L’asile dans l’église

L’asile dans l’église, ou sanctuaire, est une pratique visant à soutenir, conseiller et abriter les réfugiés menacés d’être expulsés là où ils pourraient subir des conditions de vie inhumaine, la torture et même la mort. Cette pratique se situe à l’intersection de la bienveillance et de la politique.

Offrir un refuge ou, plus spécifiquement, offrir un sanctuaire ou l’asile dans  l’église, est une forme particulière de bienveillance traditionnelle établie depuis des siècles. Ce que l’on appelle en Allemagne « l’asile de l’église » s’est principalement inspiré de l’American Sanctuary Movement et de mouvements dans d’autres pays européens, et a abouti à la création de la Charte de Groningen en 1987 puis, en 2010, à une Charte commune du  Nouveau mouvement pour le sanctuaire en Europe[1].

Depuis qu’en 1983 une paroisse berlinoise a offert l’asile à trois familles palestiniennes menacées d’expulsion vers le Liban en pleine guerre civile, l’asile dans  l’église s’est répandu dans toute l’Allemagne et il est pratiqué aussi bien par l’Église protestante que catholique. Ces deux Églises ont pris position en faveur des réfugiés et de leurs droits au travers de nombreuses déclarations publiques et ont utilisé l’asile dans l’église comme un instrument pour les protéger et soutenir la revendication de leurs droits.

Un exemple : Dans la petite ville de Braunschweig, les huit membres d’une famille se sont établis : le père, la mère et les six enfants. Ces derniers vont à l’école ou suivent une formation professionnelle. Inopinément, après huit ans de résidence en Allemagne, cette famille reçoit une lettre du Bureau des étrangers (Ausländerbehörde) qui leur demande de quitter le pays quelques jours plus tard. Ils seront expulsés vers le Pakistan, le pays où ils ont été et où ils seront de nouveau persécutés car ils appartiennent à la minorité musulmane des Ahmadis. La veille de la date prévue de leur expulsion, une petite congrégation protestante ouvre les portes de son église à cette famille. Le lendemain, le Bureau des étrangers reçoit une lettre de l’église : « nous vous annonçons que cette famille bénéficie aujourd’hui de l’asile de notre église et qu’elle est donc protégée par notre congrégation ».

L’asile dans l’église est une pratique concrète et tangible. Les personnes qui l’offrent doivent accepter d’oublier leurs projets et leur routine quotidienne afin de réagir immédiatement et aussi pratiquement que possible : ouvrir les portes, créer des espaces où dormir et manger, passer du temps avec les personnes et être là, tout simplement. L’asile dans  l’église protège les personnes contre les autorités, contre les officiers de police qui interviennent à l’aube pour arrêter et expulser les gens. Cette protection est bien physique et non pas symbolique. Les portes de l’église et des presbytères bloquent le passage des pouvoirs publics ; les autorités respectent généralement les terrains des églises comme un espace infranchissable ; enfin, les bénévoles (membres de l’église et du voisinage) et les prêtres maintiennent ces portes fermées, s’adressent aux officiers de police et aux autorités et font le nécessaire pour protéger cet espace sûr et, par là-même, pour protéger les personnes qui, aux yeux de l’État, ne méritent aucune protection.

Bien qu’il n’existe aucun droit officiel à l’asile dans  l’église, l’État respecte le plus souvent ce sanctuaire. Il existe toutefois des exceptions, si bien qu’il arrive que la police pénètre dans une église et l’évacue. Cependant, cela ne se produit jamais sans attirer l’attention du public, c’est-à-dire sans communiqué de presse et sans négociation entre l’église et les fonctionnaires publics. En règle générale, des discussions approfondies ont lieu, d’un côté, entre le prêtre de l’église et son évêque et, d’un autre côté, entre le prêtre et les autorités politiques. De cette manière, l’église tente de garantir qu’à l’avenir la police ne pénétrera pas sur les terrains de l’église et n’expulsera pas les gens par la force. Mais quoi qu’il en soit, pour les personnes et les familles qui ont été expulsées alors qu’elles bénéficiaient d’un asile dans l’église, ces négociations surviennent trop tard.

Par conséquent, l’asile dans l’église se base dans une certaine mesure sur la solidité de l’Église en tant qu’institution. C’est cette institution que l’État respecte lorsqu’il accepte de ne pas pénétrer sur le terrain des églises ou de négocier les exigences d’une église. Cependant, c’est également une pratique ecclésiastique de terrain. En outre, le sanctuaire n’est pas seulement un lieu ni seulement une pratique : il s’agit d’une communauté qui n’est pas prévue par la loi, qui préfère que les réfugiés soient logés dans des centres de détention plutôt qu’autorisés à vivre de manière indépendante. C’est cette communauté qui soutient et qui accompagne les réfugiés dans leur lutte pour « le droit d’avoir des droits ».[2]

 

Birgit Neufert birgit.neufert@kirchenasyl.de travaille pour le Comité œcuménique allemand sur l’asile dans l’église www.kirchenasyl.de et elle est  doctorante à l’Université Georg August de Göttingen.



[1] Charta of the New Sanctuary Movement in Europe : www.kirchenasyl.de/wp-content/uploads/2013/12/Charta-english1.pdf (en anglais)

[2] Arendt, H (1951) Les Origines du totalitarianisme. San Diego: Harcourt Brace & Company, p296.

 

 

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