Un partenariat inégal : les prestataires de service de réinstallation en Australie

En Australie la relation entre le gouvernement et les prestataires de services de réinstallation pour les réfugiés sous contrat du gouvernement doit se fonder sur davantage d’autonomie et de confiance. 

En septembre 2015, le gouvernement australien a annoncé qu’il allait fournir 12 000 places supplémentaires pour réinstaller des réfugiés venant de Syrie et d’Irak, ce qui soulève la question de savoir comment il entend organiser leur réinstallation. En Australie, le gouvernement compte sur les organisations de la société civile (OSC) pour remplir ses engagements en matière de réinstallation des réfugiés mais donne peu d’indications sur la manière dont il entend soutenir les OSC pour leur permettre de faire face à une telle augmentation de leur charge de travail.

Les OSC australiennes sont les principaux acteurs du soutien apporté aux réfugiés qui sont en voie de devenir des citoyens, ce sont elles qui plaident pour obtenir la couverture de leurs besoins tout en leur apportant un soutien immédiat et plus continu en termes de logement, de santé et d’éducation. En Australie, à la fin du vingtième siècle, les OSC ont été encouragées à adopter un nouveau modèle de gestion publique qui mettait l’accent sur la concurrence et la privatisation. Les OSC devaient répondre à des appels d’offre pour l’attribution de contrats de service du gouvernement, ce qui est maintenant devenu la norme en matière de prestation de soutien à la réinstallation des réfugiés, et ces obligations contractuelles mettent en danger l’autonomie des OSC ainsi que le mode de partenariat qu’elles ont avec le gouvernement.

Le soutien immédiat aux réfugiés après leur arrivée dans le pays est adjugé par contrat à une série d’OSC. Les services de réinstallation fournis par ces OSC incluent des services d’assistance à l’arrivée, d’information, d’orientation (vers les agences gouvernementales qui fournissent des revenus, des soins de santé, etc.) et de logement. Après une période de six à douze moins, les réfugiés peuvent avoir accès à un Programme de subventions à la réinstallation (Settlement Grants Program - SGP) qui est également sous-traité à des OSC chargées d’aider les réfugiés à acquérir une série de compétences variées, comme par exemple d’apprendre à conduire ou à développer sa carrière.  

Des ressources limitées

Même s’il y a peu d’homogénéité dans les types de soutiens qu’elles proposent aux réfugiés, les différentes OSC australiennes sont toutes touchées de manière similaire par les ressources qui leur sont attribuées et qui déterminées par les contrats gouvernementaux. Les travailleurs de première ligne de ces agences éprouvent tous des difficultés à couvrir les besoins de leurs clients réfugiés parce qu’ils ne réussissent pas à trouver des locaux adaptés pour leurs programmes à l’intention des réfugiés et qu’ils n’ont pas suffisamment de personnel pour répartir la charge de travail et remplir les obligations administratives liées à leurs contrats.  

Une des principales difficultés pour les travailleurs de première ligne tient au fait par exemple qu’ils doivent couvrir les besoins de leurs clients réfugiés avec du personnel à temps partiel. En Australie, il est traditionnel dans les OSC d’avoir des employés à temps partiel, et en conséquence beaucoup de ces organisations sont contraintes de faire appel à des bénévoles pour s’occuper de leurs programmes pour les réfugiés, une situation que soutient la Stratégie nationale sur le bénévolat du gouvernement. D’une part, les dispositions contractuelles du gouvernement, en limitant les ressources dont disposent les OSC pour employer des travailleurs à plein temps, provoquent un écart entre les ressources attribuée et les besoins des réfugiés, et d’autre part, le gouvernement démontre sa préoccupation à l’égard du bien-être des communautés réfugiées en encourageant le bénévolat au sein de la société civile afin de combler ce manque de ressources. Les OSC se voient donc dans l’obligation de trouver des solutions novatrices pour réussir à couvrir les besoins dans ce qui très clairement est en train de devenir un environnement de plus en plus précaire pour la réinstallation des réfugiés.

Il devient de plus en plus difficile pour les OSC de remplir leurs responsabilités à l’égard des réfugiés dans le cadre des structures de marché que leur imposent les programmes de réinstallation des réfugiés du gouvernement. Les OSC cherchent à défendre les besoins individuels des réfugiés à un niveau décisionnel et politique face au gouvernement. Toutefois, défendre les réfugiés, particulièrement au niveau politique est difficile pour des organisations qui se trouvent constamment dans une relation contractuelle avec le gouvernement.  

Il est courant, au sein des OSC, de considérer que leur relation contractuelle avec le gouvernement les prive de toute possibilité de mener un véritable travail de plaidoyer. La réintroduction en 2014 par exemple, de Visas de protection temporaire (Temporary Protection Visas - TPV) empêche les OSC de fournir une gamme complète de services de soutien aux réfugiés dans la mesure où ceux d’entre eux qui sont soumis à ce type de visas n’ont pas accès aux mêmes types de programmes d’éducation ou de formation que ceux destinés à d’autres arrivants humanitaires ; bien plus, les OSC voient leurs capacités à défendre la cause de ces réfugiés dont la réinstallation est incertaine et sujette à révision tous les trois ans drastiquement limitées.  

Recommandations

Alors que le gouvernement australien qualifie sa relation avec les OSC de partenariat, dans la réalité cette relation est inégale et le gouvernement fait peu de cas des opinions et des préoccupations des OSC en matière de réinstallation des réfugiés.

…on observe un décalage culturel absolu et total entre les organisations de la société civile comme la mienne et le gouvernement, nous sommes totalement en décalage sur la question des réfugiés. Il est impératif de modifier la manière dont les contrats sont rédigés et il faut également modifier les relations, et cela doit se faire sur un pied d’égalité dans le cadre d’un partenariat authentique dans le véritable sens du terme. (Responsable d’une OSC)

Les travailleurs de première ligne et les responsables d’OSC sont bien conscients qu’une relation contractuelle avec le gouvernement est la norme ; ils affirment toutefois que cette collaboration doit s’axer autour d’un objectif principal de couvrir les besoins des réfugiés, y compris de ceux qui ne détiennent que des visas temporaires. Afin d’assurer un soutien effectif aux OSC australiennes dans leurs efforts de réinstallation des nouveaux réfugiés sans remettre en cause les processus établis par le gouvernement de sous-traitance des service aux réfugiés, nous proposons l’adoption des recommandations suivantes :

  • Les contrats gouvernementaux doivent prioriser les besoins en ressources des OSC pour qu’elles soient en mesure de remplir leurs obligations en matière de prestation de services à l’égard des réfugiés.
  • Le gouvernement doit utiliser l’expertise des OSC dans le domaine de la réinstallation des réfugiés, au-delà de simples conversations avec les gestionnaires de contrat, de manière à encourager des perspectives différentes sur la manière optimale de soutenir la réinstallation des réfugiés.
  • Au moment où certaines zones rurales d’Australie deviennent rapidement des sites principaux pour la réinstallation de réfugiés syriens, les OSC qui y travaillent nécessitent une amélioration et un renforcement de leurs infrastructures et de leurs réseaux sociaux afin de pouvoir soutenir adéquatement la réinstallation des réfugiés.

 

Renforcer la responsabilité des OSC ainsi que le niveau de ressources qui leur est accordé devrait pouvoir améliorer les perspectives pour les réfugiés au moment où ils se réinstallent dans leur nouveau pays. Des relations gouvernement/OSC respectueuses - un véritable partenariat – devraient contribuer à améliorer les stratégies de réinstallation de l’Australie.

 

Niro Kandasamy nkandasamy@student.unimelb.edu.au
Doctorant, Université de Melbourne; Chercheur en sciences sociales, Anglicare Victoria www.anglicarevic.org.au

 

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