L’insécurité foncière post-conflictuelle menace de déplacer à nouveau ceux qui sont tout juste de retour dans le Nord de l’Ouganda

Pour beaucoup dans le Nord de l’Ouganda, l’accès à la terre et la propriété foncière restent des problèmes non résolus qui menacent la paix et la permanence du retour.

Les négociations de paix entre le Gouvernement ougandais et L’Armée de résistance du Seigneur (LRA) ont entraîné à partir de 2008 une situation de paix relative dans le Nord de l’Ouganda. Bien que Joseph Kony, le leader de la LRA, n’ait pas signé l’Accord de paix final, une amélioration des conditions de sécurité a signifié que de nombreuses personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) sont maintenant en mesure d’accéder à leurs fermes et de reconstruire leurs habitations. La situation reste toutefois fragile pour certains rapatriés ainsi que pour certaines catégories vulnérables de population comme les personnes âgées, les mineurs non accompagnés, les veuves et les personnes handicapées dont les besoins et les droits ont été négligés.

Au moment où les programmes d’assistance humanitaire sont remplacés par des programmes de reconstruction et de développement, les bénéfices du retour restent encore insaisissables pour certaines populations d’anciens déplacés dans les sous-régions d’Acholi et Langui. Suite à un accaparement effréné de terres de la part de politiciens, de fonctionnaires, d’entreprises et d’investisseurs locaux et nationaux qui se disputent le ‘butin de guerre’, l’impact de l’insécurité foncière menace de déplacer à nouveau ceux qui viennent de retourner chez eux.   

Avant l’insurrection de la LRA, les conflits fonciers étaient peu fréquents dans le Nord de l’Ouganda ; lorsqu’ils survenaient, il s’agissait principalement de petites disputes individuelles à propos d’une parcelle ou d’un désaccord sur une limite de champ. À mesure que l’insurrection de la LRA a pris des proportions plus préoccupantes, de 1996 au début des années 2000, le gouvernement ougandais s’est mis à forcer des milliers de personnes à se déplacer vers des camps de PDI – aussi connus sous le nom de ‘villages protégés’ – sous couvert de protéger leur vie et leurs biens des attaques de la LRA. L’impact de cette politique gouvernementale de mise en camps forcée a eu pour résultat de laisser largement vacants et inoccupés d’énormes blocs de terres arables – qui devenaient donc facilement la cible de l’occupation ou de l’accaparement foncier.

La récurrence des conflits et des déplacements devient monnaie courante dans la région des Grands Lacs. Le conflit foncier dans le Nord de l’Ouganda exige un réexamen de la gestion du processus de retour dans sa globalité, particulièrement si l’on considère à quel point le fait de prêter davantage d’attention à certains aspects fondamentaux liés à la sécurité, comme la propriété foncière, seraient susceptibles de réduire les risques de déplacements nouveaux ou répétés.  Le gouvernement et toutes les organisations impliquées dans le retour doivent prendre en considération des questions telles que celles-ci : Quel est l’impact des disputes liées à des problèmes fonciers sur un risque de résurgence du conflit ? Quelle peut être l’implication d’un conflit lié à des problèmes fonciers par rapport à un nouveau déplacement des populations récemment retournées ? À qui incombe la responsabilité de veiller à la sécurité des populations de retour et de leur rendre leurs propriétés et leurs terres ?

L’Article 11, Clause 1 de la  Convention de l’Union Africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala de 2009) sous le titre, Obligations des États parties relatives au retour à l’intégration locale ou et à la réinstallation durables, exige des États parties qu’ils « recherchent  des solutions durables au problème de déplacement, par la promotion et la création de conditions satisfaisantes pour le retour volontaire, l’intégration locale ou la réinstallation de manière durable, et dans des conditions de sécurité et de dignité ».[1] Malgré cela, depuis le début de la transition vers la paix, certaines parties du Nord de l’Ouganda ont connu du fait de la violence des pertes considérables en vies humaines ainsi que de nombreuses destructions d’habitations de de propriétés ; des propriétés ont également été perdues par le biais d’évictions effectuées par des agences gouvernementales, des individus et des investisseurs privés. Tout cela, a inévitablement érodé la confiance – un ingrédient indispensable dans le processus de relèvement post-conflictuel – parmi les populations de retour. En substance, négliger les questions foncières et de propriété menace le principe central de tout processus de relèvement et de reconstruction après un conflit selon lequel il est crucial de favoriser un environnement propice au développement et à la réintégration dans la sécurité. 

Il est essentiel que les réformes foncières post-conflictuelles aient pour priorité la  réduction des tensions et des disputes et la promotion d’une utilisation socialement et économiquement productive des terres ; ce qui inclut de se concentrer sur des questions d’accès, de propriété et d’utilisation de la terre de manière à prévenir de nouveaux déplacements dans le futur.  Et surtout, les populations déplacées elles-mêmes devraient être impliquées dans tous les aspects de ces processus de retour.

 

Levis Onegi levisonegi@gmail.com est Étudiant chercheur associé à l’African Centre for Migration and Society de l’université de Witwatersrand, Afrique du Sud. Cet article se fonde largement sur des recherches menées par le Refugee Law Project de l’Université de Makerere, Ouganda, dont l’auteur a dirigé l’équipe de recherches. Néanmoins, cet article a été rédigé par l’auteur à titre personnel.   

 

Voir également:

Refugee Law Project ‘Why being able to return home should be part of transitional justice’ [Pourquoi le fait de pouvoir retourner chez soi devrait faire partie de la justice transitionnelle], School of Law, Université de Makerere, Working Paper No 2, mars 2010

www.beyondjuba.org/BJP1/working_papers/BJP.WP2.pdf

UNDP ’Returning to uncertainty: Addressing vulnerabilities in northern Uganda’ [PNUD ‘Retour vers un futur incertain : traiter les vulnérabilités dans le Nord de l’Ouganda’], www.fafo.no/nyhet/return2uncertanity.pdf

 

 

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