Au Japon, la surveillance de la détention est une initiative récente

La mise en place récente au Japon de comités de surveillance ouvre de nouveaux canaux de communication et de nouvelles possibilités d’amélioration dans les centres de détention.

Le Bureau de l’immigration du Ministère de la Justice du Japon, gère un certain nombre de centres de détention pour immigrés à travers le pays dans lesquels des ressortissants étrangers qui arrivent ou restent dans le pays avec un statut irrégulier sont détenus, comme ils le sont dans de nombreux autres pays. Jusque très récemment toutefois, les conditions et le traitement des détenus à l’intérieur de ces centres restaient cachés derrière les murs, et les possibilités d’examen public restaient rares.

Suites aux recommandations provenant de différentes sources internationales[1] et de groupes de pression à l’intérieur du Japon, le gouvernement japonais a amendé la loi sur le contrôle de l’immigration et la reconnaissance des réfugiés, et en conséquence deux comités de surveillance des centres de détention pour immigrés ont été institués. L’objectif principal de ces comités qui ont débuté leur travail en juillet 2010, est de garantir la transparence sur le traitement des détenus et de contribuer à la gestion adéquate des centres de détention. Les comités visitent régulièrement les centres de détention ; ils examinent des informations confidentielles sur les établissements ainsi que des statistiques fournies par le bureau de l’immigration qui est en charge du fonctionnement de ces établissements ; ils s’entretiennent à leur demande avec les détenus; ils reçoivent, examinent, clarifient des plaintes déposées confidentiellement et par écrit par les détenus et demandent leur résolution ; et ils préparent des recommandations à l’intention des directeurs des centres de détention en vue d’améliorer les conditions.

Chacun des deux comités (l’un dans l’ouest et l’autre dans l’est du Japon) sont composés de 10 experts indépendants nommés par le Ministère de la Justice : deux universitaires (des professeurs de droit), deux avocats, deux médecins, deux représentants des communautés locales où se trouvent les centres de détention, un fonctionnaire international travaillant pour une organisation internationale et un employé d’une ONG.  

Voici certaines des recommandations remarquables présentées par les comités après leurs deux premières années d’exercice, accompagnées des mesures que les centres de détention ont prises en conséquence[2]:

 

  • Faire en sorte de procurer davantage d’intimité aux détenus – des murs et des rideaux ont été installés autour des toilettes et des douches.  

 

  • Donner aux détenus la possibilité de faire de l’exercice, de prendre des douches ou de téléphoner pendant les weekends comme pendant la semaine – certains des centres de détention ont commencé à autoriser les détenus à sortir de leurs cellules pendant les weekends.

 

  • Éviter les confusions concernant les règles et les procédures (y compris les mécanismes de plaintes) liées à la vie quotidienne à l’intérieur des centres de détention – des directives en plusieurs langues ont été préparées et mises à disposition de tous les détenus.

 

  • En vue d’aider les détenus à obtenir des conseils et de l’assistance – certains centres de détention ont établi et distribué des listes fournissant des informations permettant de contacter les ambassades, le HCR, l’OIM, des associations juridiques, etc.

 

Ces mesures représentent clairement des améliorations qu’il convient de saluer. Cependant, certaines difficultés persistent encore.

Des coûts de téléphone très élevés et les horaires très limités pendant lesquels les détenus ont le droit de téléphoner entravent les communications avec les familles, les amis, les avocats et d’autres sources d’assistance. Il n’existe pas d’accès internet ou de téléphones portables à l’intérieur des installations de détention. Même si certains centres de détention ont maintenant commencé à autoriser les détenus à téléphoner pendant qu’ils sont dans leurs cellules, il reste urgent de mettre en place de meilleurs moyens de communications. 

Les bureaux d’immigration ont organisé à l’intention des détenus une large variété d’options et de menus, mais il n’y a toujours pas d’option de nourriture ‘halal’ disponible, ce qui pose des problèmes aux détenus musulmans. Il est nécessaire de poursuivre les efforts afin de résoudre cette question.

Il n’y a pas suffisamment de médecins qualifiés disposés à travailler à l’intérieur des centres de détention. Dans la mesure où ce problème concerne directement la santé des détenus, il est nécessaire de lui trouver une solution immédiate, par exemple en collaborant avec les hôpitaux locaux et en établissant un système de garde de manière à ce que des médecins qualifiés soient disponibles en temps opportun pour des consultations.

Il est difficile de trouver des interprètes qualifiés pour des langues qui ne sont pas courantes au Japon, comme le perse, le turque, l’urdu, le pashto et l’hindi. Parce que la communication est essentielle pour la compréhension mutuelle, non seulement lors des entretiens avec le comité, mais aussi dans la vie quotidienne à l’intérieur des centres de détention, davantage d’efforts doivent être consacrés à l’identification de résidents multilingues au Japon en vue de les former comme interprètes.

Initialement du moins, le mandat, les rôles et les fonctions des comités n’avaient pas été adéquatement expliqués aux détenus. Même si leur rôle est expliqué dans les directives multilingues qui sont maintenant disponibles dans tous les centres de détention, il est important de mieux disséminer les informations concernant la mise en place de ce nouveau système.

Finalement, la question de l’indépendance et de l’autonomie des comités a été soulevée de manière persistante par les observateurs et les critiques. En tant que membre du comité pour l’ouest du Japon, l’auteur elle-même n’a pas subi de pression de la part du bureau de l’immigration du ministère de la justice, et elle se félicite de la transparence et de la franchise des discussions qui ont eu lieu entre les employés des centres de détention et les comités. Le bureau régional de l’immigration d’Osaka sert de secrétariat au comité pour l’ouest du Japon et organise toutes les visites et tous les entretiens. Dans la mesure où les membres du comité fonctionnent à temps partiel et que le budget alloué pour l’ensemble du système de surveillance est extrêmement limité, il ne semble pas réaliste, du moins dans l’actualité, de mettre en place un secrétariat qui serait totalement indépendant du bureau de l’immigration. C’est une question qu’il conviendrait d’examiner dans le cadre de la révision de la réforme de la structure ministérielle du gouvernement, et notamment dans l’éventualité de l’établissement d’une Commission indépendante des droits de l’homme au Japon.  

Dans la mesure où le Japon n’a pas encore établi de Commission indépendante des droits de l’homme et n’a pas encore ratifié le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, les comités de surveillance des centres de détention sont les seules organes ayant une quelconque autorité pour demander une amélioration des lieux de détention et du traitement des détenus. C’est pour cette raison qu’ils ont une lourde responsabilité et beaucoup d’importance. 

 

Naoko Hashimoto nhashimoto@iom.int est titulaire d’un Master du Centre d’études sur les réfugiés et elle est actuellement Responsable de programme de l’Organisation international pour les migrations, Bureau de Tokyo. www.iom.int Elle a été membre du comité de surveillance des centres de détention pour l’ouest du Japon à mi-temps de juillet 2010 à fin juin 2013. Les informations et les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement les vues officielles de l’OIM ou du Ministère de la justice du Japon.



[1] Kumiko Niitsu ‘Perspectives on the Immigration Detention Centers Visiting Committee: Consideration from the Viewpoint of Securing Transparency’, CDR Quarterly, vol.4, pp38-51, janvier 2012. Center for Documentation of Refuges and Migrants, University of Tokyo.

[2] Des informations supplémentaires sont disponibles sur le site officiel du Ministère japonais de la justice (uniquement en japonais) :

Juillet 2010- juin 2011: http://tinyurl.com/JapanMOJ-10-11

Juillet 2011- juin 2012: http://tinyurl.com/JapanMOJ-11-12

 

 

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