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Un derniers recours dans les situations de détention illégale et d’expulsion

Esmaila Connateh se trouvait parmi les 126.247 ressortissants étrangers qui, selon les estimations, avaient été expulsés en masse de l’Angola en 2004. Aucun mandat d’arrêt n’avait été délivré, ni aucun motif d’arrestation communiqué. Leurs papiers d’identité avaient été confisqués. Leurs biens avaient été saisis, ou ils avaient dû les laisser derrière eux. La plupart d’entre eux avaient été  placés en détention pendant plusieurs semaines, parfois plusieurs mois, dans des camps qui avaient servi à accueillir des animaux et qui étaient encore pleins d’excréments. L’attention médicale était inexistante, la nourriture offerte peu abondante et les conditions d’hygiènes déplorables. Personne n’était autorisé à accéder au système judiciaire afin de contester son arrestation, sa mise en détention ou les conditions d’isolement.

Comme ces personnes n’avaient aucune autre alternative viable pour s’élever contre les violations de leurs droits humains, l’Institut pour les droits de l’homme et le développement en Afrique a déposé une plainte en leur nom auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples. Cette commission avait été établie par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples en vue de combattre les violations des droits garantis par la Charte.

Dans le cas d’Esmaila Connateh, la Commission a étudié les violations présumées de la Charte et rendu une décision sur le bien-fondé de chacune d’entre elles. Relativement à l’article 6 de la Charte (à propos de la détention), la Commission a atteint la conclusion suivante: «La prohibition de la détention arbitraire implique la prohibition de la détention pour une durée indéterminée et des arrestations et détentions “fondées uniquement sur des motifs ethniques”». Comme aucune preuve n’indiquait qu’«un mandat avait été présenté aux victimes, ou tout autre document relatif aux chefs d’accusation qui justifiaient les arrestations», ces dernières étaient donc illégales, tout comme les mises en détention ultérieures, et l’Angola se trouvait en infraction de l’article 6. Dans d’autres cas relatifs à des arrestations et des détentions arbitraires, la Commission a conclu sans ambiguïté que «[l]e caractère arbitraire ne doit pas être assimilé à un comportement “hors la loi” mais interprété de manière plus large en tenant compte d’éléments tels que l’inadéquation, l’injustice, le manque de prévisibilité et d’application régulière de la loi». En bref, la Commission reconnaît que les lois d’un pays donné sont parfois déraisonnables et qu’il lui faut donc outrepasser la législation locale pour déterminer le bien-fondé d’une arrestation.

La Commission a également conclu que l’Angola avait violé l’article 12 relatif à la liberté de mouvement et de résidence: «Bien que les États africains aient le droit d’expulser des non-ressortissants de leur territoire, les mesures prises dans ces circonstances ne devraient pas porter atteinte à l’exercice des droits humains… les expulsions [devraient] se dérouler dans le respect de l’application des lois… la situation telle que présentée par la plaignante n’a pas accordé aux personnes expulsées un processus régulier d’application de la loi en vue de protéger les droits que l’État mis en cause est accusé d’avoir violés. En outre, ces personnes n’ont pas eu accès aux recours prévus par la législation nationale pour contester, voire annuler, leur expulsion.»

En termes généraux, la Commission a jugé que les expulsions massives par le biais d’une « action gouvernementale spécifiquement dirigée vers  des catégories de personnes sur la base de considérations d’ordre national, religieux, ethnique, racial ou autres, est généralement qualifié de discriminatoire car aucune de ces caractéristiques n’a de justification légale. La commission a expliqué la raison de cette décision : « les États africains, en général, et la République d’Angola, en particulier, font face à de nombreuses difficultés, principalement économiques. A l’aune de ces difficultés si importantes, les États ont souvent recours à des mesures radicales afin de protéger leurs ressortissants nationaux et leurs économies contre les non-nationaux. Cela dit, quelles que soient les circonstances, de telles mesures ne devraient être prises au détriment de la jouissance des droits humains.» 

Hélas, obtenir gain de cause devant la Commission s’apparente souvent à une victoire sans lendemain puisque ses décisions ne sont que des «recommandations», qui restent souvent ignorées. D’ailleurs, le Gouvernement angolais a non seulement ignoré les conclusions de la Commission mais il a aussi récidivé. Quoi qu’il en soit, la possibilité de recours auprès de la Commission ne doit pas être ignorée. Ses recommandations donnent aux ONG et aux autres États l’occasion de faire pression sur un État contrevenant pour qu’il se conforme aux normes des droits humains. Elles servent aussi de précédents pour les futures décisions de la Commission, tout en contribuant au corpus sans cesse plus imposant du droit international des droits de l’homme.

 

Matthew C Kane mkane@ryanwhaley.com est avocat chez Ryan Whaley Coldiron Shandy PLLC et professeur adjoint à la Faculté de Droit de l’Université de l’Oklahoma et à la Faculté de Droit de l’Université d’Oklahoma City. Susan F Kane skane@ryanwhaley.com exerce aussi le droit tout en étant conseillère et formatrice sur les questions d’adoption nationale et internationale. Ils ont également tous les deux travaillé sur les questions relatives aux droits humains en Afrique de l’Est.

Pour de plus amples informations sur les décisions abordées ici et sur toutes les autres décisions de la Commission, consultez l’analyseur de la jurisprudence des droits humains en Afrique sur http://caselaw.ihrda.org/acmhpr/. Deux articles plus longs de ces auteurs sont également disponibles sur www.ryanwhaley.com/attorneys/matthew-kane/

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