Guidés par les principes humanitaires

Le travail de Caritas Luxembourg auprès des réfugiés, PDI et migrants en Colombie, au Liban et au Luxembourg illustre comment, selon le cas, une organisation confessionnelle peut se trouver avantagée ou désavantagée par les convictions qui sous-tendent son action et comment elle doit respecter les normes humanitaires.

Caritas Luxembourg est un membre du réseau international de Caritas Internationalis, inspiré par la doctrine catholique sociale. Elle se définit comme une organisation non discriminatoire, respectueuse des principes humanitaires internationaux ainsi que des cultures et des coutumes. La collaboration entre Caritas Luxembourg et son principal bailleur de fonds, le ministère luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, se base sur une conception de Caritas Luxembourg et de ses partenaires en tant qu’organisations professionnelles, sans but lucratif et respectueuses des normes humanitaires, qui n’utilisent pas leurs ressources humaines ou financières à des fins de prosélytisme. Les partenaires de Caritas Luxembourg s’engagent contractuellement à respecter les normes et les principes humanitaires, tandis que Caritas Luxembourg déploie des efforts considérables pour suivre la performance de ces partenaires dans tous les champs d’action.

Au Liban et en Colombie, Caritas Luxembourg travaille via les branches nationales Caritas et d’autres partenaires locaux, ce qui lui donne un ancrage dans le contexte local. Son partenaire Caritas Liban a porté assistance à des milliers de personnes au cours de la guerre civile, indifféremment de leur confession, et cette approche désintéressée se confirme encore aujourd’hui dans ses activités de secours auprès des réfugiés syriens. Le lien entre Caritas et une confession particulière joue parfois en sa faveur. Au Liban, les travailleurs domestiques migrants ont rarement l’autorisation de quitter leur lieu de travail. Toutefois, comme il s’agit d’un pays profondément religieux, les employeurs lèvent souvent cette interdiction pour permettre à leurs employés de pratiquer leur religion. Ainsi, de nombreux travailleurs domestiques migrants maltraités entre en contact avec Caritas par l’entremise de ses services  pastoraux, un mécanisme que les organisations sans appartenance confessionnelle ne peuvent pas faire jouer aussi facilement.

En Colombie, la Conférence épiscopale a participé aux négociations et à la médiation dans les processus de paix en endossant différents rôles, par exemple observateur ou médiateur, sans jamais manquer de souligner l’importance du dialogue et de la réconciliation et de soulever la question des inégalités socio-économiques, indissociable du conflit. L’église est également parvenue, dans une certaine mesure, à gagner la confiance des différentes parties au conflit armé, et elle a pu user à plusieurs reprises de cette position privilégiée pour faciliter le dialogue entre les parties, entrer en contact avec les victimes et prévenir de nouvelles violences.

Le professionnalisme avant tout

Pour contrer les éventuels désavantages de l’identité catholique de Caritas, l’organisation a décuplé ses efforts au fil des années pour démontrer son professionnalisme, notamment, et avant tout, en mettant en pratique son énoncé de mission : « nous portons assistance aux  personnes du monde entier, indifféremment de leur religion, de leur sexe, de leur naissance, de leurs opinions, de leur appartenance, de leur âge, de leur langue ou de tout autre statut ». Au Liban, on a pu observer qu’en raison du professionnalisme de Caritas et de l’inclusion des musulmans aux côtés des chrétiens parmi son personnel et ses bénévoles, la population associe notre organisation à l’assistance plutôt qu’à la religion.

Caritas Luxembourg soutient des centaines de migrants, de demandeurs d’asile et de réfugiés au Luxembourg même, dont certains sollicitent spécifiquement notre assistance en tant qu’organisation catholique. Ce flux de population présente des origines religieuses diverses et, bien entendu, une diversité d’attentes et d’expériences relativement aux organisations confessionnelles, qui influencent parfois leur conception de Caritas. Notre personnel est conscient que certains migrants évitent d’approcher Caritas pour solliciter son assistance, animés par la crainte, pourtant sans fondement, que la sélection des bénéficiaires soit basée sur des critères confessionnels. Conscient de ces difficultés et de ces idées fausses, le personnel de Caritas Luxembourg rassure les migrants en confirmant qu’ils ne seront absolument jamais sélectionnés ou rejetés sur la base de leur religion. Les informations sur les services de Caritas Luxembourg ne sont pas seulement distribuées via des réseaux confessionnels, mais aussi via des réseaux de communication professionnelle, les autorités publiques et les services de police. La résidence temporaire pour demandeurs d’asile gérée par Caritas au Luxembourg est délibérément conçue comme un espace multiculturel où le prosélytisme n’a aucune place.

La spiritualité et la croyance religieuse sont la source d’inspiration fondamentale, le point de référence et la motivation première des organisations confessionnelles, qui disposent de nombreux avantages comparatifs lorsqu’elles travaillent auprès des migrants mais qui doivent également appliquer une politique de « zéro tolérance » vis-à-vis du prosélytisme et de la discrimination et ne jamais compromettre les principes humanitaires.

 

Andreas Vogt Andreas.VOGT@caritas.lu est directeur de la Coopération internationale et Sophie Colsell Sophie.COLSELL@caritas.lu est assistante de projets en Coopération internationale, chez Caritas Luxembourg. www.caritas.lu

 

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