Parajuristes réfugiés

Au Kenya, les réfugiés rencontrent de nombreux obstacles pour exercer leurs droits. Le travail des parajuristes, qui promeuvent et facilitent l’accès des réfugiés à la justice et sont eux-mêmes des réfugiés, offrent un service vital que de nombreusesONG, dont le budget et le champ d’action sont limités, ne fournissent que partiellement., whose scope and budgets are limited, insufficiently provide.

Au Kenya, les réfugiés rencontrent de nombreux défis. En plus du long processus de reconnaissance ou de rejet de leur statut de réfugié, on peut également citer le manque d’accès aux documents et aux services, notamment les processus d’enregistrement des réfugiés, les permis commerciaux et de travail, les cartes étudiant, les comptes en banque, les numéros de sécurité sociale, les documents de voyage et les communications mobiles. Les réfugiés se heurtent également à d’autres difficultés sous forme de harcèlement par les forces de police, du manque général de connaissance des questions relatives aux réfugiés, des attitudes négatives et discriminatoires de la part des populations locales et des difficultés à faire reconnaître les qualifications étrangères.

Pour surmonter ces problèmes, certains réfugiés de Nairobi ont été formés en tant que parajuristes par l’organisation non gouvernementale (ONG) Kituo Cha Sheria, avec l’appui de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’agence des Nations Unies pour la migration (OIM), afin de soutenir leurs homologues réfugiés. Un parajuriste est une personne ayant soit une formation de juriste de base, soit une expérience juridique pratique plus exhaustive, et qui fournit une assistance juridique afin de faciliter l’accès aux droits et à la justice. Il travaille généralement sous la supervision d’un avocat, d’un cabinet juridique ou d’une institution juridique.

Les parajuristes réfugiés sensibilisent les groupes de réfugiés et les autorités publiques aux droits des réfugiés par le biais de forums, d’ateliers, de formations et de conférences et contribuent également au programme de renforcement des capacités des autorités afin qu’elles traitent les cas de réfugiés en bonne et due forme, notamment en ce qui concerne la conduite, l’interpellation, l’arrestation et la détention des migrants forcés, ainsi que les processus de délivrance ou de vérification des documents. Ils contribuent également aux activités de sensibilisation des représentants du gouvernement afin de renforcer leur connaissance des questions relatives aux réfugiés.

Les parajuristes réfugiés travaillent également à l’autonomisation de la communauté des réfugiés en les conseillant à propos de leurs droits et de leurs obligations, y compris sur comment réagir lorsqu’ils sont interpellés, arrêtés ou détenus et comment s’adresser aux autorités en matière de documentation. Ils informent les réfugiés et les demandeurs d’asile à propos de leur demande d’asile et de leur statut de réfugié, leur donnent des conseils sur leur dossier, les orientent vers d’autres services et assurent le suivi de leur cas. Ils interviennent dans les postesde police, les prisons, et les lieux de détention pour solliciter la libération des réfugiés, des demandeurs d’asile et  autres migrants forcés qui ont été arrêtés, et ils accompagnent les réfugiés qui se rendent dans des organisations et des institutions pour obtenir de l’aide sur diverses questions sociales (par exemple, pour signaler un crime dans un poste de police).

En tant qu’avocat, j’ai suivi une formation juridique et je me trouve donc dans l’obligation d’aider ma communauté ; c’est pourquoi je suis devenu parajuriste réfugié. Les parajuristes réfugiés peuvent entreprendre des tâches que les grandes ONG internationales peinent à accomplir, ou qu’elles n’entreprennent pas en raison de contraintes budgétaires, ou de leur champ d’action limité. Par exemple, je peux intervenir auprès des réfugiés (en particulier dans les situations d’arrestation et de harcèlement) à tout moment du jour ou de la nuit, y compris pendant les week-ends et les vacances ; les grandes organisations interviennent uniquement durantleurs heures et leurs jours de travail. Nous remplissons également un rôle de conseil, d’orientation et de suivi sur les dossiers en donnant notre opinion aux réfugiés, ce qui leur permet d’éviter de payer les coûts de transport pour aller voir ces ONG, dont les bureaux sont tous loin des lieux de résidence des réfugiés. Et surtout, les parajuristes réfugiés sont basés là où les réfugiés vivent. Nous traitons quotidiennement avec les réfugiés dans la mesure où la majorité d’entre nous sont également réfugiés et que nous vivons au sein de la même communauté. Dans la communauté où j’habite et je travaille, nous avons créé un forum grâceauquel les réfugiés peuvent partager leurs idées sur les questions juridiques et de subsistance.

Au cours de ma carrière en tant que parajuriste réfugié, j’ai porté assistance à un grand nombre d’autres réfugiés. Un réfugié congolais, qui conduisait des affaires sans posséder de permis commercial, avait été arrêté au motif qu’il se trouvait à Nairobi de manière clandestine. Les autorités locales avaient précédemment refusé de lui accorder un permis commercial après avoir jugé qu’il ne disposait pas des papiers d’identité adéquats. Je suis intervenu pour obtenir sa libération en prouvant que ses papiers d’enregistrement (les papiers délivrés par les autorités et ceux délivrés par leHCR) lui avaient été remis à Nairobi, ce qui lui donnait donc le droit d’y résider. Suite à sa libération, je l’ai également aidé à obtenir un permis commercial afin qu’il puisse continuer à pratiquerses activités en toute légalité à Nairobi.

J’ai également aidé une réfugiée somalienne qui vivait dans le camp de Dadaab en défendant son cas auprès du Secrétariat chargé des affaires des réfugiés (Refugee Affairs Secretariat, RAS) à Nairobi alors qu’elle était engagée dans des démarches complexes sur le plan logistique pour fournir des papiers en vue de se préparer à rejoindre sa mère, qui avait été réinstallée aux États-Unis. En intervenant en son nom, y compris en l’accompagnant au bureau du RAS, j’ai contribué à éviter tout retard dans ses diverses démarches. 

Il reste encore de grandes mesures à prendre pour que la vie des réfugiés à Nairobi devienne juridiquement sûre. Les parajuristes réfugiés font actuellement pression auprès des autorités du Kenya pour qu’elles appliquent les dispositions de la Loi sur les réfugiés de 2006 afin que les réfugiés bénéficient d’une pleine protection au Kenya. Nous devons également plaider auprès du gouvernement pour qu’il facilite l’intégration locale, ce qui permettrait aux réfugiés de se sentir bienvenus et en sécurité, d’autant qu’un grand nombre d’entre eux ne peuvent pas retourner dans leur pays et que leurs chances de réinstallation sont faibles. L’un des moyens d’y parvenirserait d’établir un programme permanent de sensibilisation ciblant la police et les autres officiers des administrations publiques en vue de renforcer leurs capacités à traiter les cas de réfugiés. Les réfugiés commeles autorités gouvernementales doivent connaître les droits des réfugiés et avoir  le pouvoir et les connaissances requises pour les défendre. Les parajuristes réfugiés de Nairobi travaillent pour que cette vision se concrétise.

 

Musenga Tshimankinda Christian laface.musenga07@gmail.com
Parajuriste réfugié, Nairobi

 

 

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