Les défis au droit au travail en Équateur

Le droit au travail est capital pour les réfugiés et les demandeurs d’asile – pour subvenir à leurs propres besoin, pour faciliter leur intégration locale et pour apporter une contribution à la société d’accueil. Ils doivent toutefois faire face à de nombreux obstacles pour obtenir le droit de travailler dans les sociétés qui les accueillent et bien souvent leur expérience se caractérise par de mauvaises conditions de travail et des pratiques discriminatoires.

L’Équateur est un exemple d’endroit où le droit de travailler des réfugiés et leur contribution potentiellement positive à la société d’accueil ont été reconnus grâce à l’introduction dans la Constitution de 2008 d’une citoyenneté universelle. En conséquence, les réfugiés et les demandeurs d’asile jouissent des mêmes droits que les ressortissants équatoriens, et notamment le droit de travailler.[1] Afin d’évaluer la situation des réfugiés en matière de travail dans plusieurs villes du pays, l’ONG Asylum Access Équateur a mené une étude[2] en octobre 2013 portant sur des individus qui vivent en Équateur avec différents statuts migratoires: des refugiés reconnus en tant que tels, des demandeurs d’asile, des demandeurs d’asile dont le dossier a été rejeté et des personnes avec d’autres types de statuts migratoires.  

Les résultats de cette enquête suggèrent qu’un certain nombre d’obstacles empêchent les réfugiés et les demandeurs d’asile d’exercer pleinement leur droit d’accès au travail. Selon les résultats de l’enquête quatre facteurs principaux restreignent l’accès au travail et l’exercice des droits du travail dans leur intégralité de cette catégorie de personnes: documentation officielle encourageant la discrimination; discrimination généralisée fondée sur la nationalité ou sur le statut de réfugié; conversion inappropriée des droits et des principes garantis dans la Constitution équatorienne en lois et politiques efficaces; et finalement, ignorance du droit au travail des réfugiés au sein des institutions publiques et privées, dans les lieux de travail, et parmi les réfugiés eux-mêmes. En ce qui concerne ce dernier point, ce sont souvent des obstacles administratifs qui dissuadent les employeurs de recruter des réfugiés et d’officialiser leurs conditions d’emploi. Il existe en outre des éléments démontrant une discrimination institutionnalisée imputable à des obstacles administratifs et à une méconnaissance généralisée des droits des réfugiés.  

Même si 60 % des participants indiquent qu’ils travaillent, seulement un tiers d’entre eux disposent d’un contrat et la majorité travaillent dans les secteurs les plus vulnérables de l’économie où la stabilité de l’emploi est précaire. Ceux qui travaillent dans le secteur agricole ou comme journaliers indiquent principalement que leurs activités économiques actuelles sont similaires à leur expérience antérieure. Par contre, dans les zones urbaines la plupart des participants à l’enquête ont indiqué que leur expérience antérieure ne correspondait pas à l’activité économique dans laquelle ils travaillent en Équateur. Environ 47 % d’entre eux ont signalé qu’ils avaient un revenu inférieur au salaire minimum en Équateur, et 31 % considèrent que leurs conditions de travail sont différentes de celles des ressortissants équatoriens. Les participants à l’enquête, à travers l’ensemble des secteurs dans lesquels ils travaillent ont dénoncé des incidents de durée excessive des heures de travail, de refus de payer les salaires, de harcèlement et d’intimidation.

Sur la base des témoignages des participants à l’enquête, l’étude a permis de formuler certaines recommandations en vue de garantir l’application dans la pratique des droits inscrits dans la Constitution et de faciliter l’intégration des personnes déplacées dans le marché du travail équatorien. Ces recommandations nécessiteront d’établir formellement le droit des réfugiés d’obtenir une carte d’identité ou un document officiel – qui ne révèle pas leur statut migratoire mais qui incorpore un numéro d’identification nationale correspondant aux systèmes en usage dans les institutions publiques et privées – délivré pour une période adaptée. De plus, les fonctionnaires doivent être formés de manière à pouvoir interpréter correctement la législation, et reconnaitre que les demandeurs d’asile et les réfugiés ont le droit de travailler. Cela inclut plus spécifiquement les points suivants: 

  • former les fonctionnaires dans les institutions ayant à charge de garantir et contrôler le droit au travail (Ministère des relations du travail, et Institut équatorien de la sécurité sociale, par exemple) des réfugiés, et ce, en tenant compte des roulements réguliers de personnel habituels dans ces institutions;
     
  • soutenir l’accès à un travail décent par le biais de stratégies initiées par le gouvernement, comme l’initiative actuelle du Ministère des relations du travail d’inclure les réfugiés dans ses programmes destinés à établir des ponts entre employeurs et demandeurs d’emploi ;
     
  • diffusion ciblée d’information à destination des employeurs du secteur privé sur les droits des réfugiés.

 

Le droit de travailler associé à des conditions de travail décentes permet aux réfugiés et aux demandeurs d’asile de préserver leur dignité et de reconstruire leur existence. Pour aboutir à ce résultat, les États doivent instaurer des politiques et des plans d’application qui facilitent l’accès au travail et renforcent les conditions de travail alors que parallèlement tant le secteur privés que le secteur public doivent avaliser ces conditions et promouvoir une plus grande stabilité de l’emploi en vue de garantir une meilleure intégration des réfugiés et des demandeurs d’asile au sein de la société d’accueil.

 

Adeline Sozanski adelinesozanski@aol.com

Consultante pour Asylum Access en Équateur en 2013 

 

Karina Sarmiento karina@asylumaccess.org

Directrice d’Asylum Access pour l’Amérique Latine www.asylumaccess.org

 

Carlos Reyes carlos.reyes@uam.es

Chercheur, Université Autonome de Madrid



[1] Cela n’inclut pas de droits politiques. Arnold-Fernández E et Pollock S (2013) ‘Le droit au travail des réfugiés’, Revue Migrations Forcées numéro 44 www.fmreview.org/fr/detention/arnoldfernandez-pollock

[2] L’étude sur laquelle s’appuie cet article comprenait un échantillon de 119 participants, 60 hommes et 59 femmes; 110 Colombiens, quatre Nigérians, deux Cubains, deux Sri-lankais et un Angolais.

 

 

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