Le subventionnement des programmes relatifs à l’orientation sexuelle et l’identité de genre (OSIG)

Dans la mesure où les questions relatives à l’orientation sexuelle et l’identité de genre sont un domaine qui leur est relativement nouveau, les financeurs voient s’offrir  à eux  une opportunité d’exercer une influence stratégique sur le développement de politiques et de pratiques améliorées.

La disponibilité du financement et ses limitations peuvent facilement influencer la réponse donnée à la migration forcée. Parce que les questions touchant l’orientation sexuelle et l’identité de genre (OSIG) sont relativement nouvelles pour de nombreux États et acteurs de la société civile actifs dans le domaine de la migration forcée, et parce que les pressions économiques que nous vivons imposent des choix difficiles à tous les niveaux, les schémas actuels de financement jouent un rôle décisif sur la manière dont cette question se développe.  

Il est nécessaire de définir le terme de ‘financeur’ dans le cadre de cette discussion. En effet, la pratique de nombreux acteurs dans ce domaine et d’autres, est de regrouper toutes les sources de financement sous la catégorie de ‘bailleur’, éludant ainsi toute une variété de restrictions et possibilités qui sont associées à chaque type de financement :

Public : contrôlé par des fonctionnaires du gouvernement et provenant des budgets gouvernementaux et des agences intergouvernementales. Sont inclus dans cette catégorie le développement bilatéral et les fonds destinés à la coopération internationale ainsi que le financement des Nations Unies. Le financement public est souvent orienté par les priorités de politique étrangère et  les engagements des États.

Privé: Sont inclus dans cette catégorie les fonds provenant des fondations, tant publiques que privées (ce qui entraîne une certaine confusion). En gros, il est possible de dire qu’une fondation privée reçoit des fonds d’une ou d’un petit nombre de sources dans le but de soutenir des activités caritatives. Les fonds dispensés par une fondation privée proviennent de ses biens propres. Les fondations publiques reçoivent un soutien continu du public, ou en tout cas d’un nombre plus important de sources. Elles sont souvent obligées de faire continuellement de la recherche de fonds afin de maintenir leur programmes de donation. Une fondation publique est essentiellement la même chose qu’une ONG ; la différence est que les fondations publiques accomplissent leur mission – est peuvent avoir une influence sur la politique – en collectant des fonds et en octroyant des subventions, alors que les ONG accomplissent leur mission en collectant des fonds et en menant des activités de plaidoyer, en fournissant des services, etc. Le fait de ne pas dépendre d’une administration gouvernementale encombrante permet à certains financeurs privés d’être plus flexibles et novateurs dans la manière dont ils octroient leurs subventions.

 

Sources et filières de financement

Le rapport le plus récent et le plus complet sur le suivi de l’ensemble des subventions internationales réalisées dans le domaine de l’orientation sexuelle et l’identité de genre, a identifié un montant total de 35,5 millions de dollars US qui a été versé en 2010 par 64 institutions à des organisations et des projets dans 94 pays travaillant à l’international ou dans le Sud et l’Est du monde. Ce montant incluait à la fois le financement public et le financement privé. Dans leur grande majorité, ces dollars provenaient de financeurs privés. Même si la Suède, les Pays-Bas et la Norvège font partie des sept pays donateurs les plus importants, le total du financement public ne s’élevait qu’à 36 % de ces 35,5 millions de dollars ; la taille moyenne des subventions était de 15 000 dollars et il s’agissait dans  91 % des cas de versements uniques.   

Une part très peu importante de ce financement est consacrée à des questions relatives à la migration forcée. La moitié de la totalité des fonds traitait de questions de droits humains au sens large. Seuls 601 550 dollars tombaient dans la catégorie définie sous ‘Immigration/Droits des migrants’ (réfugiés et demandeurs d’asile y compris), représentant seulement 5,5 % de la totalité des fonds alloués.    

La question de l’identification des entités qui consentent ces subventions est tout aussi informative. Le rapport a identifié les principaux financeurs en fonction du montant total en dollars consacré à des questions relatives à l’OSIG. Une comparaison de cette liste avec la liste des financeurs majeurs dans le domaine de la migration forcée ne révèle qu’une infime intersection entre ces deux types de financement.[1] Seul un nombre réduit de fondations parmi celles qui ont les actifs les plus importants octroient activement des fonds dans les deux domaines. Si l’on examine les organismes qui financent des activités liées aux questions relatives aux LGBT en fonction du plus grand nombre de subventions LGBT accordées, et non pas en fonction des montants les plus importants en dollars, on s’aperçoit alors que le chevauchement entre les deux communautés de financement est pratiquement inexistant.

Ces données soulèvent plusieurs questions. Tout d’abord, les questions d’OSIG ne font encore qu’émerger dans le domaine de la migration forcée. Comme c’est le cas pour d’autres questions par rapport auxquelles les obligations des États ne sont pas encore régulées, le financement privé, même s’il est restreint en quantité, précède et dépasse le financement public. Lorsque les gouvernements auront fait des personnes LGBT une cible de programmation, les programmes de financement seront modifiés de manière à incorporer les questions relatives à l’OSIG. Deuxièmement, même parmi les financeurs privés, ceux qui sont les plus actifs dans le domaine de la migration forcée ne sont pas impliqués dans ces questions. Troisièmement, le montant actuel du financement, ainsi que la taille des subventions octroyées dans le domaine de l’OSIG, sont insuffisants pour assurer le soutien de certains projets.

 

Recommandations à l’intention des financeurs

Ces schémas de financement offrent des opportunités pour les financeurs, particulièrement pour les financeurs privés. Premièrement, le financement privé a été et peut continuer d’être la source principale de soutien pour les activités consacrées à documenter et faire connaître les tendances en matière de violence et de discrimination, ainsi qu’à l’établissement de réseaux à l’intérieur desquels les personnes LGBT peuvent s’identifier. De la même manière que le financement privé a soutenu le développement de techniques de recherches démographiques dans le domaine de la santé et du recensement des personnes  LGBT, celui-ci pourrait également soutenir l’élaboration de lignes directrices pour les entretiens et les enquêtes concernant le domaine complexe de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre ainsi que leur pilotage et leur validation.

Deuxièmement, les financeurs privés, par l’intermédiaire d’ONG, pourraient soutenir le développement professionnel et la formation des employés au sein du HCR et des agences locales à travers le monde. Jusqu’à ce que les questions d’OSIG soient considérées comme faisant partie de la pratique fondamentale des agences qui traitent de migration forcée, ces programmes continueront bien souvent de nécessiter une assistance extérieure. Tant  que la politique sera en cours de développement dans ce domaine, la formation et l’acquisition de connaissances resteront cruciales.

Troisièmement, des financeurs privés peuvent soutenir le développement des pratiques qui entourent la demande d’asile, la détention et la détermination du statut en fournissant une représentation aux personnes déplacées. Le rôle en matière de financement dans ce domaine, n’est pas de fournir des services généralisés, mais plutôt  des services dont l’objectif serait de sensibiliser les agences qui travaillent dans ce domaine aux questions touchant à leur propre manière de pratiquer tant que les questions relatives à l’OSIG ne font pas partie de leur domaine d’expertise. 

Finalement, les financeurs dont les activités principales en matière de subventionnement concernent les différents aspects des migrations forcées, ont actuellement la capacité de faire avancer stratégiquement les questions d’OSIG par le biais d’un nombre restreint de décisions en matière d’allocation de fonds. Jusqu’à ce que les schémas de financement changent, il restera d’excellentes opportunités pour établir des modèles et des précédents. Ces financeurs qui ont acquis un niveau élevé d’expertise sont à même d’orienter des initiatives novatrices dans ce domaine.

Nous devrions faire remarquer deux réserves potentielles à l’utilisation de fonds privés pour le soutien d’individus LGBT confrontés à un déplacement. Premièrement, un financement privé, dans la mesure où les subventions sont habituellement peu importantes et qu’il s’agit d’allocations uniques, peut s’avérer un facteur renforçant les risques. Il est possible en effet, qu’une subvention de ce type puisse aider une personne LGBT à fuir un danger immédiat mais seulement pour que cette personne échoue à trouver une solution durable ou se trouve dans une situation dans laquelle sa vulnérabilité à long-terme est accrue. Deuxièmement, il est impossible de demander aux financeurs privés de rendre des comptes et d’établir si leurs décisions  – concernant l’endroit et la manière dont ils dépensent leurs fonds – sont conformes aux normes internationales relatives aux personnes déplacées.

 

Andrew Park apark@wellspringadvisors.com est Directeur de programme, Programmes d’OSIG, Wellspring Advisors, LLC www.wellspringadvisors.com



[1] Cet article s’est appuyé sur les sources suivantes: Funders for Lesbian and Gay Issues

A Global Gaze: Lesbian, Gay, Bisexual, Transgender And Intersex Grantmaking In The Global South And East 2010 www.lgbtfunders.org/files/A_Global_Gaze_2010.pdf ainsi que sur des recherches internet effectuées sur la Fondation Center Philanthropy et son Insight interactive map www.philanthropyinsight.org

 

 

Avis de non responsabilité
Les avis contenus dans RMF ne reflètent pas forcément les vues de la rédaction ou du Centre d’Études sur les Réfugiés.
Droits d’auteur
RMF est une publication en libre accès (« Open Access »). Vous êtes libres de lire, télécharger, copier, distribuer et imprimer le texte complet des articles de RMF, de même que publier les liens vers ces articles, à condition que l’utilisation de ces articles ne serve aucune fin commerciale et que l’auteur ainsi que la revue RMF soient mentionnés. Tous les articles publiés dans les versions en ligne et imprimée de RMF, ainsi que la revue RMF en elle-même, font l’objet d’une licence Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification (CC BY-NC-ND) de Creative Commons. Voir www.fmreview.org/fr/droits-dauteurs pour plus de détails.