Avant-propos - Protéger les personnes et la planète : de l'engagement à l'action

Bula vinaka ! Salutations !

Cette édition spéciale de la Revue Migrations Forcées, dont la thématique porte sur les déplacements et les réinstallations planifiées dans le contexte des changements climatiques, ne pouvait tomber plus à propos. Nous devons de toute urgence traduire nos engagements en actions significatives. Tout au long de la COP26 à Glasgow, le gouvernement fidjien a appelé tous les pays à faire preuve de plus d'engagement – de volonté politique et de financement – en faveur d'une action collective et ambitieuse qui garantisse un accord permettant de « maintenir en vie » l'objectif de 1,5 degré.

Il s'agit d'un appel capital à l'action. Aux Fidji, nous avons pu constater de visu les effets du changement climatique, avec l'augmentation du nombre de cyclones tropicaux qui touchent notre pays et l'élévation du niveau de la mer qui commence à inonder certaines de nos îles et communautés côtières. Au moment où vous lisez ces lignes, des communautés sont en train d’être déplacées ou réinstallées, suite à des événements de cet ordre.

Le Rapport mondial sur le déplacements interne 2021 élaboré par l’Observatoire des situations de déplacement interne estime que, pour la seule année 2020, environ 40,5 millions de nouveaux déplacements ont été enregistrés. Les catastrophes ont déclenché au moins trois fois plus de déplacements que les conflits et la violence. Ceci est un rappel brutal qui nous montre pourquoi la menace imminente des changements climatiques doit être prise au sérieux. Si cette menace n'est pas maîtrisée, nous devons nous attendre à ce que les perspectives mondiales, non seulement en ce qui concerne les déplacements internes mais aussi les déplacements transfrontaliers, continuent de s'aggraver et il deviendra plus difficile pour les États de renverser cette tendance.  

Lutte pour la survie

Les Fidji ont clairement indiqué lors des négociations internationales sur le climat que l'intention du Pacifique est de « lutter pour sa survie ». Nous considérons les changements climatiques comme une menace existentielle en raison de leur impact sur notre culture et nos modes de vies traditionnels, de leur impact sur notre océan, ses ressources marines et ses écosystèmes, et de leur impact sur notre terre et sur la sécurité alimentaire et hydrique et, surtout, sur l'environnement naturel qui soutient toute vie humaine sur cette planète.

Pour les États insulaires de faible altitude confrontés à la réalité d'une submersion si le niveau de la mer continuait de s’élever, cela signifierait que notre territorialité, et peut-être notre souveraineté, seraient menacées, en plus de nos vies et de nos moyens de subsistance. Pour les régions touchées par la désertification, cela pourrait signifier sécheresse et famine potentielles. Pour les régions en proie à de fréquents incendies de forêt, cela pourrait entraîner la perte d’habitations et de vies humaines, parents et amis. Les États, la communauté internationale, les organisations non gouvernementales et les autres acteurs concernés doivent réfléchir à ce qu'il faut faire – et ce, de toute urgence – pour promouvoir et protéger les droits humains face à ces menaces existentielles.

Il convient de comprendre que la dimension des droits humains est capitale. Lors du Conseil des droits de l'homme des Nations unies en octobre 2021, une résolution a été adoptée pour désigner un Rapporteur spécial sur les changements climatiques. Les Fidji faisaient partie du groupe principal qui a présenté cette résolution à l’adoption par le Conseil, reconnaissant que le changement climatique est une menace existentielle aux impacts transrégionaux et protéiformes. 

Alors que les Fidji occupent actuellement la présidence du Forum des îles du Pacifique, nous sommes parfaitement conscients que la conséquence la plus grave est la disparition possible de nos îles. C'est pourquoi nous devons comprendre les défis que représentent les déplacements liés aux catastrophes et la mobilité humaine induite par le climat dans la région du Pacifique. Nous devons poursuivre les discussions au sein du Forum des îles du Pacifique sur les liens intrinsèques entre les impacts du changement climatique, la sécurité régionale et la mobilité humaine induite par le climat.

Dépasser les frontières politiques et les intérêts locaux

Le travail sur les déplacements internes est crucial et il fait écho à l'engagement des Fidji au sein de la Plateforme sur les déplacements liés aux catastrophes. Par le biais de cette Plateforme, nous œuvrons de manière collaborative afin de comprendre le déplacement et la mobilité humaine dans le contexte des catastrophes et des changements climatiques, et nous explorons les actions nécessaires à la résolution de ce problème. Ensemble, nous devons nous accorder sur ce que nous pouvons faire collectivement en tant que communauté de pratique pour nous assurer de transformer nos engagements en actions plus concrètes et plus tangibles et d’apporter notre soutien à la mise en œuvre d'approches intégrées et régionales associant les efforts sur les changements climatiques, la réduction des risques de catastrophe et le travail de développement.

Nos discussions, sur la manière de relever les défis que posent les déplacements dus aux catastrophes, doivent dépasser les frontières politiques. Aux Fidji, nous avons élaboré des directives spécifiques pour traiter les deux processus distincts que sont la réinstallation planifiée et le déplacement induit par le climat. Pour ce qui touche à la réinstallation planifiée, les Fidji ont mené à bien la réinstallation de cinq communautés qui ont été gravement affectées par des événements climatiques, tant à déclenchement lent que soudain. Suite à l'impact du cyclone tropical Yasa en 2020, nous travaillons actuellement à la réinstallation de deux communautés (Nabavatu et Cogea) situées dans la province de Bua, sur la deuxième plus grande île des Fidji, qui a été gravement touchée par des glissements de terrain suite à de fortes pluies et des inondations.

La nouvelle loi fidjienne sur le changement climatique de 2021 fournit le cadre juridique de notre approche qui mobilise l’ensemble du gouvernement sur la résolution de ces questions afin de renforcer notre action en matière de réinstallation planifiée et de déplacement. Notre engagement qui consiste à veiller à ce que nos systèmes et processus soient transparents et inclusifs, fait partie intégrante de notre approche, de telle sorte que l'État respecte et protège les droits humains de toutes les personnes concernées et ne laisse personne de côté. 

Nous espérons que cette édition spéciale de la Revue Migrations Forcées permettra de poursuivre cette discussion. Il est important d'approfondir nos connaissances sur les déplacements induits par le climat et les autres formes de mobilité humaine. Alors que nous cherchons à prendre soin d'un monde en pleine mutation dans un climat changeant, et à relever les défis que cela représente, il est vital de comprendre les besoins de protection et les défis spécifiques des personnes touchées si nous voulons mettre en place les systèmes juridiques et les processus institutionnels nécessaires à garantir la protection de tous. Nous appelons tous les gouvernements et toutes les parties prenantes à se joindre à nous et à s'engager sans réserve et de toute urgence dans la mise en œuvre et le renforcement de nos engagements communs. Alors que la crise climatique a déjà un impact significatif sur la vie de tant de personnes, il ne peut y avoir de plus grand impératif.

 

Ambassadrice Nazhat Shameem Khan

Représentante permanente des Fidji auprès des Nations unies à Genève ; négociatrice en chef lors de la présidence fidjienne de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP23)

 

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