Réflexions culturelles de jeunes afghans établis au Canada

Le respect pour les aînés constitue un aspect central de la culture afghane, que ce soit envers les parents, les grands-parents ou les frères et sœurs plus âgés de la même famille. Il existe de multiples manières d’exprimer physiquement ce respect, par exemple en baissant les yeux devant un aîné ou en le regardant indirectement lorsque vous vous adressez à lui, ou en lui offrant sa place pour qu’il puisse s’asseoir. Des entretiens menés auprès de jeunes réfugiés afghans qui se sont installés à Vancouver (Canada) au cours de leur adolescence indiquent qu’ils sont unanimement satisfaits d’avoir réussi à préserver de solides liens intergénérationnels mais qu’ils apprécient également l’influence des normes sociales occidentales. C’est le cas de ce jeune homme de 23 ans qui nous a confirmé qu’en pouvant regarder ses aînés dans les yeux, il est plus à-même de juger leurs réactions lorsqu’il s’adresse à eux, ce qui constitue un aspect important de la communication. Il considère également qu’en étant traité d’une manière quasi égale à celle de ses frères et sœurs aînés, il peut entretenir des relations sociales plus amicales avec ceux-ci.

Toutes les personnes interrogées ont indiqué regretter qu’un certain degré de «déconnexion» se soit installé entre eux et leurs parents car, en raison de leurs études et de leur travail, ils ne passent pas assez de temps avec eux. Certains ont toutefois imputé ce sentiment au manque de familiarité des parents avec la société occidentale qui les rend peu aptes à orienter l’éducation et la carrière de leurs enfants.

Les jeunes jouissent d’une plus grande liberté pour choisir leur époux ou épouse, ce qui peut être dû tout autant à l’évolution de la perception traditionnelle du mariage parmi les Afghans qu’à un choix pragmatique de s’adapter à des circonstances différentes, c’est-à-dire la moindre probabilité de trouver dans un pays étranger un époux ou une épouse issu(e) du même groupe ethnique. En revanche, d’autres normes culturelles relatives aux relations restent bien ancrées: tous les jeunes s’accordent à dire que l’idée de fréquenter quelqu’un sans s’engager demeure inacceptable.

Une grande partie des personnes interrogées ont signalé un changement comportemental fondamental envers les différences entre hommes et femmes, changement qui se traduit par une plus forte participation des femmes dans les affaires familiales ou religieuses au sein de la communauté afghane. Selon les mots d’une jeune femme d’une vingtaine d’années: «l’autre aspect qui a changé grâce à la réinstallation au Canada, c’est l’encouragement, le respect [et] l’appréciation des femmes par les hommes». Toutefois, certains ménages perpétuent les différenciations traditionnelles basées sur le sexe, telle que la famille de cette jeune femme de 25 ans qui, fidèle à la tradition, affirme que seules les femmes doivent remplir tous les travaux domestiques, ce qui pose des problèmes à la jeune femme qui doit aussi gérer un programme d’études bien chargé à l’université. Bien qu’elle accepte que sa famille désire respecter la tradition afghane, elle reste pragmatique et espère que les choses vont changer.

Plusieurs réfugiés afghans appartenaient à la branche religieuse des chiites ismaéliens nizarites, généralement appelés Ismaéliens. Leur participation à des programmes bénévoles dirigés par des institutions ismaéliennes locales les aide à développer un sentiment d’appartenance et facilite l’établissement de liens avec d’autres jeunes ismaéliens aux origines différentes, tandis que les événements sociaux ismaéliens offrent aux jeunes Afghans la possibilité d’exprimer leur héritage de multiples manières, y compris par le chant, la danse et la tradition culinaire. La plupart des jeunes interrogés ont affirmé que, même s’ils considèreront toujours l’Afghanistan comme «chez eux», ils ont trouvé un deuxième chez-eux à Vancouver.

 

Al-Rahim Moosa al-rahim.moosa@focushumanitarian.org travaille comme administrateur de programmes pour les réfugiés et les PDI chez Focus Humanitarian Assistance (FOCUS) Canada. Affilié au Réseau Aga Khan de développement, FOCUS a contribué à faciliter la réinstallation des réfugiés afghans au Canada dans les années 1990 et 2000.

 

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