Inondations et migration en République Tchèque

Les stratégies des résidents ont généralement pour but de se protéger des inondations ou de s’y adapter. Une migration à grande échelle pour quitter les plaines d’inondation des rivières n’a jamais été sérieusement envisagée, même dans des zones où les risques sont particulièrement élevés.

La République Tchèque est particulièrement intéressante dans le contexte européen à cause de plusieurs catastrophes dues aux inondations qui, au cours des années récentes, on atteint un statut d’urgence nationale, notamment en 1997, 2002, 2006, 2010 et 2013. En Europe centrale, les extrêmes climatiques et la variabilité des précipitations ne sont pas les seules causes d’inondations. La présence dans les zones inondables à proximité du lit des rivières d’habitations, d’immeubles industriels, de transports et d’autres infrastructures, ainsi que l’aménagement fluvial et l’agriculture en sont aussi les causes.

Nous avons axé notre étude sur des familles qui vivent dans 22 municipalités parmi les plus petites, principalement dans le bassin hydrologique de la rivière Bečva qui se situe au Nord-Est de la République tchèque. Nos analyses qui s’appuient sur des données obtenues auprès des familles montrent une augmentation de l’intensité et de la fréquence de l’impact des inondations au cours des vingt dernières années, une augmentation souvent attribuée (à tort ou à raison) aux changements climatiques. Nous avons découvert dans ces endroits plusieurs types de stratégies de résistance et d’adaptation au niveau des familles, à l’intérieur comme à l’extérieur des habitations (terrasses, construction de rez-de-chaussée surélevés et barrières contre les eaux).

Suite aux dommages causés par les inondations, les compagnies d’assurance ont refusé de rembourser les pertes à plus de 50 ou 60 %, et certaines maisons ne remplissent même pas leurs conditions d’indemnisation ; cela signifie que de nombreuses victimes n’ont que des possibilités limitées de réinstallation par manque de fonds, même si elles souhaitent se réinstaller ailleurs. De plus, les groupes qui sont partis se composaient de personnes plus actives et mieux éduquées et leur départ (ainsi que l’abandon de leurs maisons) a eu un effet adverse sur le développement des communautés concernées.

Une maison se situe à la confluence de deux ruisseaux. Au cours des dernières années, pratiquement chaque printemps ou été ces ruisseaux sont sortis de leur lit et ont inondé cette propriété ; le couple qui y vit affirme que lorsque la maison a été construite les inondations n’étaient pas aussi fréquentes.

« Nous aimerions déménager », nous a confié la femme, « mais notre maison est invendable et aucune compagnie d’assurance ne veut l’assurer. Nous n’avons donc pas d’autre choix que de rester ici. Nous ne pouvons rien faire d’autre ».

Parce que la maison est invendable et que les propriétaires sont retraités, ils n’ont pas des revenus suffisants pour la réparer. Ils ne peuvent pas obtenir un prêt bancaire pour acheter une autre maison ailleurs, et ils auraient même des difficultés à louer. Ce couple n’a donc pas d’autre choix que de rester et de vivre avec les inondations. Leur fille vit avec sa famille sur la colline la plus élevée du village, et c’est là que les parents se réfugient en cas d’inondations.

Autre exemple : en 1997 un couple, leur fille et son mari ont perdu leur maison qui se trouvait près d’un ruisseau lorsque les inondations les plus fortes, jusqu’ici en Tchécoslovaquie, l’ont endommagée de manière irréparable. La municipalité leur a proposé un logement social pour une période limitée. En l’espace de trois ans, en partie avec l’argent de l’assurance ajouté à des économies, à un emprunt et avec l’aide de leurs amis, ils ont pu construire une nouvelle maison sur une colline avec moins de risques d’inondations. Il s’agit d’un exemple de collaboration réussie entre la municipalité et les résidents locaux dans lequel, au final, toutes les parties sont satisfaites. Le village n’a pas perdu de résidents (ni d’impôts ou de subventions) et la famille n’a pas perdu ses amis, ni sa base sociale et continue de faire partie de la communauté.

Principalement parce qu’elles sont réticentes et ne veulent pas se déplacer à cause des coûts et de la perte de leur maison, les familles ont tendance à réparer les dommages plutôt que de se lancer dans des mesures coûteuses d’adaptation. On assiste également à toute une gamme variée de réponses migratoires qui vont de cas où les intéressés ont un avantage à se déplacer et utilisent les inondations comme une impulsion pour agir, à d’autres qui aimeraient déménager mais ne peuvent pas partir. Jusqu’ici, en République Tchèque il n’y a eu aucun soutien (par ex. subventions ou exemptions fiscales) sous la forme de politiques d’aide à l’intention de ces familles. À l’avenir, la nécessité de mettre en place des solutions plus complètes et mieux intégrées d’adaptation deviendra chaque fois plus criante et devra passer par la communication et la consultation avec les personnes concernées.

 

Robert Stojanov stojanov@centrum.cz est Professeur assistant au Département de géographie sociale et développement régional à la faculté des science de l’Université Charles à Prague www.natur.cuni.cz/geography Ilan Kelman ilan_kelman@hotmail.com est Chargé d’enseignement en risque, résilience et santé mondiale à l’University College London www.ucl.ac.uk et il est également Directeur de recherche au Norwegian Institute of International Affairs. www.nupi.no Barbora Duží arobrab@centrum.cz est chercheur à l'Institut de Geonics de l'Académie tchèque des sciences. www.geonika.cz                                                                                           

Sont également remerciés pour leurs contributions David Procházka de l’Université Mendel de Brno et Tomáš Daněk de l’Université Palacký d’Olomouc.

 

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