Le chemin vers une résolution pacifique dans l’État de Rakhine au Myanmar

De vives aspirations nationalistes et de puissants intérêts particuliers entravent la coopération entre les communautés rakhine et musulmane, ainsi que la résolution du déplacement.

En 2012, des violences communales ont éclaté entre les populations musulmanes et bouddhistes de l’État de Rakhine. Les musulmans, appelés « Rohingya », ont été les plus touchés par ce conflit et en subissent encore aujourd’hui les conséquences. La solution adoptée par la suite impliquait une séparation active des communautés musulmane et bouddhiste et une importante limitation des droits des musulmans. Selon les estimations, 140 000 personnes, musulmanes pour la plupart, continuent d’être déplacées en interne dans des camps ou recluses dans le quartier Aung Mingalar de Sittwe, la capitale de l’État. Alors que leur vie se caractérise par une fragilité, une marginalité et un manque de sécurité grandissants, un grand nombre d’entre elles ont décidé de traverser le golfe du Bengale à l’aide d’embarcations de fortune dans l’objectif d’émigrer.

Mais la vie est également loin d’être rose pour la majorité bouddhiste de l’État de Rakhine. Celui-ci est le deuxième État le plus pauvre du Myanmar avec un taux de pauvreté atteignant 78 %, soit presque le double de la moyenne nationale. Le conflit ethnique semble se trouver dans une impasse et une grande incertitude règne quant à ce qu’il pourrait se passer par la suite. L’apaisement des tensions et la prévention des conflits communaux sont cruciaux pour garantir un meilleur avenir à tous les résidents de cet État, y compris en réduisant le nombre de nouveaux déplacements parmi les musulmans et en mettant éventuellement fin à leur déplacement interne.

Lorsque nous avons entrepris notre recherche parmi les communautés urbaines pauvres du nord de l’État en 2015, nous nous attendions à trouver deux communautés qui souhaitaient autant que possible s’éviter mutuellement et qui n’éprouvaient peu voire aucun respect pour l’autre. En fait, nous avons trouvé des personnes prêtes à envisager de laisser de côté leurs préjugés et leurs craintes de l’autre.

Les Rakhines faisaient parfois preuve de naïveté envers la souffrance des musulmans et peut-être même d’un aveuglement volontaire face à leur marginalisation systématique. Toutefois, loin d’afficher une attitude agressivement antimusulmane, la grande majorité des populations rakhines urbaines et rurales exprimaient avec prudence leur désir de vivre en paix avec leurs voisins musulmans, souhaitant même que des droits humains leurs soient octroyés ainsi que des opportunités favorisant leur intégration – mais dans les bonnes circonstances. Ils souhaitaient que les lois soient appliquées de manière transparente, à l’abri de la corruption, et que la communauté musulmane montre son engagement à accepter les responsabilités qui vont de pair avec la citoyenneté. En revanche, ils considéraient la reconnaissance officielle du nom « Rohingya » comme une revendication politique à laquelle ils ne pouvaient adhérer.

À leur tour, les Rohingya nous ont surpris par le caractère pacifique et conciliant de leurs réponses. Ceux qui étaient établis dans des camps de PDI avaient à cœur de parler des injustices particulières dont ils avaient souffert mais, ensuite, ils étaient également prêts à parler de solutions pacifiques et de réintégration.

L’un des thèmes qui revenaient le plus souvent dans ces discussions était que le gouvernement et l’armée devaient être considérés comme les plus grands responsables du conflit de 2012 puisqu’ils avaient permis, voire incité, le nationalisme extrême qui avait attisé les violences. De nombreuses personnes pensaient que le nationalisme rakhine était instrumentalisé alors qu’il n’était pas l’un des principaux moteurs du conflit. Chaque communauté à laquelle nous nous sommes adressée semblait penser que la cause du problème provenait plutôt de l’État que des Rakhine ou des musulmans.

Les communautés rakhine et musulmane ont chacune suggéré que l’objectif du gouvernement était de détourner leur attention de la captation par l’État des recettes tirées du gaz et des autres ressources de la région. Et comme chacune considère que les autorités ont attisé la crise, chacune pense que ces mêmes autorités ont également le pouvoir de résoudre le problème, lorsqu’elles se montreront disposées à le faire. Enfin, les Rakhines et les Rohingya musulmans partageaient le même optimisme concernant le potentiel du nouveau gouvernement du Myanmar à trouver une réponse aux revendications locales de longue date.

Les musulmans désirent reprendre la vie qu’ils menaient précédemment au sein de la communauté et établir des relations pacifiques avec leurs voisins, et souhaitent également que leurs droits soient reconnus, octroyés et respectés. Ils estiment que les autorités pourraient facilement résoudre leur situation si elles affichaient la volonté politique et le leadership nécessaires.

 

Ronan Lee ronan@deakin.edu.au
Ancien membre du Parlement du Queensland et doctorant à la Deakin University

Anthony Ware anthony.ware@deakin.edu.au
Maitre de conférences à la Deakin University

www.deakin.edu.au/

 

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