Directives pour la réinstallation « gérée »

Bien que la possibilité de déplacements liés au changement climatique soit reconnue depuis plus de 20 ans, la communauté internationale a mis du temps à élaborer des instruments spécifiques au changement climatique pour guider le processus de réinstallation et compléter les instruments relatifs au déplacement en général.

La réinstallation planifiée ou gérée est de plus en plus souvent considérée comme une stratégie d’adaptation logique et légitime face au changement climatique. Alors que l’échelle des migrations liées au changement climatique peut varier du local à l’intercontinental, la majorité de ce type de déplacement s’est à ce jour déroulée, et devrait continuer de se dérouler, au sein d’un même pays voire à une échelle locale. Cet article se penche sur quelques directives, principes et énoncés de meilleure pratique existants concernant la retraite gérée locale et urbaine en tant que stratégie d’adaptation délibérée au changement climatique pour les villes des pays en développement.

Il est important de prêter une attention particulière au processus de réinstallation gérée afin de ne pas accentuer certaines vulnérabilités en même temps que nous en atténuons d’autres. Par exemple, le relogement lié au changement climatique peut atténuer la vulnérabilité physique aux risques grâce à une réduction de l’exposition mais il peut aussi, simultanément, accentuer les vulnérabilités sociales et économiques par une réduction du capital social ou des possibilités de subsistance.

La documentation sur la réinstallation liée au changement climatique divise ce concept entre le réalignement et la réinstallation. Le réalignement est principalement pratiqué dans les nations développées et implique d’éloigner les communautés des zones menacées par le changement climatique et de limiter les projets de développement dans ces zones à risque. Dans les nations moins développées, le processus en jeu est souvent nommé réinstallation, pour indiquer la facilitation du mouvement des populations d’une zone à risque environnemental élevé vers une autre zone à moindre risque. La réinstallation n’est pas un nouveau concept : elle a déjà été utilisée par le passé à des fins politiques, pour éviter les conflits et dans le cadre de projets de développement ou de la réduction des risques de catastrophes. Bien que ces corpus documentaires contiennent déjà des directives utiles sur la manière de procéder à une réinstallation, il n’en vaut pas moins la peine d’élaborer des directives spécifiques au changement climatique, en particulier au niveau national.

Cinq documents d’orientation

De nombreux documents apportent des directives utiles pour la réinstallation liée au changement climatique, même s’ils n’ont pas été spécialement rédigés dans cette optique. En raison de la grande diversité des approches de la réduction de la vulnérabilité préconisées par ces documents, il nous paraît que les documents ci-dessous, spécifiques au changement climatique, constituent la source de directives la plus adaptée pour les projets et les programmes de réinstallation liée au changement climatique.

Les principes Nansen (2011) sont conçus pour « guider les actions visant à prévenir ou gérer le déplacement, et protéger les personnes déplacées contre le changement climatique ».[1] Comme ces principes sont très généraux, ils fournissent des directives relativement limitées pour le terrain mais ils n’en constituent pas moins un point de départ utile. Par exemple, ils considèrent la participation et le partenariat avec les communautés susceptibles d’être réinstallées comme une base importante des activités de réinstallation. De plus, ils demandent à ce qu’une attention étroite soit portée à la vulnérabilité économique pendant les activités de réinstallation afin de garantir la préservation, ou idéalement l’amélioration, des moyens de subsistance des résidents au cours du processus de réinstallation. Enfin, ces principes promeuvent également la mise en place de lois, de politiques et d’institutions relatives à la réinstallation liée au changement climatique dans chaque pays.

Populations at risk of disaster: a resettlement guide (Populations exposées aux risques de catastrophes : guide de réinstallation) (2011).[2] Ce guide s’attache à la réinstallation motivée par des catastrophes naturelles. Toutefois, il s’inscrit dans le contexte d’un climat en pleine évolution, qui « est susceptible d’exacerber » les risques naturels encourus par certaines communautés, et épouse l’idée que ces risques augmentés se traduiront par un besoin de réinstallation accru. Ainsi, la plupart des directives fournies dans ce document s’appliquent également à la réinstallation liée au changement climatique. Le document préconise une approche exhaustive de la réinstallation (c’est-à-dire la réduction des vulnérabilités physiques, économiques, sociales, écologiques et politiques). Après la réinstallation, ce guide suggère que les conditions économiques et sociales des personnes réinstallées doivent être rétablies ou améliorées, les réseaux sociaux reconstruits et les terres abandonnées modifiées physiquement ou juridiquement pour s’assurer qu’aucun nouveau résident reviendra s’y installer et reproduire les mêmes conditions de risque.

Protection and Planned Relocations in the Context of Climate Change (Protection et réinstallations planifiées dans le contexte du changement climatique) (2012).[3] Ce document a été commandité par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (l’UNHCR) et rédigé sous les auspices du projet Brookings-LES sur le déplacement interne. Il utilise les enseignements tirés du déplacement et de la réinstallation forcés par des projets de développement comme point de départ pour la définition de 22 « concepts préliminaires pour défendre les droits des communautés qui sont ou seront réinstallées en conséquence du changement climatique », et qui promeuvent ensemble une réduction complète des vulnérabilités via la réinstallation. Ce document met en avant de nombreuses idées, telles que les suivantes : préservation des institutions sociales et culturelles existantes, promotion des moyens de subsistance et de la prospérité économique dans les communautés réinstallées, recours à des processus de planification participatifs, élaboration de mécanismes de suivi et de procédures de résolution des griefs, et évaluation des sites de réinstallation pour garantir leur salubrité environnementale et leur résistance au changement climatique.

Les Principes Péninsule sur le déplacement climatique au sein des États (2013) ont été définis via un processus consultatif organisé par l’ONG Displacement Solutions, auquel ont participé des avocats, des juristes et des professeurs de droit ainsi que l’UNHCR, l’Université des Nations Unies et le personnel d’organisations non-gouvernementales.[4] Ces principes sont fort probablement le meilleur exemple à ce jour de directives préconisant une réduction exhaustive des vulnérabilités via la réinstallation dans le contexte du changement climatique. Ils suggèrent que ce processus de réinstallation devrait préserver les institutions sociales et culturelles existantes, s’assurer que le site de réinstallation n’est pas également exposé à des risques liés au changement climatique, préserver ou améliorer les conditions de logement et les droits fonciers des résidents réinstallés, prévoir des indemnisations en cas de perte d’actifs, préserver ou renforcer les moyens de subsistance et renforcer les capacités à différents niveaux pour procéder correctement à la réinstallation.

Planned relocations, disasters and climate change : Consolidating Good Practices and Preparing for the Future (Réinstallations planifiées, désastres et changement climatique: consolider les bonnes pratiques et préparer le futur) était un document d’information préparé pour une consultation UNHCR-Brookings-Georgetown tenue en mars 2014 et conçu pour appuyer l’initiative Nansen.[5] Bien que ce document s’attache avant tout à la réinstallation transfrontalière, bon nombre de ses suggestions peuvent également s’appliquer à la réinstallation locale. Plutôt que d’offrir des directives spécifiques pour la réinstallation liée au changement climatique, il se réfère au vaste corpus de directives déjà bien établies que l’on trouve parmi la documentation sur la réinstallation provoquée par le développement, les catastrophes et les conflits. Il fait ensuite référence à certaines des nouvelles directives concernant la réinstallation liée au changement climatique.

Il reste toutefois beaucoup à faire pour que les directives relatives à la réinstallation dans le contexte du changement climatique soient mises à disposition des fonctionnaires nationaux et municipaux dans les pays en développement. En particulier, il conviendrait de développer ou d’adapter des instruments propres à chaque pays concernant ce type de réinstallation, en y intégrant une approche axée sur la réduction multidimensionnelle de la vulnérabilité afin de tenir compte des vulnérabilités propres à chaque contexte national, et peut-être même de les contextualiser encore davantage en vue de les utiliser dans des contextes urbains particuliers.

Les conditions assujetties au financement de l’adaptation au changement climatique, telles qu’imposées par des sources telles que le Fonds pour l’adaptation ou le Fonds vert pour le climat, impliqueront sans aucun doute l’élaboration de plans bien structurés d’adaptation au changement climatique. Comme il est probable que la réinstallation soit un aspect de ces plans, les efforts réalisés actuellement pour définir un éventail de directives aideront les pays en développement à répondre aux critères de financement requis pour l’adaptation au changement climatique au cours des décennies à venir.

 

Brent Doberstein bdoberstein@uwaterloo.ca est professeur adjoint de géographie et de gestion environnementale à l’Université de Waterloo. https://uwaterloo.ca/geography-environmental-management Anne Tadgell atadgell@gmail.com est étudiante en Master de géographie et de gestion environnementale à l’Université de Waterloo. http://coastalcitiesatrisk.org

Ce document est une version modifiée et étendue d’une présentation donnée lors de la Conférence internationale sur les catastrophes et les risques de 2014.

 

 

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