Emprisonnement et expulsion des réfugiés irakiens au Liban

En tant que pays non signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, le Liban n’accorde pas ce statut aux Irakiens, dont un grand nombre se retrouve en détention prolongée.

L’absence de statut juridique des réfugiés irakiens au Liban se traduit par un éventail de conséquences indésirables. Par exemple, s’ils sont victimes d’exploitation ou d’abus (par leur employeur ou le propriétaire de leur logement), ils ne peuvent pas déposer  plainte auprès des autorités juridiques. De plus, conformément à l’article 32 de la loi libanaise de 1962 réglementant l’entrée des étrangers au Liban, leur séjour et leur sortie du Liban, les étrangers pénétrant de manière illégale sur le territoire libanais sont passibles d’une peine d’emprisonnement (d’un mois à trois ans), d’une amende et d’expulsion. Ainsi, si un réfugié irakien est arrêté et qu’il est prouvé qu’il se trouve en situation illégale, il est passible des mêmes punitions et sera traité comme un criminel et non pas comme un réfugié.

L’UNHCR (l’agence de l’ONU pour les réfugiés) peut accorder une légitimité théorique aux Irakiens en les enregistrant en tant que réfugiés et en leur délivrant un document confirmant que son titulaire a été reconnu comme réfugié par l’UNHCR. Cependant, comme le Liban n’est pas signataire de la Convention de 1951 relatives au statut des réfugiés, il ne se sent pas juridiquement contraint de reconnaître ce statut. Lorsqu’un réfugié enregistré auprès de l’UNHCR est mis en détention au motif de sa clandestinité, l’UNHCR tente de persuader les représentants libanais de reconnaître la personne concernée en tant que réfugié, et rend également des visites régulières à cette personne en prison. Tous les détenus irakiens ont le droit de s’enregistrer auprès de l’UNHCR s’ils ne l’ont pas encore fait.

En tant qu’Irakien, je travaillais comme bénévole dans un organisme humanitaire pour aider les autres Irakiens déplacés au Liban. Malheureusement, quelqu’un a informé les autorités que je travaillais en échange d’une rémunération et non pas en tant que bénévole. Les autorités m’ont donné 15 jours pour partir et m’ont interdit de revenir pendant cinq ans. Comme je ne souhaitais pas risquer de perdre la vie une fois de retour en Irak, je vis aujourd’hui en changeant sans cesse de domicile, et toujours dans la peur. Je connais bien la réalité de vivre dans l’illégalité, sans droit de résidence, courant le risque d’être emprisonné à tout moment.

Comme moi, mes amis et des milliers d’autres réfugiés irakiens vivent dans la crainte permanente d’être arrêtés et mis en détention. Certains tentent de passer inaperçus en s’abstenant de travailler tandis que d’autres, qui travaillent dans l’illégalité, risquent d’être exploités sur leur lieu de travail mais ne peuvent pas approcher les autorités pour porter plainte.

Ahmad, un réfugié irakien de 23 ans établi au Liban, a été arrêté pendant un contrôle de sécurité et emprisonné pendant un mois – une peine qui a ensuite été allongée de six ou sept mois, puis encore de six mois supplémentaires. L’UNHCR a finalement pris l’affaire en main et est parvenu à lui obtenir le statut de réfugié temporaire au Liban. L’histoire d’Ahmad est seulement l’une des centaines d’autres histoires d’Irakiens plongés dans cette terrible situation.

L’UNHCR estime que plus de 500 réfugiés irakiens étaient détenus dans les prisons libanaises en 2015. Une fois que les Irakiens ont accompli leur peine de prison pour séjour illégal au Liban, ce pays est obligé, selon le droit international, de ne pas déporter ces personnes contre leur gré vers une destination où leur vie serait en danger. Toutefois, plutôt que de les libérer, les autorités prolongent généralement leur détention de manière indéfinie. L’UNHCR parvient seulement à faciliter la libération d’un très petit nombre de ces personnes ; la majorité d’entre elles obtiennent leur libération en acceptant de retourner en Irak.

Même si le Liban n’est pas contraint d’aider et de soutenir les réfugiés en leur donnant la possibilité de s’intégrer à la société locale, il n’en est pas moins obligé de respecter les droits humains fondamentaux. De plus, il pourrait également délivrer des permis de travail temporaires, renouvelables jusqu’à ce que les Irakiens puissent retourner dans leur pays en toute sécurité.

 

Qusay Tariq Al-Zubaidi qusaytariq@hotmail.com

 

Avis de non responsabilité
Les avis contenus dans RMF ne reflètent pas forcément les vues de la rédaction ou du Centre d’Études sur les Réfugiés.
Droits d’auteur
RMF est une publication en libre accès (« Open Access »). Vous êtes libres de lire, télécharger, copier, distribuer et imprimer le texte complet des articles de RMF, de même que publier les liens vers ces articles, à condition que l’utilisation de ces articles ne serve aucune fin commerciale et que l’auteur ainsi que la revue RMF soient mentionnés. Tous les articles publiés dans les versions en ligne et imprimée de RMF, ainsi que la revue RMF en elle-même, font l’objet d’une licence Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification (CC BY-NC-ND) de Creative Commons. Voir www.fmreview.org/fr/droits-dauteurs pour plus de détails.