mixte de notre ville[2] ».

 

Agata Blaszczyk caucor@hotmail.com
Maître de conférences en histoire, Institut Polonais de Londres www.puno.edu.pl/english.htm



[1] Mémorandum du ministre de l’Éducation et du secrétaire d’État pour l’Écosse, ED128/146, pp1-2. Rapport sur le programme et le personnel des écoles polonaises du Comité, 13 juillet 1948, ED128/5, p3.

[2] Melton Mowbray Times, juillet 1952.

 

 

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