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Désarmement, démobilisation et réintégration: opportunités à saisir en situation post-conflit

Un certain nombre de facteurs convergents peuvent transformer les contextes post-conflit en environnements où le risque de propagation du VIH est élevé. Pendant les conflits armés, la perte de tout accès aux services essentiels que sont les soins de santé, l’éducation et l’information peut laisser les communautés sans les connaissances ou les moyens nécessaires pour se prémunir du VIH lorsque les combats prennent fin. Un certain nombre d’évolutions

Un certain nombre de facteurs convergents peuvent transformer les contextes post-conflit en environnements où le risque de propagation du VIH est élevé. Pendant les conflits armés, la perte de tout accès aux services essentiels que sont les soins de santé, l’éducation et l’information peut laisser les communautés sans les connaissances ou les moyens nécessaires pour se prémunir du VIH lorsque les combats prennent fin. Un certain nombre d’évolutions
bienvenues en termes de relèvement national (reprise du commerce et des transports, retour des populations déplacées et des anciens combattants au sein de leur communauté, amélioration de l’accès pour les programmes humanitaires et de développement) s’accompagnent également de nouveaux types d’interaction parmi la population, y compris la possibilité de l’exploitation d’autrui, et de nouveaux risques de propagation du VIH.

Même si les violences armées ont pris fin, les économies affaiblies mettent du temps à se redresser, condamnant de nombreuses communautés à la pauvreté. Dans les situations postconflit, les nouveaux espoirs de paix et de relèvement coexistent parfois aux côtés du chômage, de l’indigence et du désespoir, à cause desquels les individus se tournent bien trop
souvent vers l’alcool, la toxicomanie ou d’autres comportements à risque. Là où les femmes ont endossé de nouvelles responsabilités et un rôle décisionnaire pendant que les hommes étaient au combat, le retour des hommes à la vie civile (et souvent au chômage) est parfois
lié à une augmentation de la violence conjugale. Tous ces facteurs peuvent entraîner une épidémie de VIH, qui peut venir s’ajouter aux défis déjà difficilesà relever que sont la consolidation de la paix et la reconstruction.

Pourtant les environnements postconflit offrent également des possibilités uniques de minimiser le risque d’une telle épidémie. Les anciens combattants (aussi bien des forces militaires que des groupes armés non étatiques), de même que les femmes et les enfants
liés aux groupes armés, sont considérés comme des populations particulièrement exposées au risque de VIH, étant donné leur âge, leurs schémas de mobilité et leurs expériences des conflits. Les risques que doivent prendre les forces armées et les groupes armés sont
également reconnus comme des facteurs multipliant la possibilité d’expositionà l’infection. Si les violences sexuelles et d’autres formes d’exploitation sexuelle ont eu lieu pendant les conflits, alors les femmes, qu’elles soient anciennes combattantes, associées aux forces et groupes armés, femmesà charge ou victimes d’enlèvement, présenteront généralement un risque élevé d’infection par le VIH et d’autres maladies sexuellement transmissibles (MST). Les processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), qui aident les anciens combattants à réintégrer la vie civile, peuvent être élaborés de manière à identifier et diminuer les risques de VIH et aussi de renforcer les programmes nationaux et locaux de prévention et de soins.

Un programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) a pour objectif d’aider les anciens combattants à réintégrer la vie civile et d’empêcher ainsi l’apparition des problèmes sécuritaires susceptibles de survenir lorsque les combattants se retrouvent sans moyen de subsistance et sans réseau de soutien au cours de la transition de la guerre à la paix. Le désarmement comprend la collecte et la mise au rebut des armes, des munitions,
des explosifs et des armes lourdes et légères. La démobilisation implique la libération formelle et contrôlée des forces et groupes armés. La réintégration est le processus socio-économique
par lequel les anciens combattants retrouvent un emploi durable et salarié au sein de leur communauté.

Sensibilisation au VIH et programmes DDR

Vingt ans de démobilisations nationales dans des pays touchés par le VIH ont contribué à l’élaboration de normes pour la prévention contre le VIH, intégrées aujourd’hui aux rogrammes
DDR. Par exemple, selon les autorités sanitaires de l’armée éthiopienne, le retour des conscrits et des combattants dans leur communauté après la fin de la guerre d’indépendance rythréenne en 1991 s’est révélé un important facteur de transmission dans l’épidémie en Éthiopie. En s’appuyant sur cette expérience, elles ont mis en place une campagne de prévention contre le VIH de grande envergure parmi les forces armées au cours de la guerre
frontalière de 1998-2001 avec l’Érythrée. Ensuite, elles ont formé les troupes qui allaient être démobilisées à éduquer les individus sur le VIH et impulser le changement une fois de retour dans leur communauté. Au Mozambique, la distribution de bons d’alimentation, de logement ou de formation aux anciens combattants s’est révélée être un meilleur facteur de réintégration à
la vie civile que la distribution d’argent liquide. Les anciens combattants dépensent souvent rapidement l’argent liquide qu’ils reçoivent, et parfois d’une manière qui augmente
directement les risques de transmission du VIH (alcool, prostitution), comme il a été constaté au cours des premiers jours, mal gérés, du processus DDR au Libéria. 1 Au Timor Leste, où peu
de possibilités d’emploi s’offraient initialement aux anciens combattants, la frustration de ces derniers les a incités à la consommation de drogues et d’alcool et a entraîné une hausse de la
violence conjugale – ces comportements constituant tous des facteurs de risque d’infection par le VIH. Lorsque les programmes relatifs aux moyens de subsistance et au crédit ont été
introduits, la situation s’est améliorée.

En 2000, lorsque le Conseil de sécurité de l’ONU a voté la Résolution 1308 sur le VIH et la sécurité3, il était largement admis que les périodes post-conflit constituaient un moment critique pour les interventions relatives au VIH. Cette résolution soulignait l’importance
de la sensibilisation au VIH et de la prévention, aussi bien pendant le processus de maintien de la paix que pendant la démobilisation. Au cours de la même année, la Résolution 1325 du
Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité4 mettait en lumière les risques spécifiques posés aux femmes et aux filles en situation de conflit de même que l’attention insuffisante portée aux femmes, aux filles et aux enfants au cours des processus de démobilisation passés. Au cours des années suivantes, alors que l’ONU participait à un nombre
croissant d’opérations de consolidation de paix et de relèvement, il est devenu clair à quel point il était important que les programmes DDR intègrent la sensibilisation aux spécificités sexuelles et au VIH. Plusieurs programmes de dépistage systématique et de formation ont alors vu le jour, auxquels prenaient part différentes agences dans différents pays. Toutefois ces programmes ne prenaient pas en compte le caractère endémique de la maladie et leur qualité (voire même leur disponibilité) variait fortement.

Normes intégrées DDR

Afin de consolider les leçons apprises sur la DDR et d’établir des normes de base, le Groupe de travail interorganisations (GTI) de l’ONU sur la DDR a été créé en 2005 avec pour mission d’élaborer une approche de la DDR qui sera adoptée à travers l’ensemble du système onusien.
Le GTI a travaillé pendant plus d’un an à la collecte et à l’analyse des leçons puis a lancé des Normes intégrées DDR (IDDRS)5 en décembre 2006. Les IDDRS constituent un ensemble
complet de directives couvrant tous les aspects techniques et opérationnels du processus DDR. Elles s’accompagnent de modules pour un certains nombre d’aspects « transversaux », y compris les sexospécificités, les droits de la personne et le VIH. Les directives en matière de VIH renforcent l’idée que les programmes DDR sont un point d’entrée crucial pour aborder la question du VIH et partagent les principales leçons tirées d’initiatives dans divers pays.

Depuis l’adoption des normes, le Sousgroupe de travail sur les sexospécificités, le VIH et la DDR travaille auprès de plusieurs missions de l’ONU pour intégrer les sexospécificités et le VIH au processus de DDR. Des financements ont été apportés par ONUSIDA, les gouvernements britannique et irlandais et la Commission européenne pour mettre en oeuvre des programme
DDR-VIH dans plusieurs pays, parmi lesquels le Soudan, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Népal, la Colombie, le Liberia, la Sierra Leone et la RDC. Alors que les facteurs politiques et
opérationnels influencent fortement les progrès généraux de la DDR et entravent son évolution, l’utilisation des directives s’est considérablement développée, tout comme la prise en compte de la question du VIH dans de nombreux processus DDR.

Les expériences à ce jour indiquent que, pour réduire les risques d’infection au VIH, il faudra coordonner un plus grand nombre de secteurs qu’initialement envisagé et renforcer les liens avec d’autres domaines tels que la santé reproductive, les sexospécificités, les violences sexistes, la sécurité communautaire et les moyens d’existence, afin d’adopter une approche
exhaustive et multisectorielle au niveau national et local. Pour construire la base de connaissances nécessaire à cette programmation, le PNUD, l’UNFPA et le DOMP, en partenariat avec le Sonke Gender Justice Network et le Centre international de recherche sur les
femmes, mènent actuellement des études et des analyses opérationnelles sur le terrain dans quatre ou cinq pays. Cette initiative de recherche (de juin 2010à décembre 2011) est soutenue entre autres par la Commission européenne, ce qui indique que les donateurs
commencent à apprécier à quel point il est important d’associer le VIH aux initiatives du secteur de la sécurité.

Leçons tirées, réussites et obstacles

De nombreuses leçons apprises jusqu’alors n’ont rien de surprenant. L’expérience montre que les périodes de « cantonnement » (lorsque les anciens combattants sont regroupés après le désarmement et avant le retour à la vie civile) peuvent être consacrées, crucialement, au dépistage et aux efforts d’éducation, y compris la sensibilisation au VIH et la fourniture
de trousses de prévention. Les politiques de réintégration communautaire fonctionnent mieux si l’on y incorpore la prévention contre le VIH comme une priorité non seulement pour les
anciens combattants mais aussi pour les communautés d’accueil et les réfugiés de retour ; de tels programmes peuvent même créer des points communs entre des groupes ayant vécu des expériences entièrement différentes en temps de guerre. Il semble également de plus en
plus évident que les programmes de formation et d’emploi qui garantissent la subsistance des individus ne sont pas seulement critiques pour le relèvement économique national, mais
constituent également un élément-clé de la prévention contre le VIH puisqu’ils offrent une alternative à l’industrie du sexe et diminuent la prévalence d’autres comportements à haut risque.

L’expérience indique qu’aborder le VIH pendant le processus DDR a un effet catalyseur et peut servir de point de départ pour aborder plusieurs autres questions sensibles telles que les violences sexistes et l’inégalité entre hommes et femmes parmi les forces et les groupes armés. L’inclusion d’activités relatives au VIH dans les programmes de réintégration présente aussi l’avantage supplémentaire de sensibiliser les individus aux besoins des femmes combattantes et des femmes et des enfants associées aux forces armées, comme c’est le cas au Soudan.

Des interventions réussies en Sierra Leone, au Liberia, au Niger, au Népal, au Soudan et en Côte d’Ivoire ont montré que la présence de personnel spécialisé au sein d’une intervention DDR nationale permet d’intégrer avec bien plus de succès les questions relatives au VIH.

Bien que des progrès aient eu lieu pour intégrer le VIH à la phase de démobilisation, la phase de réintégration rencontre toujours de nombreuses difficultés. Pourquoi? Parmi ces difficultés se trouvent l’absence d’expertise technique spécialisée sur le terrain; l’absence de sensibilisation au VIH parmi les principaux responsables de l’élaboration des politiques; l’insuffisance des ressources financières; et des liaisons mal articulées entre les programmes
DDR-VIH et les stratégies nationales de lutte contre le VIH. Il est critique d’intégrer aux cadres nationaux de lutte contre le VIH les besoins des forces armées démobilisées et des personnes
à leur charge. Bien trop souvent, les commissions nationales sur le VIH/ sida, nouvellement établies, négligent totalement le secteur de la sécurité.

Le processus DDR offre l’occasion d’atteindre les groupes vulnérables, contribuant ainsi à un relèvement efficace et consolidant le développementà long terme. L’intégration du VIH/
sida aux processus DDR est vitale pour le bien-être des anciens combattants de sexe masculin et féminin, des femmes et des enfants associés aux groupes armés et de leur communauté
d’accueil. S’ils se sentent engagés et sont correctement formés aux questions relatives au VIH, les anciens combattants ont le potentiel de devenir des « agents du changement » en aidant leur communauté à prévenir les infections.

 

Priya Marwah (marwah@unfpa.org) est spécialiste des programmes pour la Branche d’intervention humanitaire/ Division des programmes de l’UNFPA et Pamela DeLargy (delargy@unfpa.org) est conseillère principale au Bureau régional des États arabes de l’UNFPA (http://www.unfpa.org). Lara Tabac (lara.tabac@undp.org) est coordinatrice de programmes pour le département de Planification et de généralisation du développement, Pratique du VIH, pour le Bureau de politique de développement du PNUD (http://www.undp.org/french/).

1. Consultez http://tinyurl.com/UN-LiberiaDDR
2. http://tinyurl.com/SCR1308
3. http://tinyurl.com/SCR1325
4. http://www.unddr.org
5. Présidé par le PNUD et l’UNFPA et comptant parmi
ses membres : DOMP, UNIFEM, UNICEF, ONUSIDA,
OMS et OIT.

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