Provoquer le déplacement: le recours à des armes explosives dans des zones peuplées

La question du rôle des armes explosives en tant facteur générateur de déplacement dans les zones urbaines s'est recemment levée sur la liste des priorités internationales.

De nombreux facteurs provoquent le déplacement forcé, mais parmi ceux-ci, l’utilisation d’armes explosives dans des zones densément peuplées, fait l’objet d’une préoccupation croissante. Que ce soit à Gaza pendant l’opération Cast Lead de décembre 2008 à janvier 2009, au cours des dernières étapes épuisantes du conflit au Sri Lanka, ou à l’heure actuelle en Syrie, à Aleppo et Homs, le recours aux armes explosives dans des zones densément peuplées provoque le déplacement de centaines de milliers de personnes.

Les armes explosives varient considérablement, et incluent les obus d’artillerie, les missiles et les têtes de fusées, les mortiers, les bombes aériennes, les grenades et toutes sortes d’explosifs improvisés. Elles ont cependant toutes pour caractéristiques communes leur non-discrimination à l’intérieur de leur zone d’explosion et leur effet de fragmentation, qui rendent leur utilisation dans les zones peuplées extrêmement problématique. Des données recueillies dans le cadre de toute une série de conflits, parmi lesquels l’Afghanistan, l’Irak, la Somalie et le Yémen, révèlent les souffrances substantielles et constantes que les effets d’explosion et de fragmentation de ces armes font subir aux civils dans les zones peuplées. Une étude menée cette année par Action on Armed Violence (AOAV) a découvert que 87 % des décès et des blessures infligées aux civils ont eu lieu dans des zones peuplées, et notamment dans des marchés, des écoles, des lieux de culte et des résidences privées.[1]

Même s’il est difficile d’attribuer directement les déplacements aux armes explosives, il n’en reste pas moins que leur utilisation a des implications évidentes sur le déplacement des civils. Dans un premier temps, les gens sont forcés de fuir les zones qui subissent une attaque. Si et lorsque les combats cessent ou se déplacent, les personnes se trouvent alors  souvent dans l’incapacité de retourner chez elles du fait de l’ampleur des destruction et des dommages subis par leurs habitations, leurs moyens d’existence et les infrastructures essentielles comme l’eau et les systèmes d’assainissement. Les munitions non explosées continuent de représenter une menace constante pour les civils, notamment pour les réfugiés et les personnes déplacées de l’intérieur de retour, et ce, jusqu’à leur élimination.

La nécessité de trouver une solution à ce problème a récemment été mise au sommet des priorités internationales au moment où le CICR,[2] le Secrétaire général des Nations Unies,[3] La Coordinatrice des secours d’urgence de l’ONU, Valérie Amos, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, ont tous remarqué ou se sont élevés contre les impacts de l’utilisation d’armes lourdes dans les centres de population.  

La société civile s’est également mobilisée autour de cette question. En mars 2011, une coalition d’ONG, l’International Network on Explosive Weapons (le Réseau international sur les armes explosives - INEW[4]), a été établie pour exiger des États et des autres acteurs qu’ils s’efforcent d’éviter les dommages provoqués par l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées, qu’ils rassemblent toutes les données pertinentes et les rendent disponibles, qu’ils fassent en sorte que les droits des victimes soient respectés, et qu’ils développent des normes internationales plus rigoureuses. Il est essentiel de recueillir et d’analyser toutes les données pour mieux comprendre l’impact humanitaire de ces armes et renseigner les politiques et pratiques en la matière ; un élément important dans ce contexte serait d’obtenir une analyse plus détaillée de l’impact des armes explosives en tant que causes du déplacement et de sa prolongation.

 

Simon Bagshaw bagshaw@un.org est Conseiller politique principal au sein du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires à Genève. www.unocha.org  Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles des Nations Unies.



[1] Action on Armed Violence, Monitoring Explosive Violence:  The EVMP Dataset 2011  [Surveillance de la violence dues aux explosifs: données 2011 du Projet de surveillance de la violence due aux explosifs] (2012) http://tinyurl.com/aoav-evmp2011

[2] CICR,  Le droit international humanitaire et les défis posés par les conflits armés contemporainsrapport préparé pour la XXXIe Conférence internationale de la Croix Rouge et du Croissant Rouge (Octobre 2011) 42  http://tinyurl.com/icrc-31st-int-conf-ihl-fr

[3] Voir Report of the Secretary-General on the protection of civilians in armed conflict [Rapport du Secrétaire général relatif à la protection des civils dans les conflits armés], S/2009/277 (29 Mai 2009), S/2010/579 (11 novembre 2010) et S/2012/376 (22 mai 2012)

 

 

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