Une réponse confessionnelle adaptée pour les Chins de l’État indien du Mizoram

La communauté confessionelle dans l’État du Mizoram en Inde joue un rôle important dans la fourniture des services sociaux, l’évolution du comportement et de la perception de la population générale vis-à-vis des réfugiés et l’élargissement de l’accès et de l’assistance, parvenant à atteindre les personnes les plus vulnérables là où il n’y a aucune présence internationale.

Depuis le soulèvement pro-démocratie en Birmanie, les réfugiés ethniques Chin ont fui vers l’État indien du Mizoram, qui jouxte l’État de Chin, dans l’ouest de la Birmanie. En raison de leur emplacement reculé et des restrictions imposées par le gouvernement aux étrangers souhaitant se rendre dans l’État du Mizoram, les réfugiés chins ont été largement négligés par la communauté internationale. En l’absence de l’UNHCR (le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés) et de toute autre assistance humanitaire internationale, les Chins souffrent d’un manque de protection et d’assistance humanitaire tandis que les ressources et les infrastructures du Mizoram doivent assumer le fardeau de leur prise en charge.

Lorsque les réfugiés sont arrivés à la fin des années 1980, les autorités indiennes leur ont fourni de quoi se loger et se nourrir. Ces services ont toutefois été interrompus au bout de quelques années et, depuis, les Chins rencontrent de nombreuses difficultés. Bien qu’ils aient fui les persécutions, l’Inde ne les reconnaît pas comme réfugiés ; les habitants de l’État du Mizoram (les « Mizos ») les considèrent avant tout comme des migrants économiques qui, selon eux, ont fui la pauvreté généralisée, et sont surtout soucieux du fardeau qu’ils représentent pour leur État.

En dépit de certaines évolutions positives que les autorités birmanes ont connues ces dernières années, le rapatriement volontaire vers la Birmanie reste en général peu viable, si bien qu’il sera nécessaire de garantir l’intégration sûre et humaine des Chins par l’entremise des églises, des ONG et des autorités du Mizoram, avec l’appui des autorités centrales et de la communauté internationale. À l’occasion d’une suspension temporaire des restrictions de déplacement en avril 2011, je me suis rendue au Mizoram où j’ai pu constater le rôle crucial de l’Église, qui fournit des services sociaux essentiels aux Mizos comme aux Chins, identifie et sert les réfugiés les moins bien desservis et cherche à créer un sentiment de communauté et d’inclusion pour les de Chins résidant dans leur État.

L’Église, les autorités et les chefs communautaires du Mizoram parlent des Chin comme de leurs « frères et sœurs » car ils sont eux aussi chrétiens et qu’ils partagent les mêmes racines ethniques. Il ne faut pas sous-estimer l’influence de la Christianité dans le quotidien du Mizoram, d’autant plus que les confessions chrétiennes de cet État s’efforcent non seulement de répondre aux besoins spirituels de la communauté mais aussi à leurs besoins physiques, émotionnels et intellectuels via des hôpitaux, des cliniques, des centres de soins, des orphelinats, des foyers, des écoles et des programmes communautaires de développement et d’assistance dirigés par l’église.

Contributions des organisations confessionnelles

L’une des principales questions que j’ai posées au cours de ma visite concernait le rôle que jouait la société civile, et notamment les organisations confessionnelles (OC), en matière d’assistance et de protection des réfugiés dans une région où il n’y a ni protection ni assistance internationale. Les groupes confessionnels du Mizoram fournissent des services sociaux essentiels aux réfugiés, tandis que les hôpitaux et cliniques dirigés par l’Église complètent les systèmes sanitaires et éducatifs publics et comblent les carences pour veiller à ce que les personnes les plus pauvres, dont la plupart des réfugiés font partie, puissent recevoir des soins de santé et une éducation au Mizoram. Un grand nombre de ces hôpitaux et de ces cliniques absorbent également les coûts des soins de santé des Mizos les plus pauvres. Comme les Chins et les Mizos partagent la même religion, l’Église sert depuis longtemps ces deux communautés via des projets de développement.

Par exemple, en 2011, l’Église baptiste du Mizoram (EBM) a mis en place le projet Lydia pour porter assistance aux Chins déplacés et aux résidents locaux à faible revenu, en partenariat avec deux autres confessions, l’Église baptiste Lairam de Jésus-Christ et l’Église baptiste Zomi. Pour commencer, l’EBM a mené une enquête auprès de 10 000 individus (pour recueillir les noms des déplacés, analyser leurs besoins humanitaires et déterminer pour quelle raison chacun était venu au Mizoram) puis elle a mis au point des programmes de développement pour servir les personnes les plus vulnérables et celles qui étaient installées depuis le plus longtemps au Mizoram. Elle a également mis en place 33 groupes d’entraide (composés à 80 % de Chins et à 20 % de résidents locaux), comprenant chacun entre 7 et 15 membres, qui apportent chaque mois une contribution financière déposée dans un compte en banque à leur nom. Enfin, elle a mis en place un programme axé sur le développement des jeunes et un autre sur les services de conseil à la communauté.

Le projet Lydia se compose de petits sous-projets générateurs de revenus pour ces groupes et travaille également à la sensibilisation, par exemple en faisant mieux connaître les possibilités de financement par l’État. Le projet inclut également des activités d’éducation et de réconciliation. Le département de secours et de développement de l’EBM assure la coordination générale avec les autres églises et les communautés chins dans les zones du Mizoram présentant une forte concentration de réfugiés. Les responsables du projet, quant à eux, soulignent à quel point il est critique de ne pas séparer les Chins de la population locale dans le cadre de l’assistance humanitaire.

Bien que les réfugiés ne bénéficient d’aucune reconnaissance juridique, le projet Lydia leur a apporté un certain degré d’autonomisation ainsi qu’un espace sûr au sein duquel il est possible d’entamer un dialogue communautaire en vue de résoudre les tensions entre les communautés d’accueil et de réfugiés. En refusant d’identifier séparément les réfugiés en tant que population dans le besoin, le projet est mieux accepté par la communauté locale et, comme les Chins et les Mizos suivent ensemble les mêmes formations, le projet a permis de forger des relations de travail qui contribueront à créer un environnement plus favorable pour les réfugiés. Le projet a également identifié et servi certaines des zones et des populations les moins bien desservies du Mizoram, en travaillant avec les réseaux d’églises issues de trois confessions dans des zones qui sont difficiles d’accès même pour les fonctionnaires des autorités locales.

Les OC fournissent des services communautaires exhaustifs en associant l’assistance à la promotion d’attitudes et de perceptions plus favorables vis-à-vis des migrants résidant dans leur communauté. La reconnaissance et la protection juridiques ne sont pas les seuls éléments fondamentaux de la protection des réfugiés : leur acceptation par la communauté locale est tout aussi importante. Dans un État ou presque tous les agents chargés de l’application des lois, les élus et les fonctionnaires vont à l’église, on ne saurait surestimer la capacité de l’église à faire évoluer la perception publique des immigrants.

En plus de tenter de répondre aux besoins éducatifs et physiques des réfugiés en leur apportant une assistance via leurs hôpitaux et leurs écoles, les Églises ont également entrepris des activités éducatives pour aider la communauté du Mizoram à mieux comprendre la communauté chin et, selon une perspective religieuse, à comprendre comment elle devrait accueillir et s’occuper des Chins vivant avec elle. Par exemple, l’Église baptiste du Mizoram a organisé plusieurs événements éducatifs portant sur la perspective théologique de l’assistance à l’immigrant. Elle a distribué des brochures aux églises, organisé des événements éducatifs publics et, dans certaines églises, pris la parole depuis la chaire pour parler de la réponse chrétienne à l’immigration. Le synode de l’Église presbytérienne du Mizoram a engagé un pasteur pour s’adresser particulièrement aux Chins établi à Aizawl, la capitale de l’État. En plus de ses activités de mission, d’évangélisation et de service social, il coordonne un groupe de prière mensuel nommé « Prière pour la Birmanie » qui inclut l’ensemble des églises chins et des communautés de croyants d’Aizawl.

En parlant au nom des membres vulnérables de leur communauté, les Églises ont, par le passé, contribué à empêcher des activités anti-Chin et elles continuent aujourd’hui de fournir des enseignements essentiels pour que la communauté n’accepte pas seulement les réfugiés Chin, mais pour qu’elle les accueille chaleureusement en son sein. Alors que la Birmanie connaît actuellement une période de changement, de grandes possibilités apparaissent pour poursuivre une nouvelle approche d’échelle régionale qui apportera une protection et des solutions durables au Chins par l’entremise des OC locales, qui sont des agents de confiance, en opération depuis plusieurs décennies dans la région. En plus de mettre en place des activités de secours et de développement absolument indispensables, ces organisations peuvent également utiliser leur influence pour modifier les attitudes et les perceptions des communautés d’accueil vis-à-vis des réfugiés installés parmi elles.

 

Jenny Yang jyang@wr.org est présidente de la division Plaidoyer et politique de World Relief. www.worldrelief.org

 

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